Développement de l'enfant

Vous rêvez d’être une petite souris pour observer comment votre enfant se débrouille à l’école et découvrir dans les détails ce qu’il y fait. Au moment de vos retrouvailles, vous le questionnez sur le mode curieux, vous le pressez parfois sur un ton inquiet ou trop insistant. Conclusion : « Il ne me dit rien », « Il a son jardin secret ». Qu’en est-il, en fait ?
« Quand on demande à un jeune enfant de raconter sa journée à l’école, aucun n’est capable de le faire, explique Reine Vander Linden, psychologue clinicienne. Il n’a pas encore une structure du temps qui lui permette de se remémorer, heure après heure, ce qu’il a fait. Il lui est impossible de tracer le fil de sa journée. Certains parents s’en vexent – "Il est taiseux", "Il ne veut rien me dire" –, ils deviennent inquisiteurs ou menaçants – "Et après, qu’est-ce que tu as fait ? Tu ne te rappelles pas ? Quoi, vous n’avez rien fait aujourd’hui ?!" – ou ils s’angoissent – "Il ne fait rien à l’école !" Résultat : devant l’insistance de sa maman ou de son papa, l’enfant risque d’être perdu : non seulement il peut se ressentir incompétent parce qu’il ne raconte pas comme le voudrait son parent, mais il perçoit aussi qu’il le déçoit. » De là à déduire que votre loulou a un jardin secret (à respecter) ou qu’il n’a rien fait de sa journée parce qu’il ne la détaille pas, il y a un pas à ne pas franchir ! Notez aussi qu’un jeune enfant peut vivre si intensément les choses dans les espaces différents qu’il fréquente que, lorsqu’il est avec ses parents, l’école n’est plus une entité présente dans sa tête, et donc racontable, et vice versa.
« On a rigolé, on a dit pipi-caca »
Une chose est de poser à l’enfant la question « Qu’est-ce que tu as fait à l’école ? », une autre est de lui demander : « Qu’est-ce qui s’est passé pour toi à l’école ? » « Le jeune enfant aime qu’on s’intéresse à ce qu’il fait, à ce qu’il vit, à ce qu’il ressent, développe Reine Vander Linden. Parce qu’il est lui-même à l’aube de la découverte de ses sensations et de ses émotions : il a donc besoin de traducteurs. S’intéresser à ce qu’il vit, c’est lui montrer que cela a de la valeur, qu’il est important pour nous, qu’on est relié à lui. »
Et la psychologue de poursuivre : « Le jeune enfant est capable d’évoquer des souvenirs. Mais, pour lui, un souvenir est toujours raccroché à une émotion, positive ou négative. Il raconte les événements qui l’ont marqué émotionnellement : "Mathieu m’a tapé", "On a rigolé, on a dit pipi-caca", "Madame a crié sur les enfants", "La marionnette a fait peur"… C’est toujours l’émotion qui est le substrat sur lequel son souvenir va s’organiser. »
Les pleurs, ou quand la soupape lâche
À la fin de la journée, chaque enfant a sa façon de retrouver son parent, de réagir à sa vue, « en fonction de ce qu’il comprend des relations dans son petit univers ». « Certains vont se montrer très indépendants, voire indifférents, et ne vont pas chercher le réconfort logiquement attendu d’un parent. D’autres vont être plus partagés : ce sera "Je veux des câlins" et "Je ne veux pas de proximité" tout à la fois. Certains vont se jeter joyeusement dans les bras de leur parent ou vont s’effondrer dans les bras de maman ou de papa parce qu’ils y retrouvent de la sécurité et qu’après une journée qui a généré du stress et de la tension, cela fait du bien de se laisser aller. »
Votre petit bout éclate en pleurs quand vous venez le rechercher ? Vous pensez peut-être alors que sa journée s’est mal passée. Ce n’est pas nécessairement le cas ! « Il ne faut pas systématiquement traduire ces pleurs comme des pleurs de chagrin. Ce sont souvent des pleurs de soulagement, de décharge qui font suite à une tension importante liée au fait qu’il a mis de l’énergie dans un apprentissage, qu’il a dû supporter le bruit ambiant ou s’adapter aux exigences de la collectivité… La soupape lâche. Il libère la tension accumulée au cours de sa journée parce qu’il est en sécurité avec son parent », éclaire Reine Vander Linden.
« Mon tendre joue les caïds »
Autre scène possible. Vous voyez votre enfant dans la cour de récré et, soudain, vous ne le reconnaissez plus : lui, un doux, qui ne supporte pas les cris, est survolté comme les autres mômes. « Il y a des enfants qui jouent au caïd, alors que, d’habitude, ce sont des doux, des tendres. Ils font le caïd parce que l’ambiance de la classe est à cela et ils s’adaptent. S’ils le font une heure ou deux, ce n’est pas grave. Comme parent, il faut l’accepter, même si c’est dur de voir son enfant se transformer et prendre la couleur du groupe. On peut simplement lui dire : "Oh, je ne te reconnais pas ! Tout le monde court et crie très fort, mais reste toi." »
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