Vie pratique

L’ARCHIVE DU LIGUEUR
En ce début des seventies, le Ligueur s’interroge sur un personnage de dessin animé visiblement très clivant. Il y a ceux qui y voient un intérêt sociétal. Et d’autres, au contraire, qui dénoncent une approche anti-éducative nourrie de défaitiste.
Ce personnage, c’est Caliméro, le petit poussin noir coiffé d’une demie coquille ébréchée. La controverse est telle que la rédaction pose une question : « Pour ou contre Caliméro ? ». La réponse tombera quelques numéros plus tard dans un long article exposant les différents points de vue…
Au jeu du « pour ou contre », pas vraiment de gagnants. « Les partisans de Caliméro ont été légèrement plus nombreux que leurs adversaires. Mais ceux-ci ont par contre détaillé plus longuement leur opinion ». Pour compléter les différentes prises de position, le Ligueur a sollicité l’avis de Jacques Dessaucy, qui retrace la vraie histoire de Caliméro.
Celui-ci n’était au départ (1962) qu’un personnage de dessin animé publicitaire. Dans ses premières animations, il avait déjà la scoumoune, mais, à la fin de l’épisode, une marque de poudre à lessiver révélait qu’en fait le poussin noir, malchanceux et mis à l’écart, était aussi clair que les autres. Il suffisait de le frotter un peu pour que tout rentre dans l’ordre.
Quoiqu’il en soit, la série qui fait débat, c’est celle produite en ce début des années 70 par la société japonaise Toei Animation et diffusée sur la RTB dès janvier 1972. Pour certain·es, la vision de ce dessin animé tourne au cauchemar. Un jeune couple avec quatre enfants témoigne : « Ils ont eu du mal à s’endormir. Les deux aînés (5 et 6 ans) étaient révoltés de la façon dont Caliméro était traité par le renard et les deux petits (2 et 3 ans) vraiment tristes car ils avaient vu Caliméro pleurer ».
D’autres renforcent le camp du contre en dénonçant « une nouvelle forme d’intoxication de la prime jeunesse qui peut aboutir à la décourager, sinon à la révolter » ou en fustigeant une série qui stigmatise les adultes « toujours contre » et donc « donne une fausse idée des parents, des moniteurs, des instituteurs, de la police, etc. ».
Côté « Pour », les arguments ne manquent pas non plus. Un lecteur martèle et questionne : « Est-il anti-éducatif de formuler les travers de notre société ? ». Une autre lectrice conseille aux parents de regarder la série, « ils pourraient se demander avec profit s’ils ne sont pas, souvent, ‘tro’injustes’ vis-à-vis de leurs petits ». Une autre renchérit : « Plus les jeune seront au courant des injustices (peut-être pourront-ils dans une certaine mesure les éviter ?), plus ils sauront lutter pour se créer une place honnête au soleil ».
Cinquante ans plus tard, Caliméro est toujours là, sa longévité apportant, a posteriori, de l’eau au moulin des « Pour ».
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