Crèche et école

Dans le cartable de Monsieur Christophe

Le Ligueur a profité de l’été pour pousser une petite pointe jusqu’à Bastogne. Nous y avons rencontré Christophe Gillet, instituteur et auteur, dans son école du centre-ville, où il cultive sa créativité pédagogique.

Rue des Remparts, à quelques mètres de la place avec son char américain. C’est l’été, période de vacances, le silence qui règne ce matin-là à l’Institut Notre-Dame impressionne d’autant plus que l’établissement est de taille impressionnante. On tourne d’ailleurs dans plusieurs cours de récréation avant d’apercevoir Christophe Gillet, 43 ans, au milieu de cette vaste esplanade.
Instituteur primaire depuis plus de vingt ans, dont sept à Bruxelles dans une école à discrimination positive, il est revenu dans l’école où… il a accompli toute sa scolarité. Une époque où il avait déjà la vocation puisque « gamin, je jouais à l’instituteur avec mes peluches, j’écrivais à la craie sur la garde-robe, je proposais des dictées à mes cousins qui s’enfuyaient… », sourit-il.

« Mes parents ont du talent »

Pourtant, il a vite douté de sa vocation : « J’étais un élève en difficultés scolaires. Les devoirs étaient source d’énervement. Tout me paraissait flou et abstrait. Je me croyais nul pour enseigner. Heureusement, en secondaire, j’ai rencontré des enseignant·es qui m’ont mis en confiance, ce qui est un élément fondamental dans notre métier. Transmettre est un art qui repose sur des dispositifs créatifs et sur des relations positives ».
Cet axe de la relation, Christophe Gilet le cultive également avec les parents. « Longtemps, l’école a été fermée aux parents. Chacun la vivait dans son coin. » Le monde a changé et l’instituteur ouvre sa classe de diverses manières : une réunion de parents collective en début d’année pour tenter de créer une communauté à travers des jeux de présentation, des speed dating, des séances de jeux de société, etc. Une peluche, le singe James, sert d’objet transitionnel entre l’école et la famille. « Cela permet de faire rentrer un peu de maison dans la classe et un peu de la classe dans la maison. Cette mascotte a un succès dingue. Les enfants l’humanisent énormément ».
Autre expérience particulièrement originale : l’invitation faite aux parents de ses élèves sous l’intitulé « Mes parents ont du talent » de venir parler d’une passion, d’un savoir-faire. « Nous avons reçu un papa collectionneur de Lego qui en a amené des kilos. Nous avons été invités dans un restaurant par un papa cuistot », se souvient Christophe Gillet.

Du renforcement positif

Celui-ci insiste beaucoup sur une communication de confiance, par exemple via le journal de classe. « Outre les remarques habituelles, je l’utilise pour des informations positives sur l’élève, son comportement ou son évolution. Les parents y sont très sensibles parce qu’on les contacte trop souvent pour parler de ce qui ne va pas. J’essaie d’appliquer du renforcement positif avec mes élèves. C’est tellement simple, gratuit et gratifiant que c’est devenu une façon de vivre mon métier. Bien sûr, c’est parfois plus compliqué, des enfants doivent être réorientés, pour lesquels il faut trouver des aménagements raisonnables. À une époque, on a bénéficié de moyens humains supplémentaires pour les élèves en difficultés. D’autres enseignant·es venaient en renfort en classe, mais ces aides ont été remplacées par des pôles régionaux formés d’expertꞏes qui ont à leur charge plusieurs implantations. Et avec 22 enfants face à soi, il y a le plus souvent une limite humaine pour suivre des enfants qui traversent une situation compliquée ».

« Les parents sont très sensibles aux informations positives parce qu’on les contacte trop souvent pour parler de ce qui ne va pas »

Confronté à l’enfant qui a du mal face à l’expérience du non ou à celui qui n’arrive pas à s’épanouir dans l’effort, Christophe Gillet a constaté une tendance forte au fil de ses années d’enseignement, « celle d’enfants surstimulés, avec plein de moyens autour d’eux pour s’épanouir, l’extrascolaire, les sorties familiales, les outils informatiques. Certainꞏes ont accès à tout et le tout-tout de suite est parfois compliqué à gérer. On peut les perdre assez vite sur un engagement sur le long terme si on ne varie pas suffisamment ses dispositifs d’apprentissage ». Raison pour laquelle il se félicite d’avoir un tableau blanc interactif et du matériel diversifié dans sa classe, à côté d’une bibliothèque confiée à la garde du singe James, bien seul en cet été.

Parent/Prof : des rôles complémentaires

Quand le Ligueur se retrouve devant un·e enseignant·e, la question des rôles entre ces professionnel·les et les parents s’impose quasiment. Pour Christophe Gillet, leurs rôles sont complémentaires, mais spécifiques. D’autant que, comme instit, il a les enfants toute la journée et sur deux années de suite, depuis qu’il a des classes de 3e et 4e. Pour éclairer son propos, il choisit un exemple concret : celui des devoirs.
« Il s’agit d’abord de respecter le contrat établi en classe. Pour ma part, je propose à mes élèves des devoirs le vendredi et ils doivent me les rendre le vendredi suivant. C’est à eux de planifier leur travail pour apprendre à gérer leurs tâches, le temps, etc. Certains travaillent surtout en semaine, d’autres le week-end. C’est une manière pour eux d’apprendre à apprendre. J’explique aux parents qu’ils ont un rôle d’accompagnateurs dans cette planification, mais sans forcément prendre l’enfant sur leurs genoux en lui demandant de réaliser le travail consigne par consigne. Le devoir est aussi pour moi un support formatif pour savoir où en est l’enfant dans ses acquisitions. L’objectif est qu’il gagne en autonomie. »
Tout à coup, nous sommes interrompus par la sonnerie d’école, assez surréaliste en pleines vacances d’été...

Le cartable de Monsieur Christophe

Très tôt, Christophe Gillet a ressenti le besoin de partager ses expériences. Avec des enseignantꞏes d’abord, à travers des ouvrages de pédagogie publiés aux éditions Érasme-Plantyn, par exemple un atlas, des cahiers de vacances, des lignes du temps… Des méthodes d’apprentissage également comme Ça s’écoute pour le savoir écouter et Ça cogite, autour des maths.
Avec des parents, ensuite, pour les soutenir dans leurs missions, en proposant des cahiers de vacances comme En route vers la 6e primaire avec les Diables rouges (Kennes édition) ou un livre pour S’entraîner au CEB. « Sachant, tient à préciser Christophe Gillet, qu’il vaut mieux le proposer dans l’année et pas deux semaines avant l’échéance, en plein ramdam médiatique, ce qui génère du stress chez les élèves ».
Et enfin, avec les enfants. Il a commencé à écrire pour des magazines comme Dauphin, Bonjour, Tremplin des éditions Averbode. Dans la foulée, il s’est découvert une nouvelle passion pour la littérature jeunesse. Il a publié l’an dernier un premier album chez ABC Melody, dans la collection Viens voir ma ville où des écoliers nous guident dans différentes capitales du monde. Pas question ici de Bastogne. Le livre, Marcel de Bruxelles, illustré par Jean-Luc Englebert, suit un petit Belge de 8 ans qui présente sa maison, son école, la Grand-Place, l’Atomium, le Palais royal, etc.
La suite des aventures de Marcel, Une journée d’école extraordinaire, sort pour cette rentrée scolaire avec une histoire où Christophe Gillet a repris le principe de ses animations « Mes parents ont du talent » ! Et comme il le dit lui-même, « je biberonne mes élèves au livre jeunesse ». L’an dernier, il a mené un beau projet avec sa classe et l’autrice-illustratrice Maud Roegiers qui a donné lieu à un album, Les couleurs de demain, publié en mars chez Alice éditions ! Scoop : il sortira en janvier prochain un documentaire jeunesse sur la Belgique à paraître chez Auzou.
Tout cela est valorisé sur les réseaux sociaux et en particulier avec un groupe public sur Facebook qui reprend ses initiatives et des tranches de vie de profs, doublé d’un groupe pédagogique privé pour partager des outils, démarches, expériences, suggestions et visité par 30 000 internautes. Son nom : Le cartable de Monsieur Christophe, un cartable qui s’enrichit à chaque rentrée ! « Avec le confinement en 2020, alors que ce groupe était surtout constitué de professionnelꞏles de l’éducation, je me suis aperçu que de plus en plus de parents l’ont rejoint ».

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