Crèche et école

Cette année, l’étude « gratuité » de la Ligue des familles s’intéresse aux familles qui éprouvent des difficultés à payer les frais scolaires. Pour certaines familles, l’école est un vrai fardeau financier.
« Chaque mois, je paye en priorité le loyer et les charges. Et ensuite les frais d’école. En fonction de ce qu’il reste sur le compte, je remplis le frigo. Et si, par chance, il y a du rab, c’est la fête et on peut imaginer une sortie », témoigne une maman solo de trois enfants. Pour certaines familles, le montant des coûts scolaires détermine le contenu de leur frigo. Voilà un des constats forts de l’enquête 2021 de la Ligue des familles.
► Le choix de l’école est stratégique
En théorie, chaque famille est libre de choisir son école. En pratique, le choix d’une école est parfois stratégique selon sa politique de coûts scolaires ou le réseau auquel elle appartient. Du côté de Forest (Bruxelles), toutes les écoles communales distribueront à leurs élèves de maternelle et primaire un « kit de rentrée ». Très complet, le kit fournit, par exemple, à un élève de 5e primaire un plumier garni, un cahier, une calculette, un compas, un gilet fluo. De quoi motiver certaines familles à fréquenter une école communale plutôt que celle du réseau libre.
► Les familles tiennent grâce à un système de solidarité
« Ce n’est pas parce qu’une école voit le parent payer que celui-ci n’est pas en difficulté, alerte Maxime Michiels, chargé d’études à la Ligue des familles. Ces frais scolaires représentent notamment une source de stress et une charge mentale lourde qui revient principalement aux mamans. »
Pour les familles qui ont un budget serré, les coûts de matériel scolaire, de garderie, de sorties ou séjours représentent un montant important. Pourtant, ces familles tiennent et payent leurs factures. Mais si elles y parviennent, c’est grâce au système de solidarité qui gravite autour d’elles. Que ce soit une aide financière directe de la part des grands-parents, de proches ou du CPAS. Ces petits coups de pouce maintiennent le portefeuille de ces familles hors de l’eau.
Sur quelle solidarité le parent peut-il compter de la part de l’école ? En cas de difficulté, le parent est censé pouvoir faire appel à l’établissement scolaire. Ce qui se fait souvent, c’est l’étalement des factures pour ventiler les frais. Marie, maman d’une élève en 6e primaire, témoigne de sa stratégie : « Depuis un an, je paye un montant mensuel fixe à l’école pour anticiper la dépense de la classe de neige qui revient à 500 € ».
Et le fonds de solidarité de l’école ? « Même ceux qui sont dans de grosses difficultés financières ne le sollicitent pas », constate Maxime Michiels. Les parents ont honte d’y recourir, de « mendier » une aide comme ils disent. Ils préfèrent miser sur la solidarité familiale pour ne pas trop exposer leur situation à l’école.
Les parents interrogés dans l’étude réclament à l’unanimité la gratuité pour tous. « Quand c’est gratuit pour tout le monde, il n’y a plus de discrimination, explique une maman. Ce qui m’aiderait, c’est que mes enfants puissent avoir accès à une éducation sans que je me saigne ou ne doive ravaler ma fierté pour mendier une aide ».
► L’élève encore trop souvent facteur et messager
« Quand vous êtes le porteur et le messager de l’aisance de vos parents, tout va bien. Mais quand vous êtes le porteur et le messager de la dette de vos parents, que vous devez dire à l’école : ‘Désolé, papa ou maman n’a pas pu payer’, ça engendre une pollution pédagogique importante », rappelle depuis plus de dix ans Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant.
Pourtant, sur les sept familles interrogées dans l’étude, une seule reçoit les factures sans l’intermédiaire de l’enfant. Une réalité qui fait bondir Bernard De Vos. « La plus urgente des priorités, c’est de ne plus mêler les enfants aux questions financières, c’est déjà assez compliqué comme ça ».
L’enfant ne peut plus jouer les transporteurs de fonds. C’est prévu dans la loi : « Les élèves mineurs ne peuvent pas être impliqués dans le processus de paiement des frais scolaires ». C’est à l’école de déterminer un mode de paiement qui ne transite pas par l’élève.
Quand l’enfant joue le rôle du facteur, cela peut aussi engendrer des tensions avec ses parents. Certains enfants mettent en place des stratégies comme cette petite fille qui décide de cacher le courrier annonçant la classe verte. Dans sa tête, c’est clair : si ses parents ne savent pas qu’il y a une classe verte, ils ne devront pas payer et donc pas de tension à la maison.
D’autres préfèrent en parler directement pour évacuer au plus vite le sujet qui fâche. « Les entretiens avec les enfants montrent que certains sont vraiment parentifiés. Ils cherchent à protéger leurs parents des contraintes financières et en viennent à jouer un rôle qui ne devrait pas être le leur », analyse Maxime Michiels.