Loisirs et culture

Voici les 25 titres sélectionnés pour le prix Bernard Versele de la Ligue des familles, répartis en cinq catégories d’âge. Il y en a pour tous les goûts : des albums tous formats, pas mal de contes cette année et presque autant de romans, un peu de poésie, deux BD, etc. Aux enfants, désormais, d’élire leurs préférés.
Les auteurs, autrices, illustrateurs, illustratrices, traducteurs, traductrices et maisons d’édition belges sont signalé·es par un *
1 chouette (dès 3 ans)

Dès la couverture de l’album, en camaïeu bleu, avec une porte ouverte qui laisse pénétrer des flocons de neige, tout nous indique que l’action est urgente. Impatiente, une petite fille veut sortir illico pour jouer dans la neige. Le hic, c’est qu’une voix « off » - sans doute parentale - la coupe dans son élan, page après page. Suivent des injonctions bien connues qui rappellent qu’il faut se couvrir avant d’aller dans le froid. Débute alors un long et pénible parcours d’habillage. De plus, on perd parfois plus de temps qu’on en gagne quand on est pressée. Ce qui entraîne quelques gags dont une chute bien rigolote.
La mise en page est soignée et les illustrations pleine page gardent une unité chromatique tout au long du récit. Les dessins expriment bien les états d’âme de la fillette face aux contrariétés. Cet album à structure répétitive, bien rythmé et d’une belle sensibilité, nous propose une situation de tous les jours avec douceur et humour dans laquelle bien des enfants se reconnaîtront.

Cet album gai avec des illustrations naïves en pastels et découpages, agrémentées de couleurs tendres mais fortes, s’appuie sur la répétition de « Rouli rouli, roulette ». Nourri d’un vocabulaire riche et ponctué de rimes qui rythment le récit, ce conte de type randonnée convient idéalement à une lecture à haute voix.
Un petit pois reconnaissable à sa couleur vert fluo échappe par son roulement à une petite fille, puis à plusieurs animaux de la ferme autour du pot, dans le potager, le champ, la gadoue, la forêt. Les endroits sont de plus en plus vastes et les animaux de plus en plus grands pour arriver au loup. L’ingénieux petit pois poursuit sa course jusqu’au dénouement final qui boucle magnifiquement la boucle.

On retrouve dans cet album d'Anne Brouillard tout ce qui fait le charme et la magie de son univers. Lors d'une balade en forêt, un enfant fait tomber son doudou. Dans son errance, Nino le petit ours va rencontrer une kyrielle d’animaux forestiers : un lapin, un écureuil, des mésanges et un renard, une fois la nuit tombée. Tout en bienveillance, celui-ci emmène Nino sur son dos. Anne Brouillard nous entraîne alors dans une promenade nocturne envoûtante grâce à des pages silencieuses, où Nino rencontre d’autres habitants de la forêt.
Par ses traditionnelles oppositions jour/nuit, intérieurs/extérieurs, mondes animal/humain, l’illustratrice belge crée un univers onirique aux illustrations chaleureuses entre sous-bois, terriers et cimes des arbres. La progression du récit est soutenue par des vignettes et une grande variété de plans et de perspectives. Sobre, le texte invite à une rêverie douce et réconfortante malgré la perte – temporaire – du doudou.

Un thriller pour bébés, fallait l’oser ! Après Caché !, le premier roman des bébés, et Bébé béaba, leur tout premier dico, voici Je t’attends au suspens haletant. Un petit garçon attend désespérément sa maman. Cela le rend triste et inquiet, le temps de l’absence est trop long. Alors il compte. On retrouve chaque chiffre dans une petite bulle blanche. Une voix off l’interpelle, lui et surtout l’enfant à qui on lit ce texte, dans des double-pages de texte écrit en grands caractères et sur papier brillant.
D’autres double-pages sur papier mat sont accompagnées des pensées de Léopold, avec un zoom final sur son visage exprimant sa peur et sa tristesse croissantes. Le tout sur fond noir. Noir de noir, comme ses pensées négatives. La calligraphie, parfois tremblante, fait ressortir les émotions de l’enfant. Un tout-carton suspense sur la patience et les retrouvailles.

La couverture capte le regard au premier coup d’œil : la construction graphique, le format carré de belle dimension, les aplats de couleurs printanières, la ligne claire et ce petit personnage souriant assis sur un amoncellement de meubles portés par un personnage caché. Et quel personnage ! Une grand-mère comme on en rencontre peu en littérature jeunesse. Robe noire, cache-poussières, chignon gris et traits grognons : voilà une mamie Georges bien acariâtre, à qui la fille vient confier la garde de sa gamine en… deltaplane.
Or, ce samedi, mamie Georges se lance dans un grand nettoyage de printemps. Indifférente à la présence de sa petite-fille, elle a commencé à vider la maison de ses meubles tel un déménageur baraqué. À la force du muscle, elle continue à tout vider, y compris un piano, et à glisser le tout dans une… machine à laver géante. On commence à se dire que l’univers de ce livre va nous emmener dans une autre dimension, une sorte de douce folie. Suit le démontage de la maison. Murs comme toit se retrouvent également dans la machine à laver. On vous laisse découvrir la suite de ce délire visuel, à crouler de rires.
2 chouettes (dès 5 ans)

Patoune, gros chien pataud, et Édouard, garçonnet comme mille autres, aiment se balader ensemble. Depuis quelques temps, le grand chien préfère rêver tranquillement : il commence à prendre de l’âge. Le narrateur nous raconte sur un ton sobre, tendre et affectueux la relation entre les deux amis.
Le propos sérieux et triste est accompagné d’illustrations au trait énergique et vif mêlant encre, crayons et peinture. Le tout est soutenu par des couleurs vives. Les attitudes des personnages, leurs expressions sont dans la spontanéité. Les détails, les proportions et la mise en page nous font ressentir leur complicité. Le texte épuré, tantôt au présent, tantôt à l’imparfait complète bien le dessin. Cet ensemble mêle la joie de vivre et la tristesse de la perte, la vie d’aujourd’hui et les souvenirs. Un album simple et fort sur le deuil, l’absence mais aussi sur la force d’une relation qui porte au-delà de la disparition.

En 1955, paraît aux États-Unis Harold et le crayon violet, suivi de six autres titres dont Le conte de fée d’Harold. Toujours muni de son crayon violet comme d’une baguette magique, Harold, bonhomme malicieux tout en rondeur recrée cette fois l’univers des contes. La liberté qui le porte et son imagination débordante lui permettent de donner vie à ses envies, de se sortir de situations délicates aussi.
Ici, tout part d’un jardin enchanté… totalement vide qu’il va s’ingénier à remplir. Tout est à écrire ou plutôt à dessiner : le grand château d’un roi, une petite souris pour l’aider, un escalier qu’à peine esquissé sur le papier il escalade, un trou dans le mur (la page plutôt), et ainsi de suite avec une imagination folle. Le trait violet qui traverse les pages sur fond blanc évolue dans un environnement sobre auquel s’ajoutent des éléments magiques (sorcière, géant, tapis volant). Un album poétique et philosophique à la magie fascinante.

Dans ce recueil de courtes histoires, Sergio Ruzzier nous raconte la vie de Poussin et Renard à travers six journées, entre quotidien et aventures. Celles-ci sont racontées sous forme de bande dessinée : les pages découpées en trois-quatre cases, le dessin souple et dynamique aux tons pastel et frais accompagné d’un texte simple, et le petit format carré rendent ce titre abordable par les jeunes lecteurs et lectrices.
L'auteur évoque la différence en choisissant de mettre en scène un poussin et un renard que tout oppose : petit/grand – proie/prédateur – l'un bavard et spontané, l'autre posé et réfléchi. Ce jeu d'oppositions crée une atmosphère de suspense, de tension qui est contrebalancée par l'humour, l'espièglerie et la tendresse entre les personnages. Au fur et à mesure des histoires, le lecteur, la lectrice s’aperçoit que cette opposition peut devenir une complémentarité, sans que cela soit explicite. C’est à travers le jeu, la farce, la patience que les personnages évoluent. Un album malicieux sur l’amitié, la vie.

Il était une fois « un roi et une reine qui régnaient heureux sur des terres tranquilles. Mais ils n’avaient pas d’enfants ». Quoi ! Un roi et une reine (à la peau foncée et aux cheveux frisés) sans enfant ! Appel est lancé à une inventrice qui réalise un robot de bois (digne cousin de Pinocchio) et à une sorcière qui insuffle la vie à une bûche. Mais le frère et la sœur ne sont pas des enfants comme les autres. Il va leur arriver mille aventures incroyables, depuis le château royal jusqu’au Pôle Nord. Il et elle vont se soutenir et trouver de l’aide de multiples façons.
Outre le caractère bienveillant des personnages de ce conte inattendu, ce livre surprend par l’originalité de son graphisme et de sa mise en page. À mi-chemin entre l'album et la bande dessinée, avec des illustrations grande page et petites cases, en bulles rondes, carrées ou rectangulaires, dans un décor moyenâgeux, ce livre propose des dessins atypiques pleins de charme pour raconter cette histoire d'amour entre un frère et une sœur.

La couverture en dit long : caser une fille longiligne dans un espace déterminé n’est pas chose aisée. Qu’à cela ne tienne, Élise a le sourire. L’illustration plante le décor de ce livre d’une belle unité graphique. Les traits délicats en crayonnés roses, blancs et gris sur fond saumon reflètent bien la douceur qui émane de cette histoire tellement proche du réel. Subtilement, l’auteure montre les avantages et désavantages d’une grande taille. Elle multiplie les situations concrètes à la maison, en ville, à l’école (comme la photo de classe sur laquelle Élise se trouve toujours à l’arrière).
Sibylle Delacroix joue à merveille des plongées, contre-plongées et cadres qui permettent de dire par la mise en page le quotidien de cette gamine qui se sent « encore petite, à l’intérieur ». Ce livre-miroir aborde de manière simple des questions d’identité et de place à trouver dans la société quand on sort des normes.
3 chouettes (dès 7 ans)

Ce récit des trois petits cochons tire sa force de la tradition orale. L’entrée du loup dans la maison de Petit Cochon, le bâillement du loup laissant voir sa gueule grande, large, humide, le temps complice partagé avec le loup sont autant d’éléments qui invitent le lecteur et la lectrice à redécouvrir ce conte jubilatoire et essentiel pour la construction psychique de l’enfant.
Le texte est d’une saveur inégalable : Petit cochon se mit à sacher des fesses... Toutes ses dents furent émarmillées. Petit Cochon se boula de rire... Et ce merveilleux Je mangerais bien ce qui biscouette de la couette. Cette langue nous invite à être créatrice et créateur de sens et à s’amuser avec des mots inconnus. Les enfants vont se l’approprier d’autant plus que des répétitions, beaucoup d’humour et des graphies changeantes sont là pour leur titiller les oreilles... Ils savoureront la ruse de ce plus petit qui déjoue la gourmandise du loup. Le tout est soutenu par des illustrations stylisées, des gravures aux couleurs contrastées.

Ole Könnecke propose un conte résolument moderne, transgressif. L’auteur-illustrateur allemand reprend certains invariants des contes : l’incontournable « Il était une fois », le récit au passé, la forêt inquiétante, un château, la sorcière et la magie, l’élément merveilleux qui fait l’essence des contes. Les illustrations à l’ancienne montrent un père fermier et un bûcheron dans leurs habits traditionnels, mais mettent en scène une sorcière élégante, qui aime chanter (faux) et jouer du piano. Surtout, c’est le père qui transgresse - pour la bonne cause - l’interdit. Il sera sauvé par sa courageuse petite fille, qui va l’emporter sur la sorcière par la ruse.
L’humour est au rendez-vous dans les personnages et les répliques légèrement pince-sans-rire de cette sorcière-cantatrice atypique ou à travers l’omniprésence du canard, jamais explicitée par le texte, entre doudou et compagnon d’aventure, tantôt impassible, tantôt très expressif, présence silencieuse mais rassurante.

C’est assez rare pour être souligné : voici un album grand format qui, avec beaucoup de fantaisie et d’humour, évoque les difficultés de l’immigration, la tristesse de ne pas être accueilli, mais aussi la confiance, la force de l’amitié et de la persévérance.
Une petite fille, tellement petite qu’il faudra la chercher dans des dessins fourmillant de détails, s’ennuie seule dans sa maison. Sa copine la chauve-souris lui propose d’accueillir les frères Zzli, qu’elle prénomme Oui, Non et Peut-être, ce qui nous réserve quelques dialogues savoureux. Ils colorent la maison de leurs rires et se rendent utiles de mille manières. Mais aucun voisin ne veut les fréquenter…
Avec leurs aplats de couleurs vives, les illustrations d’Anne-Lise Boutin complètent à merveille le texte d’Alex Cousseau, dynamique et elliptique, disant juste ce qu’il faut.

Tout repose sur un quiproquo : un grand-père, évoquant un passage secret dans sa maison, propose à ses petits-enfants de partir à sa recherche… Fini l’ennui d’un après-midi pluvieux chez Papou et Maminou : voilà Liz et Louis, aux gros yeux noirs intrigants, entrainés dans plusieurs explorations qui, de la salle de bain au jardin, en passant par la cave et la chambre, leur révéleront des trésors familiaux disparus depuis longtemps. Y compris dans une crypte moyenâgeuse et une incroyable grotte préhistorique.
Dans ce bel échange intergénérationnel, les pertes de mémoire du grand-père mettent les enfants à rude épreuve sans pour autant entamer leur bonne humeur et leur ténacité. La répétition des découvertes nous tient en haleine, il faut explorer toutes les pistes ! Le livre lui-même est joliment mis en abyme dans la conclusion.

« La vie, c’est comme une route en lacets, dit maman, on ne sait pas vraiment ce qui nous attend au tournant ». Cette vie semble s’être arrêtée le jour où le père est parti, mais c’est sans compter sur « les vibrations chatouillantes » de cette incroyable Rosalie, une Méhari vert kiwi. Et c’est une mère pétillante et rocambolesque qui va prendre le volant et emporter ses enfants dans un voyage joyeux, empreint de liberté, entre plage et montagne.
Cela fait du bien de lire ce court roman qui présente une image vivifiante de la famille monoparentale ! Il nous invite aussi à regarder la séparation comme pouvant être un lieu de liberté nouvellement acquise. Le choix du petit format, du papier, des couleurs donne un joli carnet soigné. Les illustrations aux teintes franches et lumineuses s’inscrivent dans une palette contemporaine entre vert tendre et mauve clair. Les angles photographiques nous renvoient à nos albums de vacances et à la douce nostalgie du temps passé...
4 chouettes (dès 9 ans)

Voici vingt-quatre histoires du soir, « Pour enfants pressés ou parents indignes ». Le ton est donné, car ces contes et fables sont à la fois brefs et cruels, le dénouement en étant toujours tragique ou tragico-comique. Le duo Burgaud-Glassof revient avec cet album fantaisiste et mordant, qui emmène l'enfant lecteur dans la forêt des contes. Les auteurs s'amusent à reprendre les personnages des grands classiques (sorcière, géant, lutin, fée, génie, ogre...), mais jettent aussi leur dévolu sur un explorateur, un cosmonaute, quelques animaux (dont un yéti !), sans oublier le bossu de Notre-Dame. Tous ces personnages font preuve de maladresse ou sont victimes de malchance, pour notre plus grand plaisir.
L'originalité de ce livre, c'est avant tout la concision des textes parfaitement complétés par vingt-quatre dessins construits comme des tableaux et proches du cartoon. L'esprit d'observation est recommandé, ce qui ne devrait pas poser de problème aux enfants, curieux de nature. Cruauté, humour noir, absurde et second degré se combinent ici à merveille. Le côté fable n'est pas oublié pour autant puisque, comme chez les grands fabulistes, la bêtise humaine est souvent pointée du doigt.

Jordan Scott est parti de son enfance pour écrire cette histoire. « Ma bouche ne marche pas. Elle est pleine à craquer des mots que je ne peux pas prononcer ». Le lecteur, la lectrice se prend rapidement d'empathie pour ce garçon souffrant de bégaiement. Il raconte les difficultés rencontrées par un enfant solitaire et timide, angoissé par sa difficulté à communiquer avec les autres et victime de harcèlement. Un album exceptionnel à tous points de vue.
Le texte minimaliste, poétique et puissant est d'une incroyable justesse. La mise en page est parfaite. L'illustration est tout simplement époustouflante. Sidney Smith est entré tout naturellement dans l'univers à fleur de peau de Jordan Scott. Ses peintures à l'aquarelle, parfois augmentée de pigments en poudre, alcool dénaturé... sont fascinantes. L'illustrateur joue avec les reflets, le flou, les jeux de transparence et de lumière pour faire ressentir l'isolement, le malaise, la peur puis l'apaisement, le réconfort et la confiance en soi. Si l'enfant est le protagoniste central, le père est un personnage essentiel. Il trouve les mots pour apaiser son fils et l'aider à oser prendre la parole. Un album qui parlera à tous les enfants confrontés à la différence ou simplement à la peur de s'exprimer en public, mais pas seulement.

Après Un jardin au bout de la langue et Sur un arbre caché, Constantin Kaïteris publie un troisième recueil dans la collection Pommes pirates papillons des éditions Møtus. Cette fois, il met en scène trente poèmes courts et drôles évoquant les oiseaux d'ici et d'ailleurs : merle, pie, coucou, hibou... mais aussi tichodrome échelette, lophophore ou encore strigops kakapo. L'occasion de jouer avec les mots, les rimes, les sons, les sens, les onomatopées. Inventivité, rythme, humour et fantaisie s'entremêlent pour le plus grand plaisir de touꞏtes. Les plus futéꞏes repéreront les clins d'œil à Prévert, La Fontaine ou encore au Chat botté.
À la musique des mots, la Japonaise Kotimi vient ajouter son trait reconnaissable, entre fausse naïveté et expressivité. Elle utilise ici aquarelle et crayon pastel dans une gamme de couleurs minimaliste, jouant avec les gris et les bleus azur.

Les deux créateurs de 365 pingouins ont eu la bonne idée de se lancer dans le genre du polar. Le format de Miss Chat est plutôt celui d’un roman graphique, mais les bulles des dialogues, alternant avec des phrases courtes sous les vignettes, évoquent aussi la bande dessinée.
Miss Chat, personnage de détective aux allures de félin, libre et autonome, est sollicitée suite à la disparition d’un canari. Le récit, les mots et les images évoluent au même niveau de qualité avec des rebondissements étonnants et une chute délicieuse. Le décor est celui d’une ville nordique. Un univers d’humains où s’installe un poulpe, ami et muet, sans que cela ne gêne personne. D’autant moins qu’on y assiste à un aller-retour incessant des humains aux animaux et des animaux aux humains. Avec des petits détails rigolos et un amour des mots que l’on ressent dès les sonorités du titre.

La narratrice, la Marie-Aude Brosse du titre, référence à Mario Bros, héros d’un célèbre jeu vidéo, est accro à sa console. La pratique impénitente de la demoiselle lui confère le pouvoir de glisser de l’excitation extrême à la somnolence, et donc de la réalité au rêve… Elle est entraînée dans un va-et-vient secouant entre sa vie en famille bien réelle et ses aventures virtuelles, entre réalité augmentée et royaume « kaktoos ».
Astucieusement transposées dans un contexte folklorique mexicain, riche en sombreros et serpents à plumes, les références au succès planétaire de Nintendo se déclinent tout au long de ce récit pétaradant. Parmi les références cultivées par le facétieux auteur, trône en bonne place l’Alice de Lewis Caroll, si douée à fusionner rêve et réalité. Son parcours sous-terrain multipliant variations de format, obstacles divers et rencontres incongrues voire hostiles, se révèle être le prototype délicieusement anachronique du pitch de jeu vidéo…
Denis Baronnet bâtit un récit haletant, en jonglant avec les codes des jeux vidéo et un solide sens du rythme et de l’humour. Roxane Lumeret accompagne joyeusement cette histoire déjantée dans un délire pop quasi psychédélique. Un délire qui met en scène la pratique intensive des écrans (qui n’est pas le seul apanage des enfants), la notion de punition et par-dessus tout la puissance de l’imaginaire…
5 chouettes (dès 11 ans)

Dans un village d’Inde, Latika observe les problèmes causés par l’absence de toilettes. Une réalité vécue par plus de quatre milliards de personnes sur la planète. Latika, elle, peste contre la lune qui, le soir, vole leur intimité aux femmes qui vont se soulager dans le champ de la Honte. Lorsqu’un homme de la ville arrive et demande au village ce dont les habitantꞏes ont besoin, Latika, déterminée et courageuse, ose enfin parler de ce sujet.
Dans ce roman en vers libres, organisé en brefs chapitres, le texte s’écoule comme un poème chantant, une plainte sourde faite de phrases très courtes et entrecoupées. Il émane aussi du récit un esprit de sororité et de sagesse qui lui donne des allures de conte philosophique. L’histoire est portée par une jeune illustratrice indienne dont les dessins numériques aux couleurs vives font la part belle aux motifs indiens et à l’univers culturel du récit.

Dans le village de Brume coexistent deux Hivers, deux sœurs, la Grande polaire et la Petite joyeuse. Cette dernière a disparu. Alfred, 10 ans, est inquiet car son oncle Ragnard est parti en solitaire pour la retrouver. Or, Frid la voyante a prédit qu’il ne reviendrait pas… Alfred le suit dans cette quête à travers neige et glace. Il rencontre des trolls, des dieux, des guerriers, un voyant aveugle…
Ce récit totalement imaginaire se réfère aux codes du conte et nous plonge dans le monde des Vikings et des Saami. L’auteur a créé un univers à la croisée des mythologies et de la fantasy pour y inscrire un récit d’aventure, de mystère et d’apprentissage très bien construit, rocambolesque mais pas trop, pétri d’humour, parfois noir, parfois potache.
À côté de ses évidentes qualités littéraires, ce roman vaut aussi par des thématiques rarement traitées, comme l’inclusion, y compris celle d’un personnage transgenre et l’invention du pronom « uls » pour les trolls. La qualité esthétique du livre apparaît dès la couverture, avec ses couleurs glacées poudrées de neige. Les illustrations, originales à plus d’un titre, renforcent cet univers nordique.

Cette bande dessinée est tirée du roman Babyfaces de Marie Desplechin publié en 2010 dans la collection Neuf de L’école des loisirs et prix Bernard Versele 2013. C’est le deuxième volume d’une trilogie, Quartier sensible. Moins complexe et riche que le roman, mais fidèle et réussie, cette adaptation d’Olivier Balez met en évidence le cadre du roman, ce quartier coupé en deux par une autoroute. On soulignera la richesse des illustrations, des cadrages, des décors et des ambiances rendues par des couleurs sombres et chaudes ainsi que des jeux d’ombres et de lumières.
Olivier Balez a adopté une structure en gaufrier en introduisant de superbes illustrations pleine page fonctionnant comme des respirations. Le tout au service d’une narration sensible. Nejma, jeune ado élevée par sa seule mère, ne trouve pas sa place à l’école et dans le quartier. Rejetée, elle parvient à attirer la sympathie d’un condisciple, Freddy, de famille indienne, et de Jamel, vendeur dans un supermarché. Ce qui l’aidera à affronter une injustice…

Cet album magnifique est une invitation à admirer les richesses naturelles « à hauteur de lapin »… de Garenne, prénommé Edmond. Thierry Dedieu est un artiste qui parvient toujours à nous surprendre, adultes comme plus jeunes.
Le noir de la couverture, l’élastique, les coins arrondis proposent une version esthétiquement soignée d’un carnet d’exploration. L’alternance de dessins au crayon qui se détachent sur fond blanc, de peintures colorées, de croquis à l’ancienne et de photos macros jouent au jeu des ressemblances et des oppositions dans des tableaux impressionnants avec des animaux inquiétants et un fouillis mystérieux… Chaque page est un petit chef d’œuvre pictural !
Écrit en cursive comme il se doit, le texte sobre à la première personne donne la parole à Edmond de Garenne qui s’exprime avec humour et interprète de façon fantaisiste les petits faits de la vie animale.

La littérature jeunesse offre diverses possibilités aux parents pour aborder le thème de la guerre. Cet album, comme souvent, part du point de vue d’un enfant balloté par la folie meurtrière des hommes. Tiré des mémoires de la mère de l’auteur, Jacqueline est mis en scène à hauteur d’enfant à travers des photographies de figurines et de décors reconstitués en miniatures. Ils évoquent de manière inédite les bombardements, l’exode, l’exil en Algérie et puis l’arrivée dans une ville du sud de l’Allemagne à la Libération, la fatigue, les blessés, les morts, la peur, la colère, le chagrin. Mais aussi l’incompréhension face à la gentillesse de certains soldats allemands, l’absence du père, les amis perdus de vue et une incroyable amitié avec une petite Allemande qui durera 75 ans !
Le format oblong à l’américaine, les éclairages très travaillés, les mises en scène, les plongées, contre-plongées et gros plans renforcent l’aspect filmographique et réaliste de la réalisation. Ce récit biographique témoigne d’une page importante de notre Histoire dont certains épisodes font furieusement écho à ce que doivent vivre les enfants ukrainiens aujourd’hui.
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