Société

Plongée sonore en compagnie de femmes dans l’espace public

L’espace public est encore truffé de sens interdits pour les femmes et les minorités de genre

L’espace public est encore truffé de sens interdits pour les femmes et les minorités de genre. Neuf femmes ont pris le micro pour raconter leur place dans la ville dans un podcast.

Elles s’appellent Malvina, Lisette, Irène, Joëlle, Ihsane, Selma, Cindy, Shahin et Marianne. Elles sont vos sœurs, vos mères, vos voisines, vos amies, conductrice de tram, slameuse, militante, politicienne, ex-sans-abri, travailleuse du sexe, avocate. Toutes se sont saisies du micro pour parler de leur rapport à l’espace public.
Parmi elles, Cindy livre un témoignage poignant sur la réalité des femmes sans-abri. « En tant que femme, même quand on a nos privilèges, on est déjà une proie. Mais quand on n’en a pas, c’est carrément portes ouvertes. Les hommes s’autorisent à peu près tout quand t’es une femme à la rue ».
Entre vulnérabilité et puissance, la voix de ces femmes esquisse un autre regard sur nos espaces communs, révélant tout ce qu’ils disent de nos sociétés.
À l’initiative de ce projet, deux femmes : Anne-Françoise Lambert, chargée de communication à la Maison des parents solos, et Maryline El-Khoury, doctorante en sociologie. Deux femmes mues par une même volonté : offrir un espace d’expression à ces femmes représentatives de beaucoup d’autres. L’ADN du podcast Sans Interdits ? Plonger au cœur d’histoires personnelles pour raconter la ville à travers le prisme du genre. Sans interdit, sans contrainte, ce podcast offre un espace de parole libre aux femmes. Le nom est aussi un clin d’œil à tous les sens interdits qui jalonnent leurs trajectoires pour accéder aux scènes médiatique, politique, artistique, judiciaire…

► Sans interdits, un podcast à retrouver sur wetellstories.eu

Peu ou pas représentées

Qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser ce podcast ?
Anne-Françoise Lambert :
« Je suis devenue féministe sur le tard. Issue d’une famille traditionnelle, j’ai grandi dans une zone rurale de la province du Luxembourg en étant la seule fille de la fratrie. Ce n’est qu’il y a dix ans que j’ai pris la mesure des inégalités hommes-femmes grâce à une conférence gesticulée d’une jeune femme cycliste. Les noms de professions qui ne sont pas féminisés, la règle de grammaire qui fait que le masculin l’emporte sur le féminin, toutes ces petites choses se sont imbriquées les unes dans les autres pour renforcer ma compréhension du système. Cela m’a donné envie de rendre plus visibles les difficultés auxquelles les femmes font face pour accéder à l’espace public. La rencontre avec Maryline a marqué le départ du projet. »

Qu’avez-vous appris que vous ne soupçonniez pas en réalisant ce podcast ?
A.-F. L. :
« Disons que j’ai plutôt confirmé ce que je pressentais, à savoir que l’espace public est encore très genré et principalement occupé par des hommes. En tant que femmes, il y a encore de nombreuses sphères dans lesquelles nous sommes peu ou pas représentées, ce qui fragilise la défense de nos droits et entrave nos libertés. L’actualité démontre bien à quel point ce qui a été acquis, comme le droit à l’avortement, peut tout à coup être menacé.

Le podcast compte dix épisodes, quel en est le fil rouge ?
A.-F. L. :
« Notre podcast donne à entendre des situations où les femmes sont invisibilisées dans ce qu’elles vivent et ce qu’elles sont. Des trajectoires à la marge de la société. Toutes racontent les discriminations qu’elles vivent au quotidien. Chaque épisode est un versant d’une même réalité : les femmes rencontrent encore trop de sens interdits dans leurs parcours de vie. C’est encore plus vrai quand elles cumulent le statut de femme avec le fait d’être racisée, homosexuelle, précaire, porteuse de handicap. »

S’il y avait un message à partager à travers ce projet, lequel serait-il ?
A.-F. L. :
« J’aimerais changer le regard sur le féminisme, qu’on puisse l’envisager comme un moyen de militer pour une société plus juste plutôt que comme un mouvement contre les hommes. J’espère que ce podcast fera naître d’autres prises de conscience comme celle que j’ai amorcée il y a dix ans. Qu’on cesse de croire que la femme est un homme comme un autre. »