Vie pratique

Devenir grand-parent : rêves et réalités

Le passage à la grand-parentalité décrypté

De la même manière qu’on s’imagine une maman comme ci ou un papa comme ça avant de devenir parent, rêve-t-on sa grand-parentalité avant de devenir grand-mère ou grand-père ? Et si on a des images dans la tête, comment se confrontent-elles au réel ? Des « jeunes » grands-parents se racontent.

Diane, Julie, Irène, Paul, Kirkor et Nine* sont grands-parents depuis quelques mois, ou un peu plus. Les vécus sont variés. Marqués par la relation qu’ils et elles ont avec leurs enfants. Par ce que leurs propres parents ont fait ou n’ont pas fait. Par leurs souvenirs d’enfance aussi.

Des petits-enfants au plus tôt

Diane s’est toujours imaginée jeune grand-mère. « Je désirais des enfants tôt pour avoir des petits-enfants tôt. Et passer du temps avec eux ». Maman de trois garçons et d’une fille, elle rêvait d’une petite-fille. Elle avait 54 ans quand son deuxième fils est devenu, à 23 ans, le papa de Lina (7 mois). « Parfois, je dis à mon fils et ma belle-fille que je la volerais bien pour l’avoir rien que pour moi ! », s’amuse-t-elle. Lui faire des câlins, et chanter et danser avec elle.
Diane veille à rester à sa juste place. « Je les questionne tout le temps sur ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire avec Lina. Je ne veux pas qu’ils vivent ce que j’ai subi : les grands-parents de mes enfants ont fait n’importe quoi avec eux ».
En revanche, elle avoue : « Je lui achète des tas de vêtements. Comme si c’était une poupée que je devais habiller. En même temps, les parents n’ont pas beaucoup d’argent. Cela me fait plaisir de les aider ». L’aide qu’elle conçoit n’est pas que financière. « Je veux les soutenir plus que mes parents m’ont soutenue (ils étaient âgés…). Je veux me rendre disponible si la petite est malade, qu’ils aient des moments de relâche ».
Diane s’étonne que son fils ne lui demande jamais des idées ou un avis. « Ça me rend triste. Moi, je posais plein de questions à ma maman ». Cela ne l’empêche pas de prodiguer ses conseils aux parents. « Ils ne les suivent pas forcément. Je me dis alors : ‘Ils font comme ils veulent, c’est leur enfant’. D’un côté, mon fils est encore jeune et je le conseille comme toute mère le ferait avec son enfant. De l’autre, franchement, je trouve qu’il se débrouille super bien avec sa fille. Il faut que je lâche du lest ».

Un petit-fils et la pension simultanément

Julie ne se projetait pas grand-mère. « Ma cadette m’avait déclaré que je ne le serais peut-être pas. Je respectais ce choix. Lors du confinement, mon aînée m’a dit : ‘Un jour, tu seras grand-mère’. Cela m’a touchée. Plus par rapport à sa future maternité que par rapport à moi. J’allais pouvoir faire des liens entre son expérience de maman et la mienne ».
Quand Céline, sa grande, lui a annoncé sa grossesse, il lui a pourtant fallu du temps pour intégrer la nouvelle. La naissance allait coïncider avec sa mise à la pension. « La pension, ça, c’était chamboulant ! Je l’anticipais. Je faisais des projets. Et dans mes projets ‘pension’, je n’avais pas envisagé le poste ‘grand-mère’. J’étais perturbée, reconnaît Julie. Dans le même temps, il y avait quelque chose de réjouissant, de magique : ma fille portait la vie ».
La joie aussi quand elle a appris que c’était un garçon. « Je ne sais pas expliquer pourquoi, mais cela me déchargeait d’une pression : c’était comme si tout démarrait à zéro. J’allais explorer un nouvel univers avec ce petit ket ».

Julie - Grand-mère de Léon
« Comme j’ai été une maman poule, je me doutais que je serais une grand-mère cot cot cot, attentive aux besoins vitaux du bébé »
Julie

Grand-mère de Léon

Aujourd’hui, « ce n’est que du bonheur » avec Léon (3 mois), pour qui Julie a ressenti un véritable coup de foudre en le découvrant.
Son style de grand-mère s’est imposé naturellement. « Comme j’ai été une maman poule, je me doutais que je serais une grand-mère cot cot cot, attentive aux besoins vitaux du bébé ».
Avec des amies déjà grands-mères, Julie a surtout réfléchi à la façon dont elle serait disponible pour lui. « Je ne voulais pas le garder un jour fixe par semaine, pour remplacer la crèche. Question de liberté… Je préférais assurer les dépannages. Céline m’est hyper reconnaissante pour cela. Le papa aussi. Je leur ai aussi proposé de me charger de Léon les vendredis soir pour qu’ils puissent, s’ils en ont envie, avoir un moment à eux. C’est mon cadeau à toute la famille ».

Un modèle qui a du caractère

Irène, deux filles et « bonne-maman » de Gabriel (5 mois), se réjouissait de devenir grand-mère. Avec un solide modèle en tête : sa grand-mère paternelle. « Une grand-mère gâteau, attentive, impliquée, présente sans être envahissante. Elle avait du caractère ».
Alors, oui, « on se projette, on imagine. Mais, comme lorsqu’on devient parent, il y a neuf chances sur dix pour que les choses ne se passent pas comme on l’espérait », poursuit-elle. Elle et son mari, Paul, n’ont pas visité leur petit-fils à la maternité. Ils n’ont pas aussitôt rencontré les autres grands-parents. La jeune maman, Claire, a plongé dans une dépression du post-partum. « Tout cela a freiné mon élan. Le plus important, aujourd’hui, c’est que tout le monde aille bien. Je pense à ma fille, à ce qu’elle vit ».
Les jeunes parents ne demandent pas de l’aide aux grands-parents. À cause de la distance géographique. Mais pas que. « Leur bébé a une place centrale dans leur vie. C’est beau de les voir prendre les choses à cœur. Ils sont bien dans leur nid à trois. Mais cela ne laisse pas beaucoup de place à une tierce personne. Cela viendra », philosophe Irène.
Pour elle, il est trop tôt pour dire si elle se rapproche de son modèle. « Je m’occupe peu de Gabriel. Pour le moment, on n’a qu’à l’admirer, on est juste spectateurs. L’autre jour, ils sont passés à trois chez nous. Déposé sur son tapis, Gabriel jouait avec ses chaussettes. Je lui ai récité un poème de Prévert dans lequel il joue avec ses pieds. Si je peux lui transmettre ce genre de choses, je serai heureuse ».
Dans le couple de grands-parents, les ressentis diffèrent. « Je ne me suis pas imaginé grand-père. Mais je le suis ! », résume Paul, le « bon-papa » de Gabriel. Il n’a pas d’attente particulière, lui qui se dit pessimiste sur l’avenir de l’humanité. « Je laisse venir les choses ».

Donner et recevoir

Parents de deux garçons, Kirkor et Nine ont dû patienter avant devenir « papi » et « mamie ». Ils le sont quatre fois.
« Quand Axel, notre aîné, et sa femme nous ont annoncé que nous allions avoir un petit-enfant, nous étions très heureux, se souvient Kirkor. J’imaginais que je m’occuperais de cet enfant. C’était normal : nos parents, de mon côté comme du côté de Nine, se sont tellement occupés de nos fils ». Même enthousiasme chez Nine : « Ma maman a été une grand-mère exceptionnelle. Je reproduis ce que j’ai connu. Il n’y a rien de trop pour mes petits-enfants. Ils sont ma priorité. Parfois, Kirkor me dit : ‘Tu exagères’, et c’est vrai que je réponds à toutes leurs demandes ».
Les vendredis sont dédiés à Tom (21 mois). Celui-ci n’était pas encore né quand Kirkor et Nine ont vu entrer dans leur vie Louis (9 ans) et Victor (4 ans), les enfants de la compagne de Martin, leur second fils. « Ce ne sont pas mes petits-enfants officiels, mais je les considère comme tels », affirme Nine. « Ils sont accrochés à nous », dit en écho Kirkor. Les mercredis après-midi leur sont consacrés. « En un an, on a eu trois petits-fils », sourit-il.
Et l’année d’après, est arrivée, chez Martin et sa compagne, Marie (8 mois). Pour la mamie, « une fille, c’était le rêve après deux fils et trois petits-fils. Je lui ai acheté une armoire de petites robes et j’ai dit que je me chargeais de sa chambre ».
Depuis que les petits-enfants sont là, les liens entre générations, déjà forts, se sont encore resserrés. Nine : « Je veux que ma maison soit un foyer accueillant pour tous ».
« Je désire vivre assez vieux pour voir grandir mes petits-enfants », conclut Kirkor. Lui qui n’a pas connu ses grands-pères se demande si Marie, Tom, Victor et Louis garderont un bon souvenir de lui. Malgré la fatigue, « nous prenons un plaisir fou à nous occuper d’eux ». Leurs quatre petits-enfants le leur rendent si bien. Avec Tom qui tend les bras vers eux, Marie qui les inonde de ses sourires et les deux grands toujours tout excités à l’idée de les retrouver.

* Les prénoms des grands-parents ont été modifiés, ainsi que ceux des enfants et petits-enfants.