Développement de l'enfant

Sport : la puberté, un adversaire pour les filles

Plusieurs asbl nous informent qu’une fille sur deux laisse tomber le kimono, les gants de boxe ou les crampons au moment de sa puberté. À qui la faute ? Les règles, le corps qui change, va-t-on brandir à la hâte. Oui. Mais pas seulement. On fait un tour de piste avec Serena Kadyena, professeure d’éducation physique, danseuse-chorégraphe, et de quelques parents d’ados.

C’est avec horreur que le père de la petite championne que je suis a saisi au vol cette information. Imaginer ma petite passionnée de gymnastique, de capoeira et de vélo tout arrêter d’un coup ? Un crève-cœur. Comment cela peut-il se justifier ? Première amorce avec Léa qui revient sur la carrière sportive avortée de sa fille Salomé, 13 ans.
« Elle s’imaginait championne d’athlétisme. On la poussait. On l’imaginait déjà médaillée olympique. Ça s’emballe vite, un parent ! Et puis, d’un coup, elle a tout laissé tomber. Un coach nouvellement arrivé a eu la connerie de lui dire que ‘champion, ça ne s’accorde pas au féminin’. Et que toute la beauté du geste, dans n’importe quelle discipline, est avant tout masculine… »

Les filles et le sport ? Soyons sérieux…

Il n’en faut pas plus pour décourager une gamine à l’estime de soi aussi solide qu’une bulle de savon. Est-ce que le cas de Salomé, la fille de Léa, fait école ? « Bien sûr, répond Serena Kadyena, qui participe à la campagne Les femmes et le sport des Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) (voir encadré). Une sur deux, je ne sais pas. Ça ne me surprend pas, mais je relativiserai quand même ces chiffres. En ce qui me concerne, c’est de l’ordre de 1 sur 3. Quoi qu’il en soit, c’est un phénomène purement féminin. Il y a la phase de mal-être, c’est sûr. Mais depuis peu, Facebook et compagnie ont fait pas mal de dégâts. La pratique sportive, c’est du concret. Avec le virtuel, on ne transpire pas. Essayez de décoller une ado de son gsm. J’ai même des élèves qui le planquent dans leur soutien-gorge et le ressortent toutes les deux minutes ! »
À un moment de leur vie, les filles ne se sentent plus à leur place sur un terrain de sport. Avec les changements du corps et les incertitudes qu’ils provoquent, une bonne partie d’entre elles choisit de se plier aux normes imposées par la société. Changements physiques causés par la puberté, arrivée des règles ou - dans certains cas - prise de poids : un cocktail infect d’un moment charnière pour les jeunes filles.
« C’est trop bête parce qu’elles arrêtent de faire quelque chose qu’elles adorent. L’une des vertus du sport est justement d’obtenir davantage de confiance en soi, au moment où elles en ont le plus besoin. C’est ce que je me suis tuée à répéter à ma fille », déplore Léa qui milite depuis, partout à travers l’Europe, pour que les jeunes femmes mouillent à nouveau leur maillot. Elle nous explique que le sport est essentiel pour développer la confiance en soi. « Hélas, tout le monde s’en fout, c’est un problème de bonnes femmes. Personne ne s’approprie la problématique », appuie la maman.
Dernier facteur évoqué, tout bête et terre à terre, qu’expose Serena Kadyena : « Vers 15-16 ans, il y a l’histoire du petit copain qui rentre en jeu. L’esthétisme vestimentaire du sport n’est pas assez féminin. Il y a toute une logistique lourde. Se changer, tout ça. Pourquoi les garçons n’arrêtent pas, eux ? Parce que le côté esthétique rentre moins en jeu et qu’à cet âge-là, on veut un corps d’homme ! Donc, ça passe par le sport ». Il est peut-être important d’expliquer pourquoi c’est important de ne pas arrêter le sport, d’autant moins au moment de l’adolescence.

Les vertus du sport

Vous le lisez souvent dans le Ligueur, on croit dur comme fer aux vertus du sport. Hélas, tous les ans, des chiffres viennent nous rappeler que de moins en moins d’adolescents pratiquent une activité sportive. L'attention en termes de santé est-elle trop centrée sur l'alimentation ? Est-ce lié à un effet crise ? Toujours est-il que nos adolescents ne bougent plus assez.
« C’est la cata. On a des objectifs chiffrés dans les écoles que l’on n’atteint plus du tout. Je trouve la condition physique des ados et surtout celles des jeunes filles très préoccupante. Deux fois cinquante minutes par semaine, ça ne suffit pas à les réhabituer à l’effort physique », constate Serena Kadyena.
Il est peut-être opportun de rappeler que les bienfaits d'une activité physique sont foisonnants : limitation des risques d'obésité, de maladies cardio-vasculaires, sans parler du fait de développer les muscles et de consolider les os.
« Et puis, le sport réduit l'anxiété, il favorise des rythmes de sommeil réguliers. Bien dans sa tête, bien dans son corps, ça peut même aider à améliorer les performances scolaires. Et socialement, c’est hyper important. Les smileys dans la chambre, c’est pas la vraie vie », ironise la prof d’éducation physique.
Mais alors, comment remettre la chair de sa chair en piste ? À nous, parents, de trouver les mots justes pour qu’elle reprenne le chemin de l’entraînement et, mieux encore, qu’elle ne l’abandonne pas.

Les inciter à ne pas baisser les bras

Tout l’enjeu consiste à cultiver un moral d’acier. Thierry explique que Sarah, sa fille de 15 ans, joue dans un club de rugby. Elle adore, mais dès qu’il est question de disputer un match avec ou contre des jeunes mâles, elle perd ses moyens. Elle se sent nulle.
« On lui a tout simplement dit que la règle universelle du sport, c’est justement d’améliorer ses capacités. Ça lui a permis de se lancer des défis hyper-audacieux. Par exemple, avec une copine d’origine marocaine, elle veut monter une équipe à Agadir et même défier une équipe de garçons ! »
Recommandations chez tous nos intervenants : complimenter la détermination de votre enfant plus que les résultats qui vont davantage l’inciter à vous prouver quelque chose. La persévérance, elle, est reconnue et valorisée. Assurez-vous également que les échecs ne l’arrêtent pas sur sa lancée. Votre rôle ? Préserver la flamme, la passion, l’aider avec bienveillance en cas d’effondrement.
Thierry soutient : « Nous, on aime les phrases du style : ‘Je sais que c’est difficile. Mais je suis persuadé que tu vas y arriver. Pense à l’étape suivante.’ En réalité, une gamine a besoin d’être mise en confiance. De savoir que tout ira bien. »
Autre idée, expliquer comment maman, mais aussi papa, ont surmonté les terribles difficultés que l’on rencontre à cette période si délicate. Sur l’air de : vous avez réussi à le faire, c’est certain qu’elle peut y arriver aussi.
De nouveau, Thierry revient sur la façon dont il a abordé les choses avec son ado. « Je ne sais pas pourquoi, j’étais hyper-nerveux à l’idée d’évoquer mon adolescence à ma fille. Comme si je faisais ressortir une partie de mon intimité que je croyais à jamais rangée au fond d’un meuble. Alors, j’ai mis les choses par écrit pour savoir ce que je déballais et ce qui restait rangé ».
Et les complexes physiques qui reviennent dans beaucoup de témoignages ? C’est Asana, 17 ans, quelques jolies rondeurs, qui nous donne une sacrée bonne piste. « C’est bien d’aider les filles à se concentrer sur leurs stars, genre les sportives ou les actrices qu’elles admirent. Je me trouvais grosse et j’étais prête à arrêter le hockey subaquatique que j’aime à fond. Mes parents m’ont montré des photos et fait lire des histoires sur les complexes physiques d’idoles que j’aime grave. Comment elles s’en sont sorties, pourquoi elles n’ont pas abandonné. Ça m’a encouragé à fond ».
Dernier point soulevé par Serena Kadyena : « Faites faire à votre fille le sport qu’elle aime. Pas celui que vous avez choisi pour elle. Combien de fois j’entends que le hockey c’est un truc de mec et la danse un truc de pédé. Le genre et le sport ? Ça n’existe pas. Il y a encore beaucoup de tabous à balayer. Allez au-delà de la facilité. Une activité à côté de la maison, c’est bien. Mais est-ce qu’elle va vraiment motiver votre gamine. N’oubliez pas le plaisir dans tout ça. »
Et puis quoi, si tout cela vous demande des efforts, vous paraît dur, ou vain, le Ligueur ne manquera jamais de vous le rappeler : rien ne peut vous arrêter !



Yves-Marie Vilain-Lepage

En savoir +

Adresses et liens utiles

► Pour trouver le club le plus proche de chez vous, passez par les fédérations sportives. La liste et le site web de ces dernières se trouvent notamment sur le site de l'Adeps.

► Retrouvez plus d’informations et soutenez la campagne du mouvement des Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) sur les femmes et le sport pour lutter contre les discriminations.

► À lire : Sportives, jeux et enjeux, aux éditions de l’Université des Femmes.

Les infos collectées sont anonymes. Autoriser les cookies nous permet de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. Merci.
Cookies