Santé et bien-être

Vagin Tonic : une BD pour tout savoir du sexe féminin

Quand Lili Sohn revisite Socrate, c’est pour parler à nos adolescentes. Parce qu’elle l’a constaté elle-même : rares sont celles qui peuvent schématiser ou indiquer sans hésiter les différentes parties de leur anatomie. Et quand il s’agit du savoir sur le sexe féminin, le vent du mystère souffle encore trop fort. Alors elle s’est dévouée pour rédiger Vagin Tonic, un guide sympa et décontracté de l’anatomie des femmes. Suivez la guide !

À 29 ans, les médecins diagnostiquent un cancer du sein à Lili Sohn. Commence la ronde des hôpitaux et la bataille contre l’intrus, un combat qu’elle partage sur un blog et qui lui inspire un ouvrage, La guerre des tétons. Très médicalisée, elle se sent impuissante, livrée aux connaissances des seuls médecins, réalise qu’elle ne connaît pas du tout son corps : « J’ai fait une préservation de mes ovocytes avant une chimio. C’est alors que j’ai découvert que mes ovaires contenaient, depuis ma naissance, tous mes ovocytes, pour toute ma vie ! ».
Interpellée, Lili Sohn décide d’interroger sa mésinformation en la matière. « J’ai commencé à parler aux femmes et aux hommes de mon entourage. J’ai vraiment entendu de tout. Et quel que soit leur âge, les femmes manquaient singulièrement de connaissances. C’est ainsi que je me suis lancée dans la rédaction du livre, dans le but de lutter contre la désinformation et les tabous qui entourent la sexualité et le sexe féminins ».
Lili Sohn poursuit son enquête et se documente avec passion. Elle cuisine ses proches, ses amies, s’adresse aux associations, ainsi qu’à des professionnels, dont un gynécologue. Enfin, elle trouve son angle, qui est de « donner autant de place au côté anatomique qu’au ressenti des femmes, décrire comment elles habitent leur corps et, bien sûr, me baser sur ce que je ressens moi-même ».

Ados : allez voir sous le capot

Selon une étude française du Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes, 84 % des filles de 13 ans ne savent pas comment représenter leur sexe, alors qu’elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin. Et une fille de 15 ans sur quatre ne sait même pas qu’elle a un clitoris. Comment se fait-il que les femmes connaissent aussi peu leur corp ?
« C’est un subtil mélange de beaucoup de choses, regrette Lili Sohn. Dans le livre, tout un chapitre est consacré à la relation entre les femmes et la médecine. J’y explique comment, depuis très longtemps, on a désincarné le corps de la femme, on s’y est très peu intéressé. »
Les études abondent sur celui des hommes, poursuit-elle, alors que celles qui concernent l’anatomie génitale des femmes se concentrent essentiellement sur la santé reproductive. Ce n’est qu’en 1998 que l’on sort de l’obscurantisme clitoridien, lorsque l’urologue australienne Helen O’Connell établit enfin un schéma anatomique parfaitement détaillé du clitoris. Dans les manuels scolaires, les organes sexuels ne sont correctement représentés que depuis un an environ.
« Et ce n’est que très récemment que la médecine se penche sur le ressenti des gens. Je m’étonne que l’on confie si facilement son corps aux médecins, mais sans parler de ce que l’on ressent. Et puis les filles ne sont pas spécialement confrontées à d’autres vulves que la leur, en dehors du porno qui envahit les écrans. Elles ne connaissent pas les vraies proportions de leurs organes, ni la façon dont ils s’imbriquent. »
Vagin Tonic s’adresse donc à toutes… et à tous : « Je n’ai pas forcément de public-cible, mais je me réjouis que beaucoup de mamans le fassent lire à leurs ados, qui doivent être les premières informées, encouragées à aller voir sous le capot, comprendre comment elles fonctionnent et ce qu’est le plaisir ».
Et comme Lili Sohn distille de l’humour dans les cases de sa BD, on tourne les pages encore plus facilement : « C’est plus léger, c’est le meilleur moyen d’aborder des sujets qui paraissent difficiles ou tabous. Et comme je parle de choses très intimes, l’humour permet de dédramatiser ». Joliment illustré, outre un précis d’anatomie féminine, on trouve aussi des chapitres qui parlent des règles, de contraception, d’orgasme, de masturbation et de plein d’autres choses qui interpellent les filles et les garçons.

… Et posez des questions

Quand elle replonge dans sa propre adolescence, Lili Sohn se donne des conseils a posteriori : « Il ne faut pas attendre de l’autre qu’il connaisse mieux votre corps que vous-même. J’attendais de mes partenaires qu’ils m’apprennent mon corps, alors qu’ils maîtrisaient à peine le leur ! J’étais tellement mal à l’aise que je les pensais plus au courant… »
La jeune auteure propose aux parents d’utiliser Vagin Tonic pour dialoguer, aborder des questions floues: « C’est sûr, ce n’est pas évident de parler de tout ça avec ses enfants! J’ai toujours le souvenir de mon grand malaise lorsqu’il y avait des scènes d’amour ou de sexe à la télé, je m’enfuyais. Ça venait de moi, je ne voulais pas y être confrontée face à mes parents, même si de leur côté, ils encourageaient le dialogue. Par exemple, il y avait toujours des préservatifs disponibles à la maison. Le guide peut s’avérer utile en première approche, en soutien pour d‘autres questionnements, avant que les parents puissent proposer d’autres ressources plus ciblées ».

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► « Inconsciemment, on essaie encore de protéger les filles de la sexualité »

Valérie L’Heureux est sexo-thérapeuthe et responsable EVRAS. Pour le Ligueur, elle repose quelques bases, met en garde et oriente les parents.

Le contexte
La méconnaissance est très importante, particulièrement chez les filles et même les femmes. La première raison est anatomique : elles sont moins vite confrontées aux manifestations visibles de l’excitation que les garçons, qui se posent des questions plus tôt et trouvent des réponses correctes plus facilement.
On protège les filles d’une connaissance qui pourrait éventuellement les mettre en contact avec une sexualité précoce. En réalité, c’est contre-productif : ce sont les filles peu ou pas informées qui sont le plus sujettes aux grossesses précoces ou qui ont le plus recours à la pilule du lendemain.
Il faut tenir compte du contexte culturel : les familles protègent les filles - sans vraiment conscientiser - jusqu’au « dernier moment », généralement une première relation sexuelle, qui intervient pour la première fois vers 16-17 ans en moyenne, ou le mariage, dans certaines cultures.
Seul 3 % des filles ont exploré leur vagin avant les premières relations sexuelles : il y a une différence de curiosité sur ce qui se passe sur le plan anatomique.

Quelques propositions pour les enseignants
Il vaut mieux éviter de ne donner que des infos de type cours de sciences. Mieux vaut informer de façon claire sur l’anatomie, de préférence en 3D, en utilisant des bassins de démonstration.
Il faut dédramatiser. Favoriser l’humour, inviter aux mouvements, utiliser des techniques de proprioception, qui permettent de faire sentir ou conscientiser les différentes parties du corps. Où se situent l’os du pubis, la fin du sacrum, visualiser tout ce qui est à l’intérieur : appareil urinaire, reproducteur et sexuel, appareil digestif, tout tient dans cet espace restreint ! Il suffit de se balancer sur une chaise de gauche à droite, d’avant en arrière, le faire en même temps que visualiser des documents.
Être attentif et bien choisir les moments, savoir de quoi parler en groupes séparés ou en mixité. Le cours de gym peut être un bon endroit pour aborder par exemple ce qu’est le plancher pelvien.

Une mise en garde
Je ne suis pas favorable au courant qui dévoile plus qu’il n’explique, en vogue dans le nord du pays ou aux Pays-Bas. Donner des méthodes de masturbation, confronter des enfants de 12-13 ans à des vues en gros plan de vulves de tous âges, épilées ou pas, pour montrer comment les gens sont différents, cela peut être choquant. Je ne pense pas que cela permette vraiment d’ouvrir le champ.

Pour les parents
Restez disponibles à la discussion ! Il faut que le canal de communication soit ouvert le plus possible. Avec les plus petits, cela peut sembler plus facile. Par exemple, le moment du bain peut être choisi pour discuter. Avec un ado, il faut aussi lui laisser la possibilité de poser des questions, peut-être à partir d’un film, d’une série ou d’un clip. Demandez-leur ce qu’ils en pensent pour lancer le débat.
Depuis 2012, les établissements scolaires sont tenus par la loi d’assurer six heures d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) en secondaire. Mais ils sont libres de le faire comme ils le souhaitent. Alors certaines écoles l’organisent… en ne faisant rien du tout ! Il manque clairement d’animateurs : un planning familial qui travaille bien dispense deux fois deux heures par classe, avec une session au cours de laquelle les filles et les garçons sont séparés, pour que la parole soit plus libre. Ensuite, il faut les remettre ensemble, débriefer. Vous êtes en droit de questionner la direction de l’école de votre enfant sur la question.



A. K.

Pour aller + loin

  • Dictionnaire fou du corps, de Katy Couprie (Thierry Magnier). Dans ce livre jeunesse superbement illustré, Katy Couprie, artiste et auteure, nous livre sa vision jolie et décalée du corps, de A à Z. Pour parler des organes, du système nerveux, des muscles, des artères, mais aussi du rire, de l'adrénaline, du baiser ou du bourrelet : autant d’entrées poétiques, drôles et farfelues à mettre ou remettre de toute urgence entre toutes les mains, petites et grandes !
  • Les Parleuses est une association créée par la designer Fanny Prudhomme qui a pour objectif d’éditer des outils pédagogiques pour libérer la parole et le savoir concernant le sexe féminin. Conseillée par des acteurs de l’éducation sexuelle, elle a conçu un kit représentant les organes sexuels féminins en 3D : vulve, vagin, ovaires, clitoris, etc., reconstitués à partir de matériaux du quotidien. Visitez la page Facebook et participez !
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