Développement de l'enfant

Six mois dans la vie de votre petit bout, c’est énorme : 2 ans et demi, ce n’est pas 3 ans. « Ce sont des mois porteurs en termes de maturité affective, cognitive, motrice, langagière, sociale… », explique Marie Masson, licenciée en psychologie clinique et formatrice au FRAJE*. Autre réalité : il existe des variations, parfois fortes, entre enfants du même âge.
Malgré tout, des tendances se marquent…
Marie Masson : « À 2 ans et demi, l’enfant est en pleine construction identitaire. C’est plus souvent vers 3 ans que vers 2 ans et demi qu’il acquiert une conscience de lui plus précise, une capacité à se rendre compte qu’il est une personne à part entière, distincte des autres, avec des besoins qui lui sont propres, un avis qui est le sien… À un moment, il peut parler de lui en disant "je". Il peut alors mieux aller à la rencontre de l’autre en étant plus sûr de lui et de qui il est, et donc il peut commencer à apprendre à attendre son tour ou à partager un objet, par exemple. Tout cela est très progressif.
Le langage progresse de façon spectaculaire entre 2 ans et demi et 3 ans. Il n’empêche, il est important que l’adulte continue à avoir le plus souvent possible des interactions individualisées avec l’enfant : ça revient à le prénommer plutôt que de s’adresser à lui avec des "on", des "nous", des "vous", des "Les enfants, on fait ça".
Sur le plan émotionnel, vers 2 ans et demi, l’enfant traverse une période qu’on appelle l’adolescence de la petite enfance ou la petite adolescence : il a plein de désirs liés à sa prise d’autonomie - c’est le règne du "Moi tout seul" -, mais, en même temps, il y a toute l’angoisse qui va avec - "Qui me protège ? Jusqu’où je peux aller ?" D’où ses allers-retours entre "faire le grand" et "redevenir un bébé". Il est tellement tiraillé entre les deux que cela s’exprime parfois sous la forme de colères explosives. C’est compliqué quand il entre à l’école à ce moment-là.
Côté motricité, à 2 ans et demi-3 ans, c’est tout le corps qui est actif quand l’enfant fait un mouvement : difficile, pour lui, de le stopper ou de le maîtriser précisément. Aussi cela a-t-il du sens de le laisser bouger librement en classe. Pour bien entrer dans la lecture et l’écriture, il devra exercer son corps dans l’espace de façon spontanée et libre le plus souvent possible. Sa motricité fine en est, quant à elle, à ses balbutiements : inutile de lui demander de tenir correctement un crayon ! »
Quels sont les besoins de l’enfant de 2 ans et demi qui entre à l’école ?
M. M. : « Il a besoin de continuité spatiale (entre les lieux qu’il fréquente), temporelle (entre les moments de sa journée) et relationnelle (entre ses personnes de référence qui, elles-mêmes, ont des liens entre elles). Or, dans les écoles, a fortiori quand elles sont grandes, les espaces sont disparates, le temps est découpé et le personnel est important : les petits sont vite perdus. Y remédier n’est souvent pas très compliqué. Le passage à l’école sera facilité si on respecte les rythmes de développement de l’enfant et s’il peut s’appuyer sur des repères rassurants. Il ne faut pas attendre de lui qu’il se comporte comme un élève : il est encore très enfant. Il a besoin de jeu libre… à travers lequel il apprendra plein de choses. Il a besoin de bouger librement, pour se sentir bien et aussi parce que cela prépare aux apprentissages. De façon plus générale, il a besoin que les adultes qui gravitent autour de lui lui permettent de faire les choses de manière progressive. »
Quelques signes qui montrent que l’enfant est prêt pour l’école…
M. M. : « Il commence à parler de lui en disant "je", il fait la différence entre lui et les autres, il comprend que le "je" fait partie du "vous". Il réalise spontanément ses premières figures fermées (le rond). Il nomme les différentes parties de son corps. Il fait preuve d’une certaine autonomie dans les gestes du quotidien (comme reconnaître et mettre son manteau). Il est capable de faire comprendre à l’adulte, pas forcément avec le langage, qu’il veut aller aux toilettes, qu’il est fatigué ou qu’il a froid… Bien sûr, s’il est propre, cela aide, mais ce ne devrait pas être un critère en soi. »
* Centre de Formation permanente et de Recherche dans les milieux d’Accueil du Jeune Enfant. Marie Masson est l’auteure du petit livre Introduire l’enfant au social, yapaka.be, collection Temps d’arrêt/Lectures.