Santé et bien-être

Le constat est là. L’alimentation est un levier de changement sociétal énorme. Il est urgent d’agir dès maintenant de façon beaucoup plus réfléchie. Julie Van Damme, secrétaire générale de Nature et Progrès, relate le dilemme : « Quel seuil minimal accepte-t-on pour soi et sa famille ? Plus important encore, comment enraye-t-on la machine ? ».
D’abord, il semble important de se répéter qu’il est possible de sortir de ce « tout intensif ». Agriculture, production, consommation. Il existe des modèles différents qui fonctionnent. Plusieurs intervenant·es renvoient d’ailleurs au documentaire Intensif, ces agriculteurs alliés de la terre disponible sur Auvio. Julie Van Damme en est convaincue, des gens pratiquent une agriculture différente, en vivent et sont heureux ainsi. Ils sont appuyés par toute une communauté de partenaires qui fonctionne depuis plus de soixante ans. Hélène Grosbois, de son côté, affirme que « le problème est d’abord un problème agricole. Ce qui veut dire que la solution est principalement une solution agricole ».
Le rôle des parents là-dedans ? Soutenir le plus possible ces allié·es de la terre. Le réseau du collectif 5C (collectif5c.be), fort de ses 12 000 coopérateurs et coopératrices, de ses 36 coopératives citoyennes, de ses 300 points de distribution en circuit court partout sur le territoire et de ses 1 350 producteurs et productrices, est une première approche. À cela, vous pouvez vous rapprocher de toute la mise en réseau des ceintures alimentaires que l’on vous présente un peu plus loin.
L’autonomie, le leitmotiv
Le Graal pour contrecarrer tout cela et garantir une meilleure alimentation ? Pour Céline Bertrand, il s’agit d’abord de permettre à tous les enfants d'accéder à un même niveau d’éducation alimentaire. Un bon premier point, ce serait de généraliser le principe des cantines bio. « Cela permettrait de réduire les disparités. Dans la même veine, j’aime beaucoup l’idée développée à Strasbourg (France), d’une ‘ordonnance verte’. Les femmes enceintes ont le droit à un panier bio gratuit tout le long de leur grossesse ».
Autre idée, celle de garantir l’autonomie des agriculteurs et agricultrices. Julie Van Damme rappelle un point essentiel : « L’autonomie en agriculture est synonyme de liberté, pas d’autarcie. Elle devrait être notre leitmotiv ». Parce qu’elle permet de repenser le territoire, tout comme notre rapport à la consommation. En ce sens, la secrétaire générale évoque la création d’un festival consacré aux actes de consommation du quotidien, qui permet de mieux réfléchir les choses. Le Festi’Valériane s’attaque tant à l’alimentation qu’aux vêtements, aux cosmétiques, au tourisme qu’à l’énergie et au jardinage.
Consommer mieux, au fond, qu’est-ce que cela signifie ? Faut-il nécessairement acheter des produits bio ? Consommer local veut-il dire que l’on remplit son frigo de bonnes choses éthiques ? En Belgique, il existe cinq Organismes de Contrôle (OC) privés qui vérifient la bonne application du cahier des charges bio. Le rôle du SPW et de l'OC est d’interpréter ou de traduire les points de la législation européenne, le cahier des charges, qui ne sont pas assez clairs ou laissés à l’appréciation des États membres. Le SPW remonte également les demandes du secteur pour adapter le règlement à chaque révision. Nous avons la chance d’avoir en Wallonie un service assez garant des valeurs originelles de la bio qui renforce le label européen.

Le besoin d’une telle qualité est né après-guerre quand déjà les épandages de pesticides vont bon train. Différent·es acteurs et actrices de la santé, des nutritionnistes et, bien sûr, quelques agriculteurs et agricultrices concerné·es, s’inquiètent. Plusieurs facteurs les interpellent. Le fait de se mettre à produire des quantités astronomiques, mais aussi l'éloignement du producteur/ de la productrice et du consommateur/de la consommatrice. Avec, en toile de fond, bien sûr, l'impact sur la santé. Naissent alors différentes formes de labellisation : Ecocert pour les produits cosmétiques ; Oeko-Tex pour le textile ; Eurofeuille, le label bio de l’Union européenne apparu en 2010. On peut également citer le très complet Système participatif de garantie (SPG) de Nature et Progrès pour l’alimentation et l’environnement. Celui-ci prend en compte le bien-être animal (conditions de vie, aménagement des espaces extérieurs dans lesquels les animaux sont élevés). L'attention est également portée à la biodiversité, à l’aménagement type haie, mare… tout comme elle l’est au lien avec le consommateur, la consommatrice, au circuit-court, à l’autonomie et à la diversification des circuits de production ou, enfin, à l’énergie et à la façon dont la ferme veille à sa consommation d’eau, pense construction durable.
Sortir au maximum de la grande distribution
Quand on sait tout ça, comment œuvrer au mieux ? Au quotidien, l’idéal consiste bien évidemment à sortir de la grande distribution. Seulement, en tant que parents, ce n’est pas toujours évident. Le bio en supermarché a-t-il un sens ? « À regarder au cas par cas, rétorque Julie Van Damme. Le sans OGM et le sans pesticide n’est qu’une partie du problème. Certaines enseignes proposent du bio très industriel et font des marges scandaleuses qui tuent les producteurs et font peu cas du transport et du bien-être animal, par exemple. Le mieux reste de viser le bio local, tant pour la santé que pour l’environnement. Mais attention, l’un n’est pas l’autre. Le local peut tout à fait être bourré de pesticides, issu de l’élevage intensif, donc n’est pas une solution systématique non plus ». L’exemple à reproduire pour la secrétaire générale ? Des enseignes 100% bio, comme Agricovert à Gembloux, qui apportent une véritable alternative à la grande distribution.
Bien sûr, il n’existe pas que les supermarchés, marchés ou autres coopératives dans la vie. On peut cultiver soi-même son potager. Ou en organiser des collectifs. S’échanger des bons procédés, investir des friches avec l’autorisation de la commune. S’échanger des semences, frapper aux portes des grainothèques. Comme l’explique l’équipe de La pousse qui pousse à Saint-Gilles (Bruxelles), une pépinière durable, entourée d’immeubles au cœur de la ville. « Il y a une dimension pédagogique, sociale, collective, on prend soin de la terre et de ce qui pousse, donc on prend soin des autres ».
Et pourquoi pas l’auto-cueillette, où l’on va chercher ce dont on a besoin, quand on en a besoin. Attention, toutefois, quand cela concerne le maraîchage bio, génial. À éviter, le glanage dans les champs industriels, remplis de produits chimiques. Y plonger un public jeune et vulnérable n’est pas recommandable.
Tout est foutu ?
L’ensemble des personnes interrogées pour ce dossier explique que se responsabiliser, agir en « consomm-acteur, consomm-actrice », est une étape importante pour ne pas tomber dans les nombreux pièges de l’agriculture intensive et de la transformation à outrance. Toutes et tous le disent : il est essentiel d’apprendre comment fonctionne la nature.
« Avant de parler d’agriculture, il semble impératif de comprendre comment elle agit. Avant de parler de médicament, on essaie de comprendre comment le corps fonctionne », souligne Hélène Grosbois. Elle invite à s’intéresser aux travaux du passionnant biologiste Pierre-Henri Gouyon, véritable agronome évolutionniste. Comprendre la nature, s’en inspirer aussi. Au Ligueur, nous sommes quelques-un·es à dévorer les écrits et conférences d’Olivier Hamant qui permet de ne jamais perdre espoir. Julie Van Damme invite les parents à s’intéresser et à rejoindre tout ce qui se fait sur le terrain.
« Les deux problèmes majeurs dans notre agriculture sont la pomme de terre et la betterave. Alors, on développe une idée géniale chez Nature et Progrès qui consiste à planter des plantes mellifères et faire du sucre avec. Les fleurs sont combinées aux ruches. On peut même en récupérer les graines, en faire des semences ou de l’huile et nourrir les bêtes avec les fanes. On essaie de multiplier ça partout, dans les écoles, sur les balcons… peu importe ». L’opération Plan-Bee est une parmi d’autres qui démontre à quel point il est possible de le faire, dans la joie de la collectivité.
C’est comme ça que les choses vont changer. En se recentrant sur l’humain. Nous devons réfléchir et inventer pour les générations futures. Transmettre à nos enfants le goût des bonnes choses. Leur expliquer comment on les fait. Comment on les expérimente. Ensemble, concoctez des potions magiques. Partez à la chasse au bon produit et régalez-vous. Et quoi qu’il en soit, à chaque fois, n’oubliez jamais l’ingrédient le plus important : la curiosité.
À SAVOIR
Bio, mais cher ?
Intéressant, biowallonie.be met à disposition un guide autour de l’appellation bio. La brochure Démystifier le bio propose un tour des grandes questions, dont celle qui préoccupe le plus les parents : le coût. Non, un produit bio n’est pas systématiquement plus cher qu’un produit sans label. Julie Van Damme nous donne un exemple très concret. Celui de son mari, producteur, qui propose des fromages et de la viande moins chers, plus respectueux de l’environnement que ce que l’on trouve en supermarché. Ecoconso.be rappelle que si les produits bio sont en moyenne 20 à 33% plus chers que les autres, il est pourtant tout à fait possible de manger bio à prix raisonnable. L’asbl propose huit astuces pour manger bio et moins cher.
ZOOM
On se sert à la ceinture alimentaire
Un territoire autonome et une relocalisation de l’alimentation, voilà à quoi œuvrent les ceintures alimentaires. Ces associations ont comme objectif de mettre en réseau un maximum d’acteurs et d’actrices du secteur alimentaire. De l’agriculteur, de l’agricultrice au consommateur, à la consommatrice, afin de promouvoir et stimuler les circuits courts. Voilà de quoi soutenir les initiatives alimentaires locales, accompagner les agriculteurs et agricultrices dans les transitions de leur exploitation, sensibiliser et informer par rapport aux initiatives présentes. Il en existe à Liège, à Charleroi, à Tournai et à Namur. Chacune son style, mais toutes ont en commun de renforcer la dimension locale du territoire en termes de production, de transformation des aliments et de distribution dans des points de vente afin de valoriser les produits locaux. Vous l’aurez compris, le changement passe indubitablement par là !
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