Loisirs et culture

Prix Versele 2024 : les livres lus élus…

Parents, vous avez voté ce 9 juin. Avant vous, des enfants ont voté aussi ! Parmi les vingt-cinq livres sélectionnés en 2023 pour le prix Bernard Versele de la Ligue des familles, les enfants ont émis plus de 45 000 votes, soit 6 000 de plus que l’an dernier ! Voici les lauréats et labels.

Si le prix Bernard Versele tient sa réputation du fait qu’il est attribué par le plus grand jury d’enfants au monde (sauf erreur de notre part !), son existence tient aussi à la mobilisation de centaines d’adultes volontaires.

Ceux-ci s’inscrivent dans une démarche d’éducation permanente en affinant leur regard citoyen, responsable, actif, critique et solidaire (un regard de CRACS !) à travers le miroir que leur tend la littérature jeunesse sur le monde.

Trois jurys

Les livres primés cette année appartiennent à la production éditoriale à cheval sur 2021-2022. Ceux d’il y a deux ans, car, entretemps, tout un processus de sélections, d’analyses, de rencontres a eu lieu, mobilisant de nombreux adultes. Une vingtaine de lectrices et deux lecteurs d’un comité de prospection se sont d’abord réuniꞏes mensuellement à Bruxelles pour éplucher la production éditoriale de juin 2021 à juin 2022.

Ensuite, 250 à 300 volontaires répartiꞏes dans 17 comités de lecture régionaux (dont un à Cachan, près de Paris !) se sont penchéꞏes sur les 80 livres présélectionnés.

À leur intention, la Ligue des familles a organisé deux séances de formation et de discussion sur la littérature jeunesse au printemps, avant la grande journée de vote fixée en mai, durant laquelle ont été choisis les vingt-cinq titres de la sélection définitive.

Enfin et surtout, les principaux concernés, des milliers d’enfants ont lu ces titres, selon leur âge, pour élire leurs livres préférés et communiquer leur vote par internet ou par voie postale.

Lors de cette étape, à nouveau, des adultes volontaires les ont accompagnés soit dans leur école, soit en bibliothèque, voire en famille, et leur ont proposé lectures vivantes, animations et expressions autour des ouvrages sélectionnés.

Une démarche citoyenne et de démocratie culturelle

Ces volontaires du prix Versele militent pour que tous les enfants aient un accès à cette littérature singulière, mais se mettent eux-mêmes dans un processus de réflexion et d’émancipation. Certains groupes se mobilisent aussi pour rencontrer via le livre des publics fragilisés (hôpitaux, prisons, alphabétisation…).

La volonté est de se mettre dans une dynamique d’intelligence collective et démocratique.

Cette dynamique permet d’avoir des avis différents, d’apprendre, de reconfigurer savoirs et croyances, d’évaluer, etc. Car le livre nous libère d’idées préconçues. Il questionne le carcan familial et sociétal par l’ouverture au monde, à d’autres registres. En cela, la littérature jeunesse apporte une dimension politique à la lecture…

Les exemples ne manquent pas de livres jeunesse qui permettent d’interroger des réalités comme le genre, le pouvoir, le racisme, la migration, la guerre, etc.

Sans oublier l’objectif premier qui est d’alimenter le goût et le plaisir de lire, tout en développant la sensibilité esthétique, tant les livres du prix Versele présentent des univers artistiques originaux.

Voici donc le résultat des votes des enfants, répartis en cinq catégories, les fameuses Chouettes.

► 1 CHOUETTE (DÈS 3 ANS)

Chantier Chouchou Debout - Adrien Albert (L'école des loisirs)

La couverture capte le regard au premier coup d’œil : la construction graphique, le format carré de belles dimensions, les aplats de couleurs printanières, la ligne claire et ce petit personnage souriant assis sur un amoncellement de meubles portés par un personnage caché. Et quel personnage ! Une grand-mère comme on en rencontre peu en littérature jeunesse.

Robe noire, cache-poussières, chignon gris et traits grognons : voilà une mamie Georges bien acariâtre, à qui la fille vient confier la garde de sa gamine en… deltaplane. Or, ce samedi, mamie Georges se lance dans un grand nettoyage de printemps. Indifférente à la présence de sa petite-fille, elle commence à vider la maison de ses meubles tel un déménageur baraqué. À la force du muscle, elle continue à tout vider, y compris un piano, et à glisser le tout dans une… machine à laver géante. On commence à se dire que l’univers de ce livre va nous emmener dans une autre dimension, une sorte de douce folie. Suit le démontage de la maison. Murs comme toit se retrouvent également dans la machine à laver…

On vous laisse découvrir la suite de ce délire visuel, à crouler de rires.

Label : Couvre-toi ! - Françoise Rogier (À pas de loups)

Dès la couverture de l’album, en camaïeu bleu, avec une porte ouverte qui laisse pénétrer des flocons de neige, tout nous appelle vers l’extérieur. Impatiente, une petite fille veut sortir illico pour jouer dans la neige.

Le hic, c’est qu’une voix « off » - sans doute parentale - la coupe dans son élan, page après page. Suivent des injonctions bien connues qui rappellent qu’il faut se couvrir avant d’aller dans le froid. Débute alors un long parcours d’habillage. De plus, on perd parfois plus de temps qu’on en gagne quand on est pressée. Ce qui entraîne quelques gags, dont une chute désopilante.

La mise en page est soignée et les illustrations pleine page de la Belge Françoise Rogier gardent une unité chromatique tout au long du récit. Les dessins expriment bien les états d’âme de la fillette face aux contrariétés.

Cet album à structure répétitive, bien rythmé et d’une belle sensibilité, nous propose une situation de tous les jours avec douceur et humour dans laquelle bien des enfants se reconnaîtront.

► 2 CHOUETTES (DÈS 5 ANS)

Poussin et Renard - Sergio Ruzzier (La Joie de lire)

Dans ce recueil de courtes histoires, Sergio Ruzzier nous raconte la vie de Poussin et Renard à travers six journées, entre quotidien et aventures.

Celles-ci sont racontées sous forme de bande dessinée : les pages découpées en 3-4 cases, le dessin souple et dynamique aux tons pastel et frais accompagné d’un texte simple, et le petit format carré rendent ce titre très abordable.

L'auteur évoque la différence en choisissant de mettre en scène un poussin et un renard que tout oppose : petit/grand – proie/prédateur – l'un bavard et spontané, l'autre posé et réfléchi. Ce jeu d'oppositions crée une atmosphère de suspense, de tension qui est contrebalancée par l'humour, l'espièglerie et la tendresse entre les personnages.

Au fur et à mesure des histoires, le jeune lecteur ou la jeune lectrice s’aperçoit que cette opposition peut devenir une complémentarité, sans que cela soit explicite. C’est à travers le jeu, la farce, la patience que les personnages évoluent. Un album malicieux sur l’amitié, la vie.

Label : Le petit robot de bois et la princesse bûche - Tom Gauld (L'école des loisirs)

Il était une fois… « un roi et une reine qui régnaient heureux sur des terres tranquilles. Mais ils n’avaient pas d’enfants ». Quoi ! Un roi et une reine (à la peau foncée et aux cheveux frisés) sans enfant ! Appel est lancé à une inventrice qui réalise un robot de bois (digne cousin de Pinocchio) et à une la sorcière qui insuffle la vie à une bûche. Mais ce frère et cette sœur ne sont pas des enfants comme les autres. Il va leur arriver mille aventures incroyables, depuis le château royal jusqu’au Pôle Nord. Ils vont se soutenir l’un l’autre et être aidés de multiples façons.

Outre le caractère bienveillant des personnages de ce conte inattendu, le livre surprend par l’originalité de son graphisme et de sa mise en page. À mi-chemin entre l'album et la bande dessinée, avec des illustrations grande page et petites cases, en bulles rondes, carrées ou rectangulaires, dans un décor médiéval, ce livre propose des dessins atypiques pleins de charme pour raconter cette histoire d'amour entre un frère et une sœur.

► 3 CHOUETTES (DÈS 7 ANS)

Mon passage secret - Max Ducos (Sarbacane)

Tout repose sur un quiproquo : un grand-père, évoquant un passage secret dans sa maison, propose à ses petits-enfants de partir à sa recherche…

Fini, l’ennui d’un après-midi pluvieux chez Papou et Maminou : voilà Liz et Louis, aux gros yeux noirs intrigants, entraînés dans plusieurs explorations qui, de la salle de bain au jardin en passant par la cave et la chambre, leur révéleront des trésors familiaux disparus depuis longtemps. Y compris dans une crypte moyenâgeuse et une incroyable grotte préhistorique.

Dans ce bel échange intergénérationnel, les pertes de mémoire du grand-père mettent les enfants à rude épreuve sans pour autant entamer leur bonne humeur et leur ténacité. La répétition des découvertes nous tient en haleine, il faut explorer toutes les pistes ! Le livre lui-même est joliment mis en abyme dans la conclusion.

Label : Dulcinée - Un conte magique - Ole Könnecke (L'école des loisirs)

Ole Könnecke propose un conte résolument moderne, transgressif. L’auteur-illustrateur allemand reprend certains invariants des contes : l’incontournable « Il était une fois », le récit au passé, la forêt inquiétante, un château, la sorcière et la magie, l’élément merveilleux qui fait l’essence des contes.

Les illustrations à l’ancienne montrent un père fermier et un bûcheron dans leurs habits traditionnels, mais mettent en scène une sorcière élégante, qui aime chanter (faux) et jouer du piano. Surtout, c’est le père qui transgresse - pour la bonne cause - l’interdit. Il sera sauvé par sa courageuse petite fille qui va l’emporter sur la sorcière par la ruse.

L’humour est au rendez-vous grâce aux répliques pince-sans-rire de cette sorcière-cantatrice atypique ou à travers l’omniprésence, jamais explicitée par le texte, d’un canard. Entre doudou et compagnon d’aventure, il figure là, tantôt impassible, tantôt très expressif, présence silencieuse, mais rassurante.

► 4 CHOUETTES (DÈS 9 ANS)

Miss chat - Le cas du canari - Jean-Luc Fromental et Joëlle Jolivet (Hélium)

Les deux créateurs de 365 pingouins ont eu la bonne idée de se lancer dans le genre du polar. Le format de Miss Chat est plutôt celui d’un roman graphique où les phylactères alternent avec des phrases courtes sous les vignettes. Miss Chat, personnage de détective aux allures de félin, libre et autonome, est sollicitée suite à la disparition d’un canari.

Le récit, les mots et les images évoluent au même niveau de qualité avec des rebondissements étonnants et une chute délicieuse. Le décor est celui d’une ville nordique.

Un univers d’humains où s’installe un poulpe, ami et muet, sans que cela ne gêne personne. D’autant moins qu’on y assiste à un aller-retour incessant des humains aux animaux et des animaux aux humains. Avec des petits détails rigolos et un amour des mots que l’on ressent dès les sonorités du titre.

Label : Marie-Aude Brosse - Denis Baronnet et Roxane Lumeret (Seuil Jeunesse/coll. Le grand bain)

La narratrice, la Marie-Aude Brosse du titre, référence à Mario Bros, héros d’un célèbre jeu vidéo, est accro à sa console. La pratique impénitente de la demoiselle lui confère le pouvoir de glisser de l’excitation extrême à la somnolence, et donc de la réalité au rêve… Elle est entraînée dans un va-et-vient secouant entre sa vie en famille bien réelle et ses aventures virtuelles, entre réalité augmentée et royaume « kaktoos ».

Astucieusement transposées dans un contexte folklorique mexicain, riche en sombreros et serpents à plumes, les références au succès planétaire de Nintendo se déclinent tout au long de ce récit pétaradant.

Parmi les références cultivées par le facétieux auteur, trône en bonne place l’Alice de Lewis Caroll, si douée à fusionner rêve et réalité. Son parcours sous-terrain multipliant variations de format, obstacles divers et rencontres incongrues, voire hostiles, se révèle être le prototype délicieusement anachronique d’un pitch de jeu vidéo…

Denis Baronnet bâtit un récit haletant, en jonglant avec les codes des jeux vidéo et un solide sens du rythme et de l’humour. Roxane Lumeret accompagne joyeusement cette histoire déjantée dans un délire pop quasi psychédélique. Un délire qui met en scène la pratique intensive des écrans, la notion de punition et surtout la puissance de l’imaginaire…

► 5 CHOUETTES (DÈS 11 ANS)

BabyFace - Olivier Balez (Rue de Sèvres)

Cette bande dessinée est tirée du roman Babyfaces de Marie Desplechin, publié en 2010 dans la collection Neuf de l’école des loisirs et prix Bernard Versele 2013.

C’est le deuxième volume d’une trilogie, Quartier sensible. Moins complexe et riche que le roman, mais fidèle et réussie, cette adaptation d’Olivier Balez met en évidence le cadre de l’intrigue, ce quartier coupé en deux par une autoroute. On soulignera la richesse des illustrations, des cadrages, des décors et des ambiances rendues par des couleurs sombres et chaudes ainsi que des jeux d’ombres et de lumières.

Olivier Balez a adopté une structure en gaufrier en introduisant de superbes illustrations pleine page fonctionnant comme des respirations. Le tout au service d’une narration sensible. Nejma, jeune ado élevée par sa seule mère, ne trouve pas sa place à l’école et dans le quartier. Rejetée, elle parvient à attirer la sympathie d’un condisciple, Freddy, de famille indienne, et de Jamel, vendeur dans un supermarché. Ce qui l’aidera à affronter une injustice…

Label : Jacqueline : « J'avais 7 ans quand la guerre a éclaté… » - Pierre-Jacques Ober et Jules Ober (Seuil Jeunesse)

La littérature jeunesse offre diverses possibilités aux parents pour aborder le thème de la guerre.

Cet album, comme souvent, part du point de vue d’un enfant balloté par la folie meurtrière des hommes. Tiré des mémoires de la mère de l’auteur, Jacqueline est mis en scène à hauteur d’enfant à travers des photographies de figurines et de décors reconstitués en miniatures. Ils évoquent de manière inédite les bombardements, l’exode, l’exil en Algérie et puis l’arrivée dans une ville du sud de l’Allemagne à la Libération. Mais aussi la fatigue, les blessés, les morts, la peur, la colère, le chagrin, l’incompréhension face à la gentillesse de certains soldats allemands, l’absence du père, les ami·es perdu·es de vue et une incroyable amitié avec une petite Allemande qui durera 75 ans !

Le format oblong à l’américaine, les éclairages très travaillés, les mises en scène, les plongées, contre-plongées et gros plans renforcent l’aspect filmographique et réaliste de la réalisation. Ce récit biographique témoigne d’une page importante de notre Histoire dont certains épisodes font furieusement écho à ce que doivent vivre les enfants ukrainiens aujourd’hui.

* Auteurs/autrices, illustrateurs/illustratrices, traducteurs/traductrices et maisons d’édition belges

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la Cocof, de la Province du Brabant wallon, du District 101 du Fifty-One International et du Fonds Marinette M. de Cloedt géré par la Fondation Roi Baudouin

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