Développement de l'enfant

En créant, les enfants expriment d’autres facettes de leur personnalité. Ils ont l’imagination pour nous interloquer, mais aussi l’audace et le franc-parler pour nous questionner dans notre rapport à l’art. Nous avons rencontré une petite classe d’élèves de 6 à 8 ans en pleine activité de pastels.
Mercredi après-midi, à la mi-janvier, c’est à vélo que nous rejoignons l’académie des Arts de Woluwe-Saint-Pierre. Le froid nous pique le nez et la brume hivernale nous rappelle qu’il est temps que nous rechargions les phares de notre bécane.
Au numéro 30 de l’avenue Charles Thielemans, Yves nous attend devant l’entrée du bâtiment, le sourire jusqu’aux oreilles. Professeur de peinture depuis vingt-cinq ans, il enseigne par ailleurs, depuis deux ans, le « cours préparatoire des enfants » de 6 à 8 ans. « Au final, j’ai des classes de tous les âges, nous dit-il, de 6 à 85 ans ».
Nous attendons les enfants dehors puisqu’en ces temps de crise sanitaire, les parents ne peuvent plus entrer dans les écoles. Le petit Jack, 7 ans, est l’un des premiers à arriver. D’emblée, sa maman s’adresse à Yves. « Mon fils progresse énormément, il n’arrête pas de dessiner. Nous sommes allés voir l’exposition de Gustave Klimt ce week-end. Il a redessiné la plupart des œuvres qu’il a vues ». « La peinture la plus difficile, c’était Le baiser », réagit Jack.
La petite dizaine d’élèves monte en classe. Yves commence par nous présenter : « Nous accueillons ici Alix, une journaliste du Ligueur, qui écrit un article sur notre atelier ». Valentin, 8 ans et demi, embraie : « Toi, journaliste ? Tu mens ! Je ne t’ai jamais vue à la télé ».
« J’aime dessiner des hamburgers, des frites… »
Le « cours préparatoire des enfants » a pour objectif d’initier ces derniers à développer leurs compétences créatives à travers diverses disciplines et sous forme de jeux. Ils découvrent ainsi les techniques de production, les couleurs, testent différents supports, etc. Yves les invite aussi parfois à appréhender l’art par des moyens détournés. Par exemple, il leur a déjà fait dessiner des terrains de sport pour leur enseigner indirectement l’abstraction.
« Aujourd’hui, vous allez pastelliser une partie d’un visage, la découper, puis la coller sur votre propre figure avant d’être pris en photo, propose Yves. Cela peut être des yeux, des oreilles, une moustache, etc. »
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Pendant que les enfants s’appliquent, nous les interrogeons sur leurs motivations pour le dessin. Valentin, le petit farceur, commence : « J’adore depuis toujours. Quand j’étais petit, il y avait une grosse tache sur ma feuille, je l’ai montrée à ma maman. Dans mon imagination, c’était un singe ». En face de lui, Blendi, 8 ans et demi, s’est inscrit au cours pour esquisser tous les aliments qu’on peut trouver chez McDonald’s, « comme des hamburgers, des frites, etc. ». Le concept est, sans aucun doute, original. Ne pourrait-il pas carrément séduire le monde de l’art contemporain ? Nous aurions tendance à dire que oui, si Blendi défend bien son œuvre… Il y a eu des précédents… Enfin, Lujza, 8 ans, souhaite s’améliorer. « Avant je faisais des scraboutchatcha. Maintenant, je dessine mieux ».
« Parfois, le musée m’aide pour le dessin parce que j’ai pas d’idées et j’en cherche »
Pour Yves, la création est complémentaire de l’observation. Le dessin, par son approche pratique, aide l’enfant à mieux comprendre ce qu’il voit et à davantage apprécier les musées. Léa les aime, à condition qu’ils exposent de la peinture.
« Les tableaux racontent plein de trucs. J’ai été voir Gustave Klimt et j’ai adoré celui de La vie et la mort. On voyait un grand squelette à côté de personnages qui sont tombés les uns sur les autres ». Valentin renchérit : « La peinture, c’est top ! Pour les nouveaux personnages, les artistes… Je m’amuse ! ».
De leur côté, Blendi et Éric prennent plus de plaisir avec la sculpture. Éric, 9 ans et demi, aime la matière et les briques. « Parfois, le musée m’aide pour le dessin parce que j’ai pas d’idées et j’en cherche ». Le cœur de Blendi penche pour la sculpture, car « je peux tout faire avec ! ». Enfin, Jack s’intéresse à tous les types de musées « quand il y a des lunettes 3D ».
« Moi, le guide, j’aime pas. J’ai des yeux, une bouche… ça ne sert à rien, un guide »
Quant aux guides dans les musées, ils n’amusent visiblement pas toujours la galerie d’enfants, et en particulier Blendi et Éric. « Moi, je ne les aime pas quand ils expliquent lentement ‘Çaaaaa, c’est un miroooooiiiir’ », scénarise Blendi, debout et les bras tendus. Éric embraie : « Les guides, j’aime pas. Pourquoi ? J’ai des yeux, j’ai une bouche, ça ne sert à rien, un guide ». Cette parole surprend, surtout venant de la bouche d’un enfant. Pourtant, elle n’étonne pas tellement l’enseignant : « Quand tu as un esprit créatif, tu abordes les choses autrement ».
Une fois que tous les portraits des enfants masqués sont photographiés, l’atelier touche à sa fin. Sur le point de partir, nous saluons la bande de marmots. « Attends, avant que tu ne partes, je vais te montrer ce que je peux faire : cinquante dessins en dix minutes », lance Valentin. Tout affairé, il arrache les feuilles de son carnet, les pastellise en variant les couleurs et réussit son défi. Nous le félicitons : « Bravo ! Mais est-ce qu’on peut appeler ces craboutchas des dessins ? ». « Ben quoi, un craboutcha, c’est de l’Art ! », rétorque-t-il. Décidément, ces enfants alimentent merveilleusement bien la controverse artistique.
EN PRATIQUE
Les académies artistiques, une offre unique en Fédération Wallonie-Bruxelles
Malheureusement très peu connues, les académies secondaires artistiques à horaire réduit en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) offrent pourtant des services d’enseignement de qualité pour les enfants et les adultes. Certaines proposent des cours d’arts plastiques, visuels et de l’espace. D’autres, des cours de musique, d’arts de la parole et du théâtre ou de danse. Elles appartiennent à l’enseignement officiel et fournissent ainsi, à la fin d’un parcours, des diplômes reconnus par la Communauté française.
Leurs tarifs sont extrêmement intéressants. Ils varient selon les académies mais, sont globalement dans ces eaux-ci :
- Pour les ateliers des enfants de 6 à 12 ans, c’est gratuit pour trois heures de cours par semaine.
- Pour les ateliers disciplinaires des adolescents de 12 à 17 ans, 76€ pour trois heures par semaine.
- Pour les disciplines adultes (en arts plastiques, il y a par exemple des cours de dessin, de peinture, de sculpture, de photographie, de création textile, de bijouterie, d’histoire de l’Art et d’analyse esthétique, etc.), la cotisation annuelle est d’environ 200€ pour une dizaine d’heures par semaine.
Infos : enseignement.be
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