Loisirs et culture

Page après page, faire son deuil

La mort, le deuil, certains enfants vont en entendre parler en cette semaine de commémorations des défunt·e·s. D’autres, malheureusement, sont confronté·e·s parfois jeunes à un décès. Voici trois albums qui abordent avec audace la fin de vie. À partager avec des enfants à partir de 4 ans, en fonction de leur vécu et si le conteur ou la conteuse se sent à l’aise avec le sujet.

► Partir

Certains livres étonnent, dérangent, interpellent et demandent que l’on y revienne à plusieurs reprises pour en mesurer toute l’intensité. Partir est de cette veine. Nous l’avons parcouru et reparcouru avec différents publics, découvrant à chaque fois un nouveau niveau de lecture. Parfois, ce sont des enfants qui nous l’ont révélé.
Partir est d’abord un livre muet, un livre sans texte. Toute la force de l’histoire tient dans le déroulé des images. Et quelles images ! Les premières pages s’ouvrent sur une scène familiale quasi anodine. Une scène d’intérieur qui donne sur un salon : des jouets trainent sur un canapé, une vieille dame arrose des fleurs, une gamine vaque à ses devoirs et… une dame assise dans un fauteuil, le crâne rasé et reliée à un baxter. Un geste pudique et par un basculement subtil, l’enfant se réfugie dans sa chambre, se déguise puis s’évade par la fenêtre pour un voyage surprenant, chaque page en entraînant une autre.
L’héroïne emprunte un escalier, grimpe dans la salle des machines d’un paquebot aux rouages mystérieux, se joint à une fanfare d’animaux à vélo, saute dans un train d’un autre temps, aborde des terres sauvages où rumine un bison fumeur de pipe... La fillette réalise une étrange alchimie, qui lui permet d’échapper au réel par la force de son imaginaire, tout en emmenant une foule d’objets quotidiens métamorphosés par son inconscient. À la fin de ce périple onirique, elle réintègre le monde réel pour une émouvante scène finale de consolation.
Partir, d’Anders Holmer (Versant sud).

► C’est l’histoire…

À l’image de la couverture empreinte de sérénité par la douceur du paysage et ses déclinaisons chromatiques, C’est l’histoire… raconte avec délicatesse la vie. La vie dans un immeuble à appartements. Derrière chaque fenêtre, se déroulent plusieurs existences. Une femme enceinte, un jeune couple qui déménage, deux amoureux qui partagent leur passion, un étudiant en plein blocus, une famille autour d’un jeu de société… et une vieille, très vieille, dame qui ferme ses rideaux avant de s’endormir. La vie continue, mais le lecteur, la lectrice peut ouvrir la petite fenêtre à chaque page et découvrir les derniers gestes de la vieille dame avant de se mettre au lit. Les doubles pages suivantes s’ouvrent sur des paysages qui évoquent ses derniers instants. Une histoire qui montre que la mort fait partie de la vie, à lire lentement, presque silencieusement, sur un ton apaisé et sans bruits parasites autour de soi.
C’est l’histoire…, de Corinne Dreyfus et Charlotte des Ligneris (Seuil jeunesse).

► Thomas

Comment dire la mort de la maman d’un petit garçon ? Martine Arpin l’ose dans son premier album à travers le personnage émouvant et fragile de Thomas. Il a le cœur brisé et cherche à le réparer. L’auteure le met en présence d’une couturière qui recoud les vêtements déchirés, un menuisier qui remet droit des meubles fragilisés, un docteur qui soigne les plaies, mais pas les deuils… Thomas avance, avance, mais la solution existe-t-elle ? Son papa, aussi accablé que lui, ressort des photos de la maman pour évoquer de doux souvenirs et alléger, si possible, leur tristesse.
Les illustrations de Claude K. Dubois accompagnent magnifiquement l’histoire de Thomas. Traduisant avec justesse les émotions qui s’emparent de nous, elles font penser aux traits délicats des albums Ernest et Célestine pour dire les choses de la vie.
Thomas, de Martine Arpin et Claude K. Dubois (éditions D’eux).



Michel Torrekens

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