Vie pratique

On la redoute toujours un peu cette phrase. Vite, tel le marteau brise-glace pour déclencher l’alarme, dégainez votre Ligueur pour y piocher quelques inspirations. Et transformer cet ennui passager en trépidantes aventures. Pour cela, la rédaction tout entière est sur le pont.
On le sait, c’est bien que l’enfant s’ennuie. Que son imaginaire vagabonde. Qu’il rêve, laisse de la place à de nouvelles pensées, crée, explore… Qu’il se développe, qu’il apprenne à mieux se connaitre. Toujours est-il que l’occuper - sans écran - le pousser à sortir, à explorer et à s’amuser dans la créativité, c’est pas mal aussi. Facile à dire ? L’équipage du Ligueur partage ses usages.
Michel Torrekens
Récup’ et autosuffisance
« Il y a peu, je me suis retrouvé seul avec mes petites-filles de 2 et 3 ans. Chez nous, elles ont à leur disposition un bac de petits pois secs, concassés, de 20x30 cm qui fait office de bac à sable. On y met des petits pots, des figurines, des décos, des petits couverts… Elles jouent avec pendant des heures. Partie dans un autre jeu, ma cadette se met à jouer avec des bouts de tissu. Elle les dispose partout dans le salon et multiplie les zones, qui délimitent des espaces. Peut-être des chambres, je ne sais pas trop. Toujours est-il qu’à un moment donné, je comprends qu’on est dans une crèche et que j’en suis la directrice. J’ai trouvé ça vraiment génial de les voir s’autosuffire comme ça dans le jeu. À tel point que j’ai même envoyé une photo à leur maman, ma fille, pour lui dire : ‘Eh bien, voilà, je n’ai plus rien à faire’.
En effet, je les observais avec un plaisir non dissimulé. Parce qu’il n’y a rien de plus drôle que les voir reproduire des scènes de vie quotidiennes. Tant les bouts de tissu que les petits pois, ce qui fonctionne, c’est la simplicité du jeu. Il n’y a aucune attention au préalable de ma part. Avec mon épouse, on laisse ces éléments à disposition, sans leur dire : ‘Tiens, joue avec ça’. Laisser traîner et l’imagination faire le reste. Le rangement ? C’est souvent les parents qui les y exhortent quand ils viennent les récupérer. Pour les petits pois éparpillés en dehors, au départ, je m’amusais à les ramasser. Maintenant, j’aspire. »

Valentine de Muylder
Sérendipité végétale
« De bêtises peuvent naître de grandes sources d’inspiration. Une après-midi avec pas mal d’agitation, mes enfants de 4 et 7 ans jouent avec le store du salon, le font tomber et entraînent dans la chute une malheureuse plante verte, dont une partie se casse. L’occasion – par sérendipité – de montrer comment on répare ce genre de bêtises. J’explique le principe de bouture, je sens que ça prend. Ils accrochent. Comment et pourquoi on multiplie. Où on coupe. Comment on met dans l’eau. On fait le tour des plantes dans la maison. Le papyrus, l’epipremnum… chacun se multiplie à sa façon. Puis on passe à la mise en terre. Mais, d’abord, on va aller chercher des billes d’argile dans le jardin. Cette riche expérience botanique d’intérieur peut se faire à n’importe quelle saison. C’est plus lent l’hiver, synonyme de repos pour de nombreuses plantes. Pour la petite anecdote, j’ai appris par mes enfants en faisant tout cela que ma belle-mère lorgnait sur cette malheureuse plante. L’opportunité, en plus d’occuper les enfants, d’offrir des cadeaux maison, en multipliant ce qu’on a sous la main. Plantes aromatiques ou bouture chez des copains-copines ou de la famille ». Des cadeaux cultivés avec amour, en un mot.
► À lire : « Jardiner avec les enfants », aux éditions Solar

Romain Brindeau
Intérieur et extérieur
« Une inspiration née de ce que les enfants détestent le plus : le rangement. Celui des jouets et des jeux. Chez nous, tout loge dans les fameuses étagères d’une célèbre marque suédoise. Il y a donc ceux qu’on voit… et ceux qu’on oublie. On met de côté nos classiques et nos préférés, puis, on s’intéresse à tous ceux qu’on a délaissés. On rejoue avec et on trie. On redécouvre des pépites. Comme un bête Puissance 4 auquel on n’a pas joué depuis des années. Ceux qui ne plaisent définitivement pas, on les bazarde. Pour cela, je rappelle qu’on explique comment dans notre article : Profiter des vacances pour bien… jouer. »
Après l’intérieur, l’extérieur. Notre homme partage sa méthode pour aérer la meute. « Difficile de faire marcher mes enfants. Alors j’ai trouvé un truc : dessiner le trajet au stylo, sur une vraie carte. On met des points de passage obligatoires : la maison du gardien du parc, le glacier, la plaine de jeux… On déambule avec la carte et ce sont les mioches qui dirigent les opérations. Une bonne manière d’explorer ce qui nous entoure ». Précisons que ça marche - c’est le cas de le dire - sur un nouveau territoire à explorer. Une façon de jouer les Indiana Jones du quotidien.

Thierry Dupièreux
Safari photo familial
« Testé lors de réunions familiales avec des neveux et nièces de 7-8 ans, le reportage photo… maison. Mieux vaut utiliser autre chose qu’un smartphone. Si possible, un appareil photo qui sort les enfants du quotidien. Puis, on part à la redécouverte des environs. On peut faire une galerie des doudous, élaborer des portraits pendant un repas de famille. Tout ça vu par un enfant, c’est autre chose. Le cadrage, la mimique, le regard… tout diffère. La dynamique des images est hyper fraîche. Même constat avec les grimaces. Un adulte qui en fait sur une photo, ça a une autre saveur quand c’est un enfant qui mitraille. Une fois que tout ça est fait, on peut bien sûr partager les photos sur le réseau numérique familial. Mais on peut aussi les imprimer. Mettre les images dans une boîte personnalisée, customisée par les enfants, destinée à nonna, à papy… et l’offrir au réveillon suivant. Ça fait de super souvenirs ». Bel objectif, si vous permettez l’expression.

Martine Gayda
La chouette concentration
« Je puise régulièrement dans l’excellent livre de Geneviève Casterman dont j’ai déjà parlé ici, 100(0) moments de dessin aux Éditions Esperluète. Soit une succession de dix listes avec cent propositions chacune. Par exemple, dessiner avec la main avec laquelle on n’écrit pas ou avec des lunettes qui font voir flou… ‘Quoi ?’, ‘Comment ?’, ‘Où ?’… on croise le ‘Où ?’ avec le ‘Quoi ?’, par exemple. Ça donne plein d’idées. J’ai toujours un Bic et des feuilles sur moi. Je fais avec et je m’amuse autant que les enfants. Ça ne me demande pas d’effort, souvent je délaisse le monde adulte pour me mettre à leur niveau. Même en hiver, armées de gros manteaux, avec la filleule d’une proche et sa copine, on prend des feuilles épaisses, des crayons. Direction le parc. On s’assied sur un banc et on dessine ce qu’on voit. Chacune à sa manière, comme au temps des impressionnistes ! Ça suscite quelque chose de très chouette. Un moment de concentration, chacune sur son dessin. On est ensemble. C’est ça… c’est un moment de chouette concentration ». Et pourquoi pas les faire participer au défi dessiné de la page 39 ?

Clémentine Rasquin
Créer des temps de rien
« Chez nous, le ‘On disait que…’, c’est du sérieux. Depuis la transition crèche-école, ça ne s’est jamais arrêté. Autour de ses 3 ans, ma cadette s’est réapproprié les rites du quotidien sous forme de jeu. J’étais la madame de la crèche. Elle était la maman, elle me laissait son bébé, un, puis deux, puis trois… Notre rôle à nous, parents, là-dedans, c’est la complicité. On ne dicte pas le tempo. On les laisse se réapproprier les codes qu’ils digèrent et rejouent par des situations imaginaires. Les réinterprétations se font au fur et à mesure de leur âge. Après une fancy fair, par exemple, avec son grand frère, il et elle vont reproduire des stands à la maison, monter des jeux, faire payer, dessiner un parcours… Ils rejouent les scènes marquantes du quotidien. Autre exemple, ma fille est la coiffeuse, je suis la cliente. Je me fais coiffer. Je ressors de là avec des chichis, des nœuds, des choses impensables. Je trouve ça très agréable. Je me transforme en véritable poupée géante. Ce sont des moments tendres.
Ce que je trouve important là-dedans, c’est de laisser la possibilité à ces temps de rien. Laisser le cerveau en roue libre, voir ce qu’il en ressort. C’est dans un de ces interstices que mon fils a eu l’idée de créer des Puissance 4 dessinés, réinventés à sa sauce. Ça change toute la dynamique de jeu. Dans ces moments d’invention, il y a une ambiance spéciale. Quelque chose d’apaisé se produit. Peut-être aussi qu’ils naissent de notre disponibilité. On ne court pas. On ne fait pas le ménage… On est simplement présent, prompt à intégrer leur univers ». En voilà, une belle activité : rentrer dans leur monde.

Yves-Marie Vilain-Lepage
Rires interdits
« Inconditionel·les de l’émission Lol qui rit sort, qu’on a vue, revue et re-revue avec compagne, mes clownettes de 7 et 14 ans et les copains-copines. On y joue tout le temps. À table. En se promenant. À chaque temps mort. Le principe ? On rit une fois, carton jaune. Deux fois, carton rouge, c’est perdu. La personne éliminée a le droit de continuer à faire rire. Chez nous, tous les coups sont permis pour parvenir à provoquer l’esclaffade chez l’autre. Même des choses peu avouables, non homologuées par le Code de bonne conduite intrafamilial. Chaque rire déclenché est une victoire. Surtout ceux de mes filles. Ils se stockent pour toujours dans mon cœur de père. »

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