Crèche et école

S’orienter, c’est d’abord trouver la bonne boussole

L'orientation n'est pas une matière scolaire en soi, des paramètres extérieurs entrent largement en compte

Quels que soient la filière et le diplôme obtenu (ou pas), quitter le secondaire, c’est faire un pas de plus vers le monde adulte. C’est aussi de toute façon la fin de l’obligation scolaire et l’heure de faire des choix importants pour l’avenir. Continuer ses études dans le supérieur, envisager une formation professionnelle, partir à l’étranger ou encore travailler et suivre des cours du soir, les possibilités sont nombreuses. Et pour prendre la bonne décision, mieux vaut s’y prendre le plus tôt possible.

« J’étais plutôt un bon élève, sans matière forte, mais sans matière faible non plus, raconte Nicolas, aujourd’hui étudiant à l’UMons. Je suis arrivé en fin de rhéto sans projet, sans envie et même sans jamais m’être posé la question de l’après-secondaire. Tout ça me paraissait loin, je me disais que j’aurais le temps d’y penser une fois le CESS en poche. J’ai laissé passer l’été en me la coulant douce, en jobant au minimum pour avoir un peu d’argent de côté. Puis septembre est arrivé très vite. J’ai choisi maths par défaut, parce que l’ULB n’était pas loin de chez mes parents et que j’avais l’impression que ça pourrait le faire sans trop bosser vu que j’avais de bons résultats dans cette matière. Résultat : j’ai perdu un an et beaucoup de confiance en moi. Il m’a fallu une autre année pour remonter la pente et chercher ce que je voulais vraiment faire. Là, je suis en BAC 2 en criminologie et je sais que j’ai trouvé ma voie. »
Des exemples comme celui de Nicolas, il y en a pléthore, avec, parfois, des fins moins heureuses. Ne pas réfléchir assez tôt à son orientation, c’est se mettre dans une position qui pourrait se révéler délicate avant même d’avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires. La question qui se pose est donc simple : quel est le bon moment pour réfléchir à son avenir scolaire quand on est ado ?

À chaque élève sa propre démarche

« C’est une question à laquelle il n’est pas facile de répondre, souligne Héloïse Piers, conseillère d’orientation et d’information au SIEP Mouscron. En matière d’orientation, il n’y a pas de formule toute faite, chaque cas est en soi un cas particulier. En revanche, il y a des éléments sur lesquels s’appuyer. Si un·e jeune est déjà en difficulté en fin de 2e secondaire du général, par exemple, passer à autre chose est à envisager rapidement. Et à l’opposé, un·e ado qui arrive en fin de 6e et qui ne s’est jamais posé la question de son avenir – c’est quotidien d’en voir arriver ici au SIEP - , c’est problématique. D’un point de vue plus global, on peut quand même dire que l’orientation commence à se jouer déjà à l’heure du choix des premières options, généralement à l’entrée dans le deuxième degré du secondaire, c’est-à-dire en 3e. »

Héloïse Piers -  Conseillère d’orientation et d’information au SIEP Mouscron
« Entamer cette démarche, ça veut dire se projeter, ce n’est pas forcément évident pour un·e jeune. Pour certain·es, c’est alors plus facile de ne pas faire cette projection, de rester dans une position d’attente »
Héloïse Piers

Conseillère d’orientation et d’information au SIEP Mouscron

Faire des choix, c’est bien. Faire de bons choix, c’est encore mieux. Mais, quand on a 15, 16 ou 17 ans, est-ce qu’on a tous les outils en poche pour prendre la bonne décision, la bonne option ? Là encore, tou·tes les ados ne sont pas logé·es à la même enseigne, tant les différences peuvent être grandes au niveau maturité, activités extrascolaires, soutien familial. C’est pour cela qu’au SIEP, à Infor Jeunes ou ailleurs, on met en avant un principe fort : se connaître soi-même avant de savoir ce qu’on veut faire. Si ce mantra est en apparence facile à mettre en place, la réalité est un peu différente.
« Entamer cette démarche, ça veut dire se projeter, explique Héloïse Piers, ce n’est pas forcément évident pour un·e jeune. Pour certain·es, c’est alors plus facile de ne pas faire cette projection, de rester dans une position d’attente. Envisager un autre chemin, ça veut dire peut-être quitter ses parents, sortir de sa zone de confort, du rassurant maison-école-copains/copines. »

Un cheminement par étapes

« Savoir qui je suis avant de savoir ce que je veux faire ». O.K., mais comment je fais, moi, élève de secondaire ? Bonne nouvelle, des ressources pour cela, il en existe en nombre, que ce soit à Bruxelles ou partout ailleurs en Wallonie. S’il existe une multitude de lieux où trouver de l’information sur les filières et les formations envisageables, il reste l’ingrédient principal pour avancer : l’ado lui-même, seul point de départ valable.
« Même si ce sont les profs ou les parents qui initient le mouvement, c’est de lui que doit partir la démarche d’orientation, confirme Héloïse Piers du SIEP Mouscron. Ensemble, on va essayer de sortir d’une réflexion souvent très théorique - basée sur un rêve d’enfant, une passion, un loisir pratiqué, le travail des parents – pour aller vers quelque chose de plus concret, peut-être plus proche de la réalité. »
Par où commencer ? Tout simplement en mettant sur papier ce qu’on aime ou pas faire, ses centres d’intérêt, les secteurs dans lesquels on aimerait travailler. Cette première étape est importante pour définir un cadre, une base de réflexion. Elle permet entre autres d’éliminer des pistes envisagées de façon parfois un peu simpliste.
« On incite les jeunes à aller au-delà de leur première idée, complète Héloïse Piers. Par exemple, le très fréquent ‘Je veux faire tourisme parce que j’ai envie de voyager’. La réalité des métiers du tourisme, dans leur majorité, c’est qu’on voyage très peu, qu’on est au service de celles et ceux qui partent. C’est déjà un frein pour les jeunes. Et puis, c’est un secteur où la maîtrise d’une ou de plusieurs langues étrangères est quasi obligatoire. C’est un deuxième frein. C’est pour cela qu’on ne parle pas simplement d’orientation, mais bien de chemin ou d’échelle d’orientation. Pour définir un projet cohérent qui convienne au jeune, on doit y aller étape par étape. C’est nécessaire pour construire quelque chose de solide. Mais, attention, il faut bien préciser encore une fois que ce n’est pas une formule toute faite qui va marcher à tous les coups. »
Pas de formule magique, donc, mais une remise en perspective de tous les aspects de l’orientation. Cette démarche demande une certaine proactivité, mais aussi assez de recul de la part du jeune pour réajuster si besoin son projet ou simplement prendre conscience qu’il sera impossible d’échapper à certains prérequis, à certaines obligations pour arriver à ses fins. Pour certain·es jeunes, ce passage se fera sans réels soucis, pour d’autres, la marche sera bien haute à franchir.

Réussir à sortir de l’instant présent

« La prise de décision n’est jamais unidimensionnelle, explique la psychologue Alexia Lesvêque, il y a quantité de facteurs qui vont influencer dans un sens ou dans l’autre, que ce soit au niveau familial, social, économique. Cette prise de décision est parfois difficile à l’âge adulte, alors imaginez combien elle peut l’être quand on parle d’ados. À 16, 17, 18 ans, on est encore en construction intellectuellement, psychologiquement, voire physiquement. On demande donc à ces jeunes de se projeter dans quelque chose qui a une finalité à moyen terme, alors qu’ils et elles sont en plein dans la recherche de libertés, de limites qu’on repousse. C’est un âge du ‘tout est possible’, mais dans l’instant présent. Et tout cela, dans un monde, dans une société qui n’incite pas vraiment à se réjouir des lendemains à venir. Il faut être sacrément bien outillé et sacrément bien entouré pour faire cet exercice dans les meilleures conditions ! »
Croire en soi, en ses capacités, prendre une décision, s’y tenir, parfois échouer, recommencer, changer d’avis… c’est à tout ce cheminement que votre ado va devoir se confronter entre la moitié du secondaire et la fin de son parcours d’élève ou d’étudiant·e. Une route sur laquelle il ou elle se doit d’être accompagné·e, c’est là le conseil numéro 1 de tou·tes les expert·es rencontré·es à l’occasion de ce dossier. Des profs les plus impliqué·es aux professionnel·les de l’orientation, en passant par les centres PMS, les avis, les conseils, les recadrages permettront d’affiner les choix et de trouver la filière, la formation la plus épanouissante pour le jeune.

POUR ALLER + LOIN

Quel rôle pour les parents ?

Si choisir son avenir est d’abord une décision individuelle, cela se fait généralement dans un cadre où les parents ont aussi leur part de boulot à faire. Petit rappel en quatre points, souvent interdépendants et à l’équilibre pas toujours facile à trouver.

  • Soutenir, motiver… sans mettre la pression : encourager ou inciter la prise d’initiatives en matière d’orientation est toujours une bonne idée. Votre ado a besoin de savoir qu’il ou elle peut compter sur vous pour se lancer en confiance dans ses projets. Ici, il n’est pas question de présence continue, mais plutôt de votre disponibilité à des moments clés.
  • Communiquer : maintenir une bonne communication entre parents et enfants reste un principe de base. Un principe qui va dans les deux sens. Vous avez des questions, des idées, des choses qui vous chiffonnent ? Parlez-en ensemble, éclaircissez les zones d’ombre en gardant simplement en tête que vous ne vous adressez plus à un petit enfant, mais à un quasi adulte. L’équilibre de la (bonne) communication réside beaucoup dans ce rapport.
  • Dissocier : votre parcours scolaire, vos choix professionnels, ce sont les vôtres, rien que les vôtres. Ceux de votre enfant lui appartiennent. Ce que vous avez envisagé pour lui, pour elle ne lui convient peut-être pas et c’est normal qu’il/elle cherche une autre voie, ce n’est pas un rejet de ce que vous êtes.
  • Accepter l’échec : certains parents refusent les erreurs d’aiguillage, les fausses routes ou encore le redoublement. Pourtant, l’échec peut aussi faire partie du processus : il aide à grandir, à reconsidérer son projet, à mieux savoir ce qu’on est prêt·e à faire ou pas. Tout cela  à condition d’être accompagné·e pour que les éventuels échecs soient transformés en atouts et pas en boulets qu’on tire année après année.   

À LIRE

Les Carnets Orientations du SIEP

Au SIEP, des Carnets Orientations ont été créés pour aider les ados dans leur projet d’orientation. Ils existent en deux versions, En route vers le 2e degré pour les 14-16 ans et En route vers le 3e degré pour les 16-20 ans, et ont été pensés par Héloïse Piers et Natacha Decoen. Téléchargeables sur portail.siep.be, ils sont aussi utiles comme entrée en matière qu’en point d’appui si votre ado a déjà entamé sa démarche.