Loisirs et culture

Les musées, barbants ? Ça, c’était avant

Près de la moitié des visiteurs/visiteuses des musées de sciences et techniques sont des familles avec enfants

Voix nasillarde et costume gris devant un tableau dans lequel on pourrait mettre la classe entière. « Voici l’œuvre de Pierre-Paul Rubens, né en 1577 à Siegen en Allemagne et mort le 30 mai 1640 à Anvers. Le peintre brabançon de l’école baroque flamande… ». « Zzzz… ». Les souvenirs que nous avons de certaines visites de musées peuvent être, comment dire, soporifiques ? Résultat : en tant que parents, ce n’est pas la première sortie à laquelle on pense pour s’éclater en famille. À tort.

« La mission assez nouvelle que les musées se donnent, c’est d’être dans l’inclusion, explique Marie-Émilie Ricker, responsable de l’agrégation en histoire de l’art à l’UCLouvain. Quand ils ont été conçus, il y a un bon siècle, les musées ont rassemblé des collections qui appartenaient à des aristocrates et qui sont devenues publiques. Mais elles touchaient principalement des initiés à l’époque. L’évolution a été de s’adresser à d’autres publics et maintenant, de les inclure. »
Une évolution vécue par Virginie et Jean-Louis, les parents de Hugo, 5 ans, Lisa, 9 ans, et Naël, 11 ans. « Les musées se sont améliorés, un vrai truc de fou, confirme la maman. La crise sanitaire a accéléré ce mouvement. Les équipes se sont décarcassées pour mettre en place des jeux, des chasses au trésor, etc. ».

Jouez maintenant !

Exemple au Musée du Carnaval et du Masque à Binche. « Nous y sommes allés avec ma fille, Lisa, à la Toussaint. Ils avaient mis en place un Cluedo. Nous avions une petite valisette avec la liste des suspects et les autres accessoires nécessaires à notre enquête. Nous sommes partis dans le musée à la recherche des masques, des meurtriers et des pièces où s’est déroulé le crime. Ma fille a adoré. Elle m’a dit que c’était le musée qu’elle avait préféré. Le Cluedo l’a incitée à voir des détails auxquels elle n’aurait peut-être pas prêté attention. Il y avait ce petit quelque chose qui lui donnait envie d’aller plus loin ».

Près de la moitié des visiteurs/visiteuses des musées de sciences et techniques sont des familles avec enfants

Côté parents aussi, l’expérience est positive. Adieu les visites ennuyeuses de notre propre enfance. « Je découvre les musées d’une autre manière grâce aux jeux, réagit Virginie. Ça nous apprend des choses, des petites anecdotes. Ils se sont super bien améliorés, quand ils font des nuits au musée par exemple, c’est super ».
Ces outils, souvent développés dans les musées de sciences naturelles (qui s’y prêtent peut-être davantage), attirent ainsi plus de publics familiaux. C’est en tout cas ce qui ressort des chiffres en France, transposables chez nous. En 2015, 48,1% du public des musées de sciences et techniques étaient des familles avec enfants. Alors que les musées des beaux-arts ou d’architecture et arts décoratifs ne comptaient que 6,9 et 6,4% de familles. Moins populaires, donc.

Ne dites plus guide, dites médiation

C’est tout l’enjeu des musées d’art : trouver des moyens, des intermédiaires pour rendre le contenu ludique, accessible tant aux enfants qu’aux parents en leur permettant d’être actifs lors de la visite. C’est ce qu’on appelle la médiation. « Traditionnellement, on parle de ‘guide’ dans un musée. Il transmet des savoirs scientifiques, rappelle la professeure de l’UCLouvain. Avec la médiation muséale, on est davantage dans une optique de lien. Le médiateur met le spectateur en relation avec l’œuvre. Le guide n’est plus la personne centrale, mais le spectateur qui découvre l’œuvre en fonction de ses particularités à lui. Le médiateur est un intermédiaire et non plus uniquement un diffuseur de savoirs. Cette tierce personne ne vous prescrit pas ce que vous devez penser, mais met en relation les gens et fait tomber les barrières ».
Certaines animations sont poussées à l’extrême à travers des expériences immersives très en vogue depuis quelques années où le spectateur ou la spectatrice est littéralement plongéꞏe dans les œuvres d’un peintre comme Vincent Van Gogh grâce à des techniques de projections sur les murs. C’est une première façon de s’approcher d’une œuvre, mais qui ne suffit pas pour beaucoup d’observateurs et d’observatrices passionnéꞏes d’art ou non. Pour comprendre les sources de l’expressionisme, rien de tel que de se retrouver devant La Nuit étoilée, s’en approcher, s’en distancier et entrer activement dans l’œuvre pour voir comment des milliers de traits peuvent former un mouvement.

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« S’il n’y avait que les animations, ça ne suffirait pas aux enfants, confirme Virginie, la maman de Naël, Lisa et Hugo. Ils ont besoin de voir l’œuvre dans le réel ». La petite famille s’est rendue au Musée de Mariemont à l’occasion de l’exposition éphémère Le mystère Mithra.
« Nous avons reçu un livre de jeux en lien avec l’expo. Il incite à aller voir les différentes pièces et s’imaginer l’époque de ce lieu. Par exemple, dans une grande peinture de Picasso, nous devions trouver le soleil et puis il y avait une petite explication. Ça incite les enfants à chercher et même si on n’a pas trouvé, ils se sont quand même arrêtés et ont vu d’autres choses. Un monsieur tout nu qui a bien fait rire mon fils de 5 ans, par exemple. Au final, on a été plus loin que le jeu qui peut vite lasser les petits comme lui. »
Pour la maman, le mieux, c’est d’avoir un peu des deux pour que l’enfant soit à la fois « guidé » par une animation et conserve la possibilité de laisser son esprit vagabonder devant certaines œuvres.

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ILS ET ELLES EN PARLENT...

L'art d'observer
« Pour nos expositions, nous créons un livret de visite pour les familles, gratuit. Salle après salle, elles ont des activités de découvertes. Par exemple, actuellement, nous proposons une exposition sur l’opéra au Musée d’archéologie de Namur. On y parle notamment de l’exotisme et de Madame Butterfly de Giacomo Puccini. Pour comprendre le concept d’œuvre orientalisante, on demande aux enfants de chercher dans la pièce tout ce qui leur fait penser à Aladin. Ils doivent trouver eux-mêmes les œuvres d’art et les observer. »
Fabrice Giot, Pôle muséal les Bateliers à Namur

Le musée à la maison
« Notre musée étant fermé pour l’instant, nous proposons un ‘musée comme chez soi’ à Ixelles. Ce sont dix voisins à qui on propose d’accueillir une œuvre d’art. L’initiative leur permet d’avoir un tout autre rapport à l’art, car ce sont eux qui parlent de l’œuvre. Ils deviennent un peu des médiateurs et expliquent pourquoi ils ont fait tel ou tel choix. Ils vont souvent organiser une petite mise en scène. Par exemple, certains enfants ont proposé des jeux pour mieux comprendre un tableau. Je pense qu’il faut les laisser d’abord parler, voir ce dont eux ont envie, leur poser des questions simples et ouvertes et généralement, on est surpris de ce qui en ressort. On n’est plus dans des discours où on essaie que les enfants ressortent en connaissant la biographie de l’artiste. Le mieux, c’est qu’ils aient vécu une expérience émotionnelle, c’est ça qui va les séduire. Il faut laisser le temps au plaisir. Que le plaisir soit là avant de mettre les connaissances en pratique. »
Stéphanie Masuy, Musée d’Ixelles

Explorer
« Quand les familles arrivent au Musée royal de Mariemont, quel que soit le moment de l’année, elles reçoivent un petit document qui reprend un parcours dans les salles d’exposition permanente ainsi qu’une visite du parc. En ce qui concerne les expositions temporaires, nous proposons un nouveau type de document : le ‘journal d’exploration’. Il s’agit d’une sorte de petit magazine qui permet de faire des activités dans l’expo : aller rechercher des infos sur les objets, regarder, dessiner, etc. Il propose aussi des prolongations et activités à la maison pour continuer à faire vivre l’expérience. Pour le moment, un dictionnaire d’exploration permet d’arpenter l’exposition Le mystère Mithra en famille par exemple. »
Marie-Aude Laoureux, Musée royal de Mariemont (Hainaut)