Développement de l'enfant

« Le papa cède plus facilement aux "caprices" de Valentin que moi, ça m’agace ! Par exemple, le doudou, je veux qu’il reste dans le lit car je pense que Valentin a les moyens en lui de se rassurer quand c’est nécessaire. Le papa, lui, dit : "Allez, c’est pas grave s’il prend son doudou…" C’est vrai que ce n’est pas grave, mais comment Valentin peut-il alors faire la part des choses ? » Justine, la maman du petit loulou de 20 mois, le reconnaît, mi-énervée, mi-chagrinée : « La crise est totale entre nous, on n’est d’accord sur rien… »
Comment faire quand son couple part en vrille, qu’on n’est plus d’accord sur grand-chose et qu’en plus, l’enfant, du haut de ses 18-20 mois, en pleine phase d’opposition, chatouille mieux que jamais les différences entre ses parents ? Les disputes concernent largement ce qu’on lui permet et ce qu’on ne lui permet pas, ce qu’on accepte et ce qu’on n’accepte pas, en plus de toute la question de sa protection. La crise est parfois profonde, la séparation, inéluctable…
« L’enfant étant à un âge où ses demandes se précisent, il touche sans doute avec plus de force des points sensibles de l’histoire personnelle de ses parents ou de leur personnalité », suggère Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Reprenons l’exemple du doudou à laisser ou non en continu à l’enfant. « Peut-être qu’un des parents a du mal à supporter l’idée d’un état de détresse chez son enfant. Dès lors, proposer le doudou, c’est réduire la tension du moment. Alors que l’autre parent ressent et vit la situation différemment. La même scène titille chez eux des parties de leur histoire en lien avec leur sécurité ou leur insécurité propre, elle induit chez chacun une attitude parentale qui peut prendre une forme plus ou moins caricaturale. »
Et la psychologue d’ajouter : « Si les positions des parents sont fréquemment non synchronisées ou opposées, c’est sûr que cela risque de fragiliser le couple parce qu’il va alors falloir s’accepter et se respecter mutuellement dans ses différences. Certains parents, parce qu’ils ont pu se parler de leurs points vulnérables ou plus sensibles, déploient ce respect mutuel et vivent leurs différences comme un panel d’expériences intéressantes à offrir à leur enfant. Il y en a d’autres qui, au contraire, s’installent dans une forme de compétition de compétences, et cela les amène à se demander tout le temps qui a raison et qui a tort. "Il (elle) cède sur tout, alors que moi, j’essaie de tenir bon", "Il (elle) console notre petit alors que je viens de me fâcher contre lui" : les positions se caricaturent, elles sont perçues comme une disqualification de soi par l’attitude de l’autre. Or, respecter l’autre parent avec sa différence de position tout en tenant la sienne, tel est le véritable défi de l’éducation : "Il (elle) fait une chose, moi, je fais autrement, c’est peut-être incohérent, mais notre enfant peut apprendre quelque chose de cela s’il sent que l’on ne se disqualifie pas mutuellement." »
Petit zoom, ici, sur les familles recomposées. L’enfant de 18-20 mois né du nouveau couple peut particulièrement éveiller des points sensibles chez ses deux parents. D’où l’intérêt, pour chacun de ceux-ci, de ne pas faire l’impasse sur ce travail qui consiste à rechercher ce qui aurait fait blocage ou causé du tiraillement dans son couple précédent.