Vie pratique

« Une mobilité pensée pour les enfants, c’est une mobilité bénéfique pour tout le monde »

Pas un·e seul·e des protagonistes interrogé·es pour les besoins de ce dossier n’a pas à un moment ou l’autre prononcé cette phrase. De la vertu d’une mobilité mieux pensée sur le chemin de l’école. Ils et elles sont nombreux à s’investir pour rendre les déplacements plus sûrs. Voyons comment.

Impossible d’aborder les déplacements école-maison (ou l’inverse) sans toquer à la porte de Bruxelles Mobilité et discuter de son initiative destinée aux écoles : les plans de déplacement scolaires (PDS). Le principe est aussi simple à comprendre que la tâche est complexe à mettre en place : aider les écoles à rendre les déplacements plus actifs (puisqu’on ne dit plus « doux », nous soulignent les intervenant·es). La cellule travaille donc de concert avec chaque établissement qui en fait la demande, comme dans l’exemple qui suit.

Au cas par cas

On a contacté Jérôme, directeur d’une école élémentaire à Anderlecht, qui nuance quant à sa collaboration avec le PDS. L’école, via son association de parents, sensible à la thématique de la mobilité, patinait sur la mise en place d’initiatives. Ni une ni deux, une maman, cycliste convaincue, contacte alors Bruxelles Mobilité. Très vite, les parents se forment, en apprennent plus sur les enjeux. Les besoins des équipes sont évalués. Besoins qui font écho à une observation de l’enquête de l’asbl Pro Vélo : « Certains environnements nécessitent d’appuyer plus profondément sur certains leviers tandis que d’autres sont moins prioritaires ». Au cas par cas, donc.
Dans l’école de Jérôme, il se dessine comme un vrai plan. Le directeur rentre en piste : « J’ai trouvé très agréable la réflexion et le travail en concertation avec le coach qui pose le constat pour tout mettre en place. Mise en place pour laquelle j’avais quelques inquiétudes. Mais tout le monde a bien joué le jeu. Ce que je voulais absolument éviter, c’est tout l’aspect moralisateur. Je caricature, mais : ‘Tu viens en voiture ou en scooter, c’est mal, tu viens à vélo à pied ou en trotti’, t’es un héros’. On a décidé de s’orienter vers une démarche pédagogique. Ce que je recommande aux parents, c’est de compter sur les PDS pour se former, rejoindre une communauté au-delà de l’école, partager les bonnes pratiques et créer une cellule de parents et ou d’enfants qui veille à remettre un plan sur pied réajusté chaque année ».
Les réserves du directeur portent sur le manque d’accompagnement une fois tout le protocole mis en place. Il craint que certains établissements s’enthousiasment un temps et laissent tout tomber, une fois les quelques volontaires las de prendre à bras-le-corps les problématiques liées à la mobilité.
Est-ce si embêtant que ça de s’en remettre à l’unique participation volontaire des parents pour s’emparer de cette problématique ? Pour Bénédicte Vereecke, chargée de projets éducatifs pour la cellule Éducation Mobilité et Sécurité routière (EMSR), le changement de paradigme passe inévitablement par une bonne collaboration entre les parents et l’école. C’est ainsi que les choses avancent.
« Les directions viennent vers nous. Font remonter différentes réalités basées sur les observations des parents. Le covid a bien fait évoluer les choses. Les déplacements se font de plus en plus à pied et à vélo. Ça bouge. On constate une véritable émergence des vélobus ou pédibus (voir encadré), conduits par des bénévoles, parents, grands-parents ou enseignant·es. »
La cellule mobilité met d’ailleurs en place des guides de démarrages destinée aux encadrant·es bénévoles. De son côté Belinda Demattia de l’AWSR (Agence wallonne pour la sécurité routière) nous confirme bien que Wallons et Wallonnes sont de plus en plus à choisir le vélo pour leurs déplacements. « En 2022, plus d’une personne sur quatre (28%) déclare le faire au moins plusieurs fois par mois ». La modalité mobilité active est donc activée.
Mais comment amplifier le mouvement ?

Si, si, c’est possible

Des outils à la disposition des parents désireux de rebattre les cartes routières, il y en a plein. Les initiatives citoyennes se sont généralisées partout dans le pays. C’est d’ailleurs ce que la cellule EMSR met en avant, par la voix de Bénédicte Vereecke. « On veut valoriser les exemples qui font avancer les choses sur l’aspect environnemental, convivial, physique, sur la mise en lien… Ça recouvre tout le champ du bien-être de l’enfant ». On observe dans la façon d’agir que la mobilité scolaire s’attaque à trois zones géographiques précises.
D’abord, le parvis de l’école. Pour celui-ci, on voit des initiatives généralement agrémentées d’anglicismes appelées quick-win. L’action la plus célèbre et la plus généralisée est le kiss and ride. Comprenez qu’après le petit baiser rituel, les parents automobilistes déposent leurs rejetons devant l’école ou à côté et filent ailleurs. Pour éviter les délectables émanations de gaz générées par la combustion des moteurs qui aiment à se déposer sur les délicats poumons de nos enfants, certains abords des écoles ont remplacé les stationnements de voitures par des bacs à fleurs.
Autre zone, la rue, autres leviers d’actions. De concert avec la Commune ou la Région, l’initiative qui gagne du terrain est la « rue scolaire ». Le principe ? Sécuriser les abords en fermant quelques rues autour de l’école. Les conditions se font selon des critères précis que l’on vous invite à découvrir sur securotheque.wallonie.be ou mobilite-mobiliteit.brussels. Des principes plus utopiques ont été imaginés. On peut citer les exemples de projet de rue ludique par Filter Café Filtré et Pool is Cool qui ont transformé de façon temporaire les rues des écoles en aire de jeux. Ailleurs, on essaie d’autres choses. Des jeux sur le chemin de l’école imaginés par des artistes. Une piste d’athlétisme qui mène au parvis de l’établissement… Réinventer la mobilité, c’est ça aussi : rêver.
Enfin, dernière zone d’action, le quartier. Le mot qui revient dans la bouche des différent·es intervenant·es, c’est de penser le tout dans sa globalité. On parle donc de mettre en place un quartier scolaire. Ce qui veut dire repenser la façon dont on s’y déplace. Mieux se partager les espaces entre voitures, vélos et piétons. En cela, toutes les idées imaginées par l’asbl Empreintes dont on vous parle souvent dans nos colonnes méritent le coup d’œil. Leur philosophie consiste à se servir du déplacement comme levier potentiel d’apprentissage. Quels sont les secrets de la flore, de la faune, des noms des rues…
Tout est possible, tout. À l’unique condition de ne pas faire de nos petit·es des donneurs ou donneuses de leçon. « L’optique consiste à éduquer, insiste Bénédicte Vereecke. Éduquer de futur·es citoyen·nes conscient·es de la crise climatique. Le mouvement existe chez les jeunes parents. C’est à ça qu’il faut tendre. À la prise de conscience que tout ce qui se fait, se fait au bénéfice de toutes et tous ».

ZOOM

Fred De Loof, papa, acteur, réalisateur et co-fondateur du collectif « La ville aux enfants »

« Ce qui m’a motivé avant toute chose, c’est de prendre à bras-le-corps tous les enjeux liés à la mobilité scolaire. Une fois qu’on a des enfants, on est d’autant plus conscients des problèmes liés au manque de sécurité. On sent davantage les dangers auxquels on les expose au quotidien. Au-delà de cette question, il y a bien sûr les enjeux liés à la voiture. Chez moi, par exemple, je dois à peine parcourir un kilomètre et pourtant, je suis sans cesse concentré sur les voitures qui vont trop vite, les automobilistes qui sont sur leurs téléphones au volant, celles et ceux qui laissent le moteur tourner à hauteur des narines des gamin·es. Beaucoup trop ne sont pas conscient·es du fait qu’ils et elles peuvent causer potentiellement des dégâts irréparables. Que leur degré de responsabilité est plus important en cas d’accident qu’un·e cycliste ou un·e piéton·ne.
Tout ça m’a motivé. On a créé à plusieurs ‘La ville aux enfants’. Avec cette même problématique partagée par beaucoup de familles. On veut rassembler et créer un collectif de parents. D’abord pour envoyer un message. On n’est pas tout seul à vouloir que les choses changent. Nous représentons toutes les écoles de la commune. Pas pour râler contre la bagnole, mais pour réfléchir à comment fonctionner tous ensemble. Réussir à faire passer l’idée qu’une ville pensée pour les enfants, c’est une ville pensée pour tout le monde. Avec plus d’espace. Avec une meilleure qualité de l’air. Qui crée plus de rencontres. Il semble important de mieux se partager l’espace public. Il n’y a aucune raison de se sacrifier la santé, sous prétexte qu’on n’a pas d’autre solution. Bien sûr que tout cela est compliqué à mettre en place. On ne va pas tout arrêter d’un coup.
Pour la deuxième année consécutive, nous mettons en place l’initiative Trace ton chemin. Ce 15 septembre, on montre que des enfants vivent ici. Qu’ils se déplacent avec toute leur fragilité. On veut montrer leur place, en traçant avec des grosses craies l’itinéraire maison-école. La ville n’est pas qu’un endroit traversé par des camionnettes et des livreurs ou des gens qui foncent pour aller au boulot. C’est un endroit où les gens vivent et aspirent à se déplacer sereinement. Ce qui en fait toute sa beauté et son intérêt. »

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