Grossesse

Accoucher comme à la maison dans un gîte de naissance

On y accouche « comme à la maison », mais à une porte de l'aide médicale. Ils s'appellent le Cocon à Bruxelles, le Nid à Namur ou plus froidement plateaux techniques dans certaines maternités. Ces structures intrahospitalières dédiées à l'accouchement physiologique sont toujours plus sollicitées par les futurs parents. Elles deviennent même obligation en 2024 dans toutes les maternités bruxelloises. Que proposent-elles et dans quelles conditions ? Rencontres au sein de ces nids douillets.

« Voyager en train plutôt que prendre l'avion, c'était un peu l'idée de notre projet de naissance, nous racontent Lauranne et Martin, les jeunes parents de Lucien, 2 mois. Pour prendre le temps et vivre la transition pleinement ». Pour la venue de leur premier bébé, ils ont opté pour le concept de tendance slow birth du Nid, le pôle de naissance physiologique intrahospitalier de la maternité du CHU-UCL Namur, créé en 2019. « Un accouchement le plus naturel possible nous tenait à cœur. Et pour y arriver, il nous fallait un espace de confiance qui nous sécurise, tant le papa que moi-même. C'est celui-là qui nous convenait », explique Lauranne.
Le jour J, un visage bien connu et rassurant les accueille dans la salle de naissance du Nid, située dans le même couloir que les salles de naissance classiques. C'est Mathilde, leur sage-femme. Inutile de faire des présentations, ils sont déjà complices. Au long des consultations prénatales, ils se sont familiarisés. Mathilde connaît leurs attentes, leurs personnalités, leurs vécus, au-delà de leur dossier médical.
« Nous étions déjà connectées sans devoir passer par la parole, se souvient avec émotion la maman. En phase de désespérance, j'ai pensé à la péridurale... Mathilde a trouvé les mots encourageants pour m'aider en douceur, car elle connaissait notre projet. Je voulais mettre à profit la douleur qui, pour une fois, n'est pas signe de danger, mais est profitable au travail. »
Lauranne a profité des équipements de l'espace (ballon, lianes d'étirement, tabouret, coussins, baignoire) sans apercevoir le matériel purement médical. Dissimulés dans des placards, tuyaux, bipeurs et autres bonbonnes sont prêts si le projet du Nid ne pouvait aboutir, en cas de complication ou à la demande de la maman. L'équipe médicale du bloc prendrait alors la main. 

Du « one-to-one » pour la continuité 

Mathilde, la sage-femme, ne les a pas quitté·es, restant jusqu'aux premiers soins du post-partum. Au Nid, il n'y a pas de changement de service. Le continuum espace-temps est d'or. Et la règle du « one-to-one » est fondamentale.
« La périnatalité est trop morcelée. Les mamans passent souvent par trop d'intervenants. Or, ça a un impact pour accoucher, observe Noémie Morer, autre sage-femme du Nid. Des études ont prouvé qu'une diminution des interventions médicales réduisait aussi le stress et l'insécurité. »
Et la professionnelle de questionner : « Au fond, quels sont les besoins physiologiques d'une maman qui accouche ? Un suivi global et donc une sage-femme pour une maman. Finalement, ce n'est pas l'endroit qui compte, mais le cocon autour d'elle. On ne leur promet pas que tout sera parfait, mais quand les parents voient que l'on met tout en place pour suivre leur projet, leur vécu est alors plus serein ». 

Les informé·es et les déçu·es 

Pour être admis au Nid, Lauranne a dû cocher un maximum de « feux verts », avec comme premier critère d'être une grossesse à bas risque. « Donc pas de siège ni de grossesse gémellaire », précise-t-on du côté de Mathilde Chavet, la sage-femme. Mais ce type de structure accorde plus de souplesse qu'un projet à domicile. « Un antécédent de césarienne peut ici être accepté, de même qu'un streptocoque positif ou un diabète gestationnel sous régime, par exemple ».
Certains parents viennent de loin pour accoucher au Nid de Namur, novateur dans le paysage hospitalier. « De Libramont ou même d'Amsterdam », détaille la gynécologue Amélie Boute, collaboratrice au Nid. Parmi ceux-ci, elle constate deux profils principaux : « Il y a les futurs parents, toujours plus informés dans un climat anxiogène où des violences obstétricales ont été médiatisées. Ils se présentent avec un projet de naissance clair ». Et puis, il y a celles et ceux qui ont été déçu·es par les conditions d'une naissance précédente. C'est le cas de Laurie. Suite à des actes obstétricaux sans consentement, elle a ressenti le besoin d'être suivie pour son second bébé au Cocon, le gîte de naissance de l'hôpital Érasme (ULB), situé à cinq minutes du bloc de la maternité.

« Être avec son partenaire dans l'intimité et la sécurité fait de la naissance un vrai projet familial »
Michèle Warnimont

Cheffe de service du Cocon à Érasme

« À ma première consultation, j'ai fondu en larmes lorsque la sage-femme du Cocon m'a demandé comment j'allais. Auparavant, mon suivi de grossesse était réduit à une échographie chaque mois lors d'un rendez-vous de quinze minutes avec le gynécologue, et sans aucune prise de température de mon état émotionnel. Dans le cadre du gîte, j'ai profité chaque mois de consultations prénatales d'une heure pour veiller à l'état de santé de mon bébé et de moi-même, mais surtout pour livrer mes questions, mes peurs, interroger mon contexte familial, si j'avais de l'aide à la maison, etc. » 

« Comme un acte sexuel »

Son petit Aden a vu le jour dans la baignoire de l'une des deux chambres du Cocon. « Il n'y avait pas d'horloge, pour ne pas rester dans le contrôle. J'ai moi-même demandé à être examinée. La sage-femme ne m'a pas informée sur la dilatation. Elle m'a plutôt dit : ‘Il sera bientôt là’ ». La communication est positive. Les sages-femmes du Cocon y sont d'ailleurs formées spécifiquement.
« Dès mon arrivée, l'ambiance était douce : les rideaux tirés, des étoiles projetées sur les murs et une guirlande lumineuse. On a profité d'un beau lit double et du confort pour accoucher dans toutes les positions que je souhaitais »... Voilà presque le tableau d'une chambre nuptiale.
« Faut-il rappeler que l'acte d'accoucher se compare à l'acte sexuel ? souligne la cheffe de service du Cocon, Michèle Warnimont. Ce sont les mêmes hormones qui fonctionnent pour un accouchement physiologique. Auriez-vous envie de faire l'amour dans une chambre d'hôpital avec plein d'inconnus autour de vous ? Être avec son partenaire dans l'intimité et la sécurité fait de la naissance un vrai projet familial. Mais la question centrale est de connaître ses besoins en termes de sécurisation. Et si l'un des deux partenaires est réticent, ce projet du gîte peut devenir compliqué. »
À l'origine du Cocon il y a vingt ans, Michèle Warnimont se réjouit de la nouvelle réglementation bruxelloise et suppose sa motivation. « Ce modèle a donné de meilleurs résultats au niveau de la santé des bébés et des mères dans le cas de grossesses à bas risque, outre le fait qu'il coûte moins cher à la société. Puis, c'est une nouvelle philosophie de soin à la vision horizontale et à la décision partagée. Il n'y a pas que le suivi gynéco qui existe ».

Le « plateau technique », une autre formule 

Enfin, une troisième formule s'offre aux parents, c'est le « plateau technique ». À défaut d'avoir un gîte ou un pôle physiologique comme le Cocon ou le Nid, toute maternité peut le proposer, et en aura même l'obligation à Bruxelles pour septembre 2024. « Il donne la possibilité d'accoucher avec la sage-femme libérale de son choix, qui dispose d'un accès dans la maternité des parents, explique Stéphanie Wampach, sage-femme chez Pandore, maison de naissance à Braine-l'Alleud. Ceux qui font appel à moi, bien souvent le font, car ils ne sont pas éligibles pour accoucher en extrahospitalier ».
Comme au Nid et au Cocon, Stéphanie rencontre chaque mois ses patientes. Et les conditions y sont les mêmes. Comme faire les quatre échographies obligatoires chez le/la gynécologue ou démarrer le suivi avant trente semaines d'aménorrhée « pour avoir le temps de créer un lien de confiance, les préparer ; voir s'il n'y a pas de pathologies et contre-indications. Le jour J, nous nous rendons ensemble à l'hôpital pour l'accouchement, je suis alors en première ligne ». La mission de Stéphanie se poursuit jusqu'aux soins post-partum. 

EN SAVOIR +

Et question argent ?

Si toutes les consultations sont remboursées, avec certaines majorations sur des préparations à la naissance, ce sont les astreintes de garde qui marquent la différence : 200€ au Nid ou 250€ au Cocon pour couvrir la disponibilité des sages-femmes joignables 24h/24. Les indépendantes comme Stéphanie prévoient un forfait d'environ 500 € pour leur garde durant les cinq semaines de période d'accouchement. Ces astreintes sont couvertes par certaines assurances.
Si le suivi global n'est pas forcément présenté à tous les futurs parents (pas encore), trouver une équipe de sages-femmes ou une libérale peut passer par la plate-forme sage-femme.be

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