Crèche et école

« On voulait qu’il termine ses humanités, il veut devenir plombier »

« Tu ne vas quand même pas faire ça ! », « Ce n’est pas un métier ! », « Tu vas aller au chômage après ça ! » sont autant d’arguments incendiaires sur les débouchés des filières et formations aux métiers manuels. Objectif : qu’il termine ses humanités et décroche le fameux certificat d’enseignement secondaire supérieur (CESS).

On souhaite toujours - ou presque ! - qu’il termine au moins ses humanités et obtienne le CESS. Ça nous rassure. Ça « fait bien ». C’est le minimum pour réussir dans la vie. Mais à quel prix ? Finir absolument et péniblement ses secondaires classiques peut miner une carrière. Si votre jeune n’y trouve aucune motivation et cumule les bulletins rouges, il risque de perdre confiance en lui et en son avenir, jusqu’aux problèmes disciplinaires, bien souvent, voire au décrochage scolaire. « C’est souvent le mal-être d’un élève dans sa section qui l’amène à mal se comporter. Il faut une filière qui l’embarque et le pousse à avancer », estime Claude Dupont, le sous-directeur du centre scolaire de Ma campagne où se croisent toutes les filières (générale, technique, professionnelle).

Gagner de l’argent le plus vite possible

Pourquoi donc le freiner au risque qu’il s’englue dans des études générales qui ne lui correspondent pas, alors qu’il rêve (ou ne se permet pas de rêver ?) de mettre un pied à l’étrier du métier qui le stimule ? Certains étudiants, parfois contre le gré de leurs parents, ont arrêté le parcours scolaire classique, ne se sentant pas faits pour rester assis sur un banc à prendre des notes.
Ce qu’ils veulent, c’est du concret : apprendre sur le terrain, tout en commençant à gagner un peu leur vie. Et une formation pratique peut être un vrai tremplin vers le monde professionnel et l’insertion sociale.
Et nous, parents, là-dedans ? Eh bien, on ravale notre fierté, on reporte notre effort sur le parcours professionnel de notre enfant et on met de côté nos a priori sur les métiers manuels. Bien sûr, on n’hésite pas à lui donner notre avis, à lui confier ce qu’on pense lui correspondre le mieux. Mais, surtout, on le laisse construire son avenir, sans lui fermer les portes des métiers techniques qui ne sont pas moins porteurs, si le gamin ou la gamine aime bosser.

Filières techniques et professionnelles : ça mène à quoi ?

La filière technique est entre le professionnel et le général. Elle permet de se diriger ensuite vers les études supérieures (bac + 3) ou une formation (en Haute école). Son option qualifiante permet également de diriger l’étudiant directement vers le travail.

  • Option n°1 : il y a certains jeunes qui craignent de se lancer trop vite dans des études supérieures et qui s’offrent un détour pour en apprivoiser l’idée. Ils empruntent alors les passerelles de la technique de qualification vers l’enseignement supérieur et puis l’université.
  • Option n°2 : il y a ceux qui s’offrent la possibilité de faire une formation qualifiante en promotion sociale après les études de technicien. Ça leur permet de travailler tout en suivant une formation en promotion sociale, à l’IFAPME (Institut wallon de formation en alternance des indépendants et petites et moyennes entreprises), à Bruxelles Formation…


La filière professionnelle donne accès à un métier. Et si on veut accéder aux études supérieures ensuite, la 7e professionnelle devient obligatoire. Elle combine une formation théorique et pratique (dans un centre de formation ou sous forme de stage).



Caroline Van Nespen

Le mot des pros

ALAIN GHILISSEN, ASSISTANT SOCIAL

Qu’il se sente bien
« On pleure pour avoir des bouchers et des poissonniers. Et on ne trouve plus de jeunes qui veulent faire ça. Je crois qu’il faut pouvoir être ouvert à toutes les possibilités, du moment que le jeune y trouve du sens, qu’il se sente bien. Peu importe le secteur dans lequel il va se développer. Il y a beaucoup de clichés à détricoter pour reconstruire. À côté de ça, on entend les jeunes dire : ‘Je veux faire de l’informatique’. Mais c’est quoi l’informatique ? Où ? Comment ? Il aime bien être sur Facebook, mais ce n’est pas ça qui en fera un bon informaticien... Il faut sortir du mythe de la voie unique et définitive, tout en restant prudent. Ce n’est pas parce qu’on aime bien les chiens qu’on doit devenir toiletteur. »

En technique pour retrouver confiance
« La filière technique est parfois considérée comme le parent pauvre, car elle ne forme pas encore suffisamment les techniciens pour qu’ils puissent être engagés dans des entreprises. Mais c’est une section qui peut redonner de l’estime de soi au jeune qui a échoué et qui réussit en technique de qualification. Et si ça marche bien, on va voir que ce sont des jeunes qui, quand ils feront des stages, se donneront tant sur le plan théorique que sur le plan pratique. »

La notion d’effort
« Parmi les élèves de 7e professionnelle, j’en ai vu un devenir professeur d’art et un autre script à la RTBF après avoir fait l’INSAS. C’était très difficile. Mais on ne leur parle jamais assez de la notion de sacrifice et d’effort pour arriver à son but. Il n’y a pas de réussite sans travail. »

Un projet personnel
« Même si c’est pour apprendre un métier, on sort de 7e professionnelle générale avec le CESS d’enseignement technique. Après ça, vous pouvez encore faire tout ce que vous voulez. Bien sûr vous n’irez pas à l’université et ça risque d’être difficile dans les Hautes écoles, mais si vous voulez faire une formation, c’est possible. Il y a des jeunes qui sont très réalistes et qui, après la 7e, se disent que les études, c’est terminé. Le but de la 7e, c’est le projet personnel de l’élève, quel qu’il soit. »      

MARC DE VRIESE, COORDINATEUR DES STAGES À L’IFAPME

Un diplôme d’humanités, c’est rien
« La pratique est nécessaire. Les parents les freinent, malheureusement. Ils ont une image négative des formations pratiques, s’attachent à ce que leur gosse fasse la rhéto. C’est un mauvais calcul, car le CESS, ce n’est plus rien maintenant, alors qu’avec un contrat d’apprentissage, par rapport à la mise à l’emploi, il n’y a pas photo. Quelque 86 % des jeunes ont quelque chose après six mois. C’est énorme. Il y a juste les études universitaires qui font mieux. » 

On manque de bons techniciens
« Les métiers techniques sont les métiers de demain. Et on manque de bons techniciens. Les entreprises sont en demande de personnel vraiment bien qualifié. Les jeunes ont leur chance ! »

En savoir +

  • Sur les formations à un métier, en alternance : www.ifapme.be
  • Sur les études supérieures et l’orientation : www.siep.be

Témoignages

Pour être sûr d’avoir un métier

« Comme ça n’allait pas trop à l’école j’ai préféré travailler. J’étais déjà en cours de cuisine à l’école et un chef m’a pris sous son aile, en stage, j’ai apprécié. Rester à l’école et peut-être ne rien avoir après, ça ne m’intéressait pas trop. J’ai préféré suivre cette formation pour être sûr d’avoir un métier. »
Nicolas, 19 ans, 2e restauration

Ça n’allait pas à l’école

« Ça n’allait pas à l’école et il fallait bien aller quelque part. La peinture, ça ne me paraissait pas trop difficile, mais en fait ça l’est plus qu’on l’imagine. Il faut être polyvalent. Il y a pas mal de choses à savoir et savoir faire. On n’est pas sur une chaise toute la journée. Le temps passe plus vite déjà, et on est content de voir le travail fini aussi, quoi ! »
Renaud, 19 ans, 3e en peinture en bâtiment      

Reprendre l’entreprise de mon père

« J’ai arrêté en 3e secondaire parce que j’avais envie de travailler avec les mains. Vu que mon père travaille dans le bâtiment, je me suis inscrit en peinture à l’IFAPME. Et je compte reprendre l’entreprise de mon père après. Peut-être l’agrandir… »
Mathias, 19 ans, 3e peinture

Envie de gagner un peu ma vie

« Je n’aimais pas aller tous les jours à l’école, suivre les cours. Puis j’avais envie de gagner un peu ma vie et d’apprendre plus facilement un métier. »  
Jordan, 19 ans, 3e carrosserie

Faire quelque chose que j’aime

« À 15 ans, je voulais déjà arrêter l’école, mais ça a fait peur à ma maman. Elle m’a poussée à continuer… et j’ai raté. J’avais des soucis avec les profs. Autant ne pas avoir le CESS et faire quelque chose que j’aime. Ici, on travaille et on apprend sur le tas. C’est mieux. »
Margaux, 20 ans, apprentie esthéticienne

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