Développement de l'enfant

Petit·e·s, mignon·ne·s… mais coriaces

L’adjectif nous a été soufflé par les parents dans le florilège de témoignages qui suit. Coriaces, les petit·e·s autour de 3-4 ans. Pourquoi, au juste ? Crise d’opposition ? Excès de confiance ? Défi constant de l’autorité ? Place dans la fratrie ? Ils marchent à peine, mais avancent d’un pas décidé. Voici une galerie de mignon·ne·s petit·e·s dur·e·s à cuire, avec les explications des psychologues Annie Vanderen et Claire Jarret.

► « Oui, mais, moi, c’est le rose que j’aime »

Une salle de classe semblable à mille autres pareilles. Veille de Noël. Les enfants sont dans l’effervescence des fêtes. Pour accompagner le tout, la maîtresse fait faire des travaux pratiques à ses élèves. L’exercice est simple et sans détournement possible : colorier le sapin.
Les petit·e·s rendent leur copie. Les sapins sont tous ornés de touches de vert, de marron et d’un soupçon de rouge. Nous sommes bien dans l’esprit de Noël. Un seul revient tout rose. La maîtresse est interloquée. « Mais, Sidonie, c’est de quelle couleur un sapin ? ». Du haut de ses 4 ans, celle-ci, assurée, répond sans réfléchir qu’un conifère, c’est bien vert. Puis complète. « Mais, moi, j’aime le rose. Alors je l’ai colorié en rose ». Solo de guitare, générique de fin. Pas l’once d’une hésitation ou d’éventuelles craintes de représailles. Adorable quand l’exception confirme la règle, mais quand c’est monnaie courante, que faire ?

  • Ce qu’en disent les psys
    Eh oui, Sidonie aime le rose. Elle a 4 ans, des goûts assurés et le fait savoir. Mais, mieux encore, elle est en mesure de les affirmer, de donner son opinion et même d’argumenter. Les contours de sa personnalité se dessinent. Comme tout ceci est nouveau, pour un parent, pour un·e prof ou tout autre adulte, ça peut s’apparenter à de l’obstination, un fort caractère ou de l’insolence. C’est souvent le contraire. C’est un signe de maturité. Votre enfant grandit. Son identité se forge.
  • Ce que le parent peut faire
    L’encourager à argumenter, sans que cela ne passe pour de la défiance. C’est l’enjeu. C’est souvent long et cela demande beaucoup de patience. Vous devez donc lui montrer que l’on peut partager ses goûts, ses opinions et même son vécu de façon souple et positive. Sidonie aime le rose ? Génial. Entraînez-la calmement à expliquer pourquoi. Parce qu’elle aime un dessin animé, un livre ou un personnage qui porte cette couleur ? Excellente raison. Valorisez ses choix. Elle en est fière et adore les exposer.

► « Aller au coin ? Et alors, je m’en fiche »

Si ça se passe sans témoins, c’est moins drôle. Réunion de famille - avec le respect des bulles et des distances sociales qui s’imposent bien sûr. Alice, un peu plus de 3 ans, embête ses frères, ses cousin·e·s. Jusqu’à taper et mordre. Désemparés, les parents agitent l’ultimatum de la punition. Portés par l’embarras, les voilà menaçants. « Je te préviens, on va te mettre au coin et tu ne regarderas pas de dessin animé avec les autres ». Il en faut plus pour impressionner cette cadette, qui sans sourciller rétorque machinalement : « Et alors, je m’en fiche des punitions ». Les parents mettent leurs menaces à exécution, mais rien à faire, notre badass (tiré de l’argot américain qui signifie mauvaise personne) ne plie pas et sourit même une fois la punition levée. Arrgh, si même les représailles des adultes n’impressionnent pas, que faire ?

  • Ce qu’en disent les psys
    La chambre, le coin, ce sont les armes bien légitimes des parents. Légitimes, mais inefficaces. Une étude nous a appris qu’à peine la moitié des 2-4 ans étaient en mesure d’expliquer pourquoi ils étaient punis. Quand Alice est envoyée au coin, elle n’est pas en mesure de comprendre ce qui se passe. Dans ce contexte, nous sommes en famille, avec les cousin·e·s, l’excitation est à son comble. Son cerveau est en suractivité.
  • Ce que le parent peut faire
    Isoler Alice et lui dire de se calmer, c’est un bon réflexe. C’est exactement ce dont elle a besoin, d’être éloignée des autres. Prenez le temps d’y aller avec elle. De lui parler doucement ou, pourquoi pas, d’aller marcher avec elle, de la prendre dans vos bras. Si vous lui retirer votre attention, c’est juste le temps qu’elle se calme, s’arrête et vous regarde, quelques secondes à peine. À ce moment, vous l’aidez à comprendre. « Qu’est-ce que tu as fait ? Tu as mordu ton frère ? Pourquoi ? Tu es trop contente de retrouver tout le monde, du coup, tu fais des bêtises ». Vous laissez dérouler. Vous dénouez la situation. Petit à petit, Alice comprend. Elle retrouve les autres, apaisée. Et vous pouvez même lui expliquer : « Si tu sens que tu es de nouveau trop agitée, plutôt que de faire mal aux autres, tu viens me voir ».

► « Pfff, je sais très bien que tu me puniras pas »

Une observation des parents : les cadet·te·s semblent développer une appétence toute particulière pour le défi de l’autorité parentale. Ainsi, Eliott, numéro deux, ne marche ni au chantage, ni aux menaces dont ses parents se servent en cas de dernier recours. « Si tu refuses de mettre ce pull, on ira dans le parc sans toi. Tu vas rester seul à la maison et tu ne joueras pas avec les copains. Tant pis pour toi ». Si la technique marchait avec la grande sœur de notre coriace de 3 ans et des poussières, celui-ci ne bouge pas d’un cil et ne croit pas une seconde aux menaces proférées. L’exemple des aîné·e·s l’aide-t-il à déjouer les pièges des adultes ?

  • Ce qu’en disent les psys
    Très clairement, Eliott a observé. Il sait que les parents mettent rarement leurs menaces à exécution. C’est très intéressant. Cela montre que les menaces, les chantages ou les récompenses dans l’éducation - tout à fait compréhensibles - ne fonctionnent pas. Et si ça a pu marcher sur l’aînée, les autres membres de la fratrie ne sont pas dupes. Ils voient bien que la grande sœur n’est jamais privée de dessert ou de sortie ou autre.
  • Ce que le parent peut faire
    Plutôt que de menacer, on peut imposer un choix fermé à Eliott. « Soit tu mets ton pull, soit on reste à la maison », sans proférer de menaces. On fait appel à son libre arbitre. On peut également le faire réfléchir. « Pourquoi je te demande de mettre ton pull à ton avis ? - Parce que je vais attraper froid, mais j’ai trop chaud. Et tu crois que dehors tu vas tomber malade sans pull. Et si c’est le cas, qu’est-ce qui va se passer ? - Je vais rester à la maison et je ne vais pas voir les copains ».
    L’autre solution, c’est de se servir de la force des aîné·e·s, sans les parentaliser, bien sûr. Ils ont servi à déjouer les pièges ? Ils servent donc d’exemples. « Regarde, Eliott, ta sœur a compris qu’il fallait mettre le pull ». Mettre l’enfant en action ou le transposer dans une situation lui permet de faire l’expérience des conséquences de son comportement. Ce qui a des répercussions plus concrètes qu’un hypothétique chantage.

EN PRATIQUE

Faut-il avoir peur des émotions négatives ?

Dans chacun de ces portraits d’enfants, les parents nous ont parlé avec beaucoup d’effroi de tristesse, de colère, de jalousie, de frustration. Comme si c’était les conséquences d’une mauvaise éducation et qu’il fallait corriger le tir. Justement non. Mieux encore, il est capital d’apprendre à combiner avec ces émotions parce qu’elles sont bien réelles et font partie intégrante de toute la palette d’émotions que ressent votre enfant.
Alice vient de taper son frère ? Elle est fâchée. Vous intervenez. « Tu ressens quoi là ? C’est chaud dans la tête ? Dans le cœur ? Dans le ventre ? Montre-moi où. C’est comment ? C’est comme du feu ? Comme un monstre ? Alors on va l’éteindre, le combattre ? D’accord ? On le fait ensemble ? ». Ainsi vous développez une stratégie éducative qui vous est propre à vous et votre enfant. Testé et approuvé. Par exemple, votre serviteur a identifié le démon Alvaro chez sa fille de 3 ans. En cas de crise, on l’identifie. « Rah, il est où Alvaro, là ? Bien. On va le calmer ». Et souvent, Alvaro s’en va sous la forme d’un prout ! La meilleure façon de passer d’une colère à un rire. Et ainsi d’explorer cette vaste et complexe palette, bien utile dans toute son entièreté, à tous les parents.

L’entrée à l’école : une rentrée particulière

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