Vie pratique

Pourquoi c’est comme ça ? : un livre qui raconte aux enfants l’histoire de la vie et de la mort

S’il y a bien une épreuve qu’aucun parent ne souhaite traverser, c’est celle de savoir que son enfant va mourir et de devoir le lui annoncer. En 2016, Caroline et son mari voyaient partir leur fils, Sébastien, 6 ans, qui souffrait d’une leucémie rare depuis trois ans. Ils ont dû trouver les mots pour le rassurer et lui permettre de s’en aller le cœur en paix. Des mots que Caroline a fait retranscrire dans un livre.

Nous nous sommes rencontrées en matinée, dans un petit coin au fond de son jardin. Les oiseaux chantaient, la lumière était belle et les rayons du soleil nous envoyaient un peu de chaleur malgré la météo encore trop hivernale. Caroline a pris contact avec le Ligueur après avoir lu un de nos articles sur la mort expliquée aux enfants. « Je me suis dit que c’était exactement comme cela que je l’avais vécu », nous précise-t-elle.

L’histoire de Sébastien

Caroline a 38 ans et est mariée à Diego. Ensemble, ils ont eu un premier enfant, Sébastien, puis trois autres, deux garçons et une fille âgés aujourd’hui de 8, 5 et 3 ans.
« Sébastien est né en 2010. En 2014, alors qu’il n’avait pas encore 4 ans, nous avons remarqué qu’il avait une boule sur le côté droit de son cou. Nous avons fait faire des examens et nous avons découvert que Sébastien souffrait d’une leucémie myéloïde aiguë avec la forme particulière d’un sarcome granulocytaire. Il s’agit d’une leucémie encore très méconnue du monde médical. Le traitement consistait en des cures de chimiothérapie administrées en isolement à l’hôpital.
Nous, ses parents, pouvions lui rendre visite, mais sous certaines conditions : nous devions être seuls, avec un masque, une blouse, et avoir nettoyé tout ce que nous souhaitions apporter à Sébastien. On lui amenait donc des Lego, son jeu préféré, après les avoir désinfectés dans un grand bain. Le traitement a duré quatre ou cinq mois. Sébastien a pu ensuite rentrer à la maison. On a espéré, on a continué à vivre.
Petit à petit, Sébastien a commencé à avoir mal à la jambe. En janvier 2015, les médecins ont diagnostiqué une rechute. Sébastien a de nouveau été traité par chimiothérapie à l’hôpital Saint-Luc, dans une unité plus aseptique que la dernière. On devait se laver comme des chirurgiens avant d’entrer et les seuls objets qu’on pouvait amener devaient être neufs, encore sous emballage. Sébastien ne pouvait pas avoir son doudou, ce qui était terrible pour lui. Il nous disait ‘Maman, je n’ai pas de courage sans mon doudou’. Finalement, les médecins ont trouvé une solution pour l’autoriser.
Suite à ce traitement, Sébastien est rentré à la maison avant que la maladie ne le rattrape en décembre 2015. Cette fois, une dernière chimiothérapie pouvait s’envisager, mais elle n’avait plus que dix pour cent de chance de réussite. On a dû choisir si nous voulions tout de même la tenter ou si nous entamions les soins palliatifs. Ce choix a été extrêmement difficile à prendre, car non seulement la chimiothérapie engendre d’importants effets secondaires, mais elle peut aussi provoquer la mort. Vu son faible taux de réussite, cela valait-il la peine ? Mon mari était clair dès le début, il voulait essayer la chimiothérapie pour pouvoir se regarder dans le miroir en se disant ‘J’ai tout essayé’. Moi, j’hésitais.
Nous avons finalement opté pour la chimiothérapie qui s’est terminée en mars 2016. Malgré cela, nous sentions que c’était la fin. Les mois ont passé et, le dernier week-end d’août, les médecins nous ont annoncé que les mauvaises cellules avaient atteint le cerveau de Sébastien. Les semaines suivantes, nous les avons passées à faire tout ce dont Sébastien avait envie : aller à DisneyLand Paris, à Pairi Daiza, rencontrer les Red Lions, monter à bord d’un avion, etc.
Sébastien est finalement décédé en octobre 2016 à la maison. Il voulait mourir dans sa chambre avec son papa et sa maman. C’était un chouette petit bonhomme, plein de vie et très pétillant. »

L’histoire de sa maman

En tant que maman et accompagnante, Caroline a aussi une histoire qui lui est propre. Elle nous l’a partagée librement, avec une force et une sérénité émouvantes.
« Le plus difficile pour moi, c’était de me partager entre Sébastien et mes autres enfants. D’un côté, je voulais m’occuper un maximum de mon fils aîné. D’un autre, les plus jeunes avaient également besoin de moi, ils sentaient qu’il y avait du stress, ils voyaient leur frère malade et s’inquiétaient. Par ailleurs, j’avais également envie d’être une femme et d’être présente pour mon couple. Ce n’était vraiment pas facile de me diviser. Après le décès de Sébastien, ce sont mes enfants qui m’ont permis de me raccrocher à la vie. J’ai pleuré tous les jours pendant un an. Mes enfants m’ont sauvée. Je me levais, me nourrissais pour eux. Je me souviens m’être dit : ‘Je vis pour eux’. Sébastien aimait beaucoup la vie. Pour lui, je n’aurais pas pu me laisser mourir, ni pour tous les autres enfants qui se battent pour continuer à vivre. C’est aussi lui qui m’a fait tenir. Sébastien m’a appris énormément de choses et continue à m’en apprendre. »

L’histoire du livre

Peu de temps avant son décès, Caroline et Diego ont dû annoncer à Sébastien qu’il allait mourir. Ils étaient perdus, ne savaient pas comment le lui formuler sans l’apeurer. Brigitte de Terwangne, l’infirmière de soins palliatifs pédiatriques qui s’occupait de Sébastien à ce moment-là, leur a expliqué la mort à travers la métaphore d’une montgolfière. Celle-ci deviendra le thème principal du livre Pourquoi c’est comme ça ?
« Nous sommes toutes et tous des montgolfières dont la nacelle est reliée à la terre par quatre cordes. Nous vivons, nous allons à l’école et, petit à petit, nous remplissons notre nacelle de souvenirs. Quand la maladie arrive, les cordes commencent à s’effilocher. Nous pouvons faire des nœuds, essayer de les tenir pour ne pas qu’elles lâchent, mais il arrive parfois qu’elles cassent. Dans ces cas-là, la montgolfière s’envole vers le ciel et la personne décède. »
Ce que Caroline aime dans cette histoire, « c’est le lien qui existe entre la montgolfière et la terre. La montgolfière s’envole, mais elle reste dans le ciel, on continue de la voir, comme toutes les montgolfières. Au début, Sébastien n’a pas bien réagi à cette histoire. Il disait ‘C’est n’importe quoi, je ne vois pas de montgolfières dans le ciel, je n’y crois pas’. Deux heures plus tard, il est revenu en demandant s’il pouvait prendre son doudou, quelques Lego et des photos dans sa nacelle. Très peu de livres pour les enfants expliquent la mort. Ceux que j’ai trouvés concernent plutôt les adultes en fin de vie qui ont déjà vécu, qui sont fatigués. Sébastien, c’était tout l’inverse. Il était plein de vie et n’avait pas du tout envie de mourir. Je n’ai pas retrouvé cette notion-là dans un livre. Nous avons donc décidé, mon mari et moi, de créer ce livre, pour aider d’autres parents qui sont confrontés à la maladie de leur enfant et pour donner du sens au décès de Sébastien. Pour cela, j’ai demandé à l’infirmière de m’accompagner dans cette aventure. Elle a proposé à Muriel, sa collègue, de nous rejoindre. Celle-ci connaissait une graphiste qui souhaitait s’investir dans un projet porteur de sens. Avec beaucoup de talent et de sensibilité, Diane Le Clercq a su transformer en mots et en dessins cette magnifique métaphore. Une première édition francophone est sortie fin 2019 et sa version néerlandophone a été mise en vente au début de l’année 2021 ».

L’histoire de l’asbl « les avions de Sébastien »

Pourquoi c’est comme ça ? a été édité par l’asbl Les avions de Sébastien, que Caroline et Diego ont fondée en 2017. Cette asbl s’est donnée pour mission de financer la recherche sur certaines formes encore méconnues de leucémies pédiatriques. Pourquoi Les Avions de Sébastien ?
« Sébastien les adorait. À l’hôpital Saint-Luc, il en voyait atterrir et s’amusait à les regarder. Il les dessinait, les construisait avec ses Lego. Avant de mourir, il a voulu monter dans un avion et a demandé à le piloter. Nous lui avons offert cela. Il est monté dans un tout petit avion, avec un petit moteur et seulement deux places. Il était avec un moniteur et a pu tenir les commandes. Pour l’asbl, nous cherchions un nom un peu enfantin, car Sébastien avait 6 ans. Les bénéfices de la vente du bouquin sont directement versés à l’association. »

EN COULISSES

L’avis de la journaliste

Ce livre, merveilleusement bien illustré, aborde le thème difficile de la mort avec une simplicité, une justesse et une poésie formidables. Il permet de l’apprivoiser et de l’accepter avec un peu plus de sérénité. Dans sa conception initiale, ce livre s’adressait à des personnes vivant une situation toute particulière, celle d’un enfant en fin de vie. À sa lecture, il pourrait se retrouver entre toutes les mains pour aborder un thème qui nous concerne tous, celui de la mort. Le Ligueur vous le recommande vivement. 

En savoir + sur le livre Les avions de Sébastien
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