Loisirs et culture

De la cour de récré à la salle de sport, il n’y a qu’un pas, mais que tous les enfants sont loin de franchir. Et c’est dommage parce qu’en Belgique, globalement, petit·es et grand·es ne bougent pas assez.
Le lieu où tous les enfants font des activités physiques, c’est l’école. Mais, au fait, que font nos jeunes sportifs et sportives dans ce fameux cours de gym ? Pas grand-chose, à en croire certain·es élèves et même certains parents. Pourtant, l’éducation physique – c’est là son vrai nom – répond à un référentiel très précis, comme les autres matières enseignées à l’école.
« Contrairement à ce que beaucoup pensent, on ne part pas d’un sport pour faire de l’éducation physique, explique François Dermine, qui opère sur le terrain avec une double casquette de chargé de projets en prévention/santé à ULB Sports et enseignant en éducation physique dans une école secondaire du Brabant wallon. Le point de départ, ce sont les compétences inscrites dans le référentiel : les habilités gestuelles et motrices, la condition physique et la coopération sociomotrice (voir encadré). »
Ensuite, sur le terrain, tout se joue en deux parties. En premier lieu, l’école doit définir son programme, ses orientations prioritaires qui prennent en compte, entre autres, ses infrastructures. Elle pourra donc choisir une voie faisant plus de place au multisports ou en axant le travail sur certaines disciplines. Dans un deuxième temps, c’est l’enseignant·e qui adapte son cours selon les compétences qu’il souhaite aborder à tel ou tel moment.
« Toutes les écoles n’ont clairement pas les mêmes moyens, les mêmes disponibilités, les mêmes possibilités, les enseignant·es ne peuvent pas traiter tous les aspects du cours d’éducation physique de la même façon, souligne encore François Dermine. Et puis il y a aussi l’enseignant·e, sa motivation, sa vision. C’est aussi cela qui explique que le ‘cours de gym’ n’est pas perçu de la même façon partout. »
À ce cadre de référence, il faut aussi ajouter aujourd’hui le volet sport-santé, inscrit, lui, dans le Pacte d’excellence. Une belle avancée pour Cédric Baudson, directeur d’ULB Sports. « L’idée, c’est d’aborder la connaissance du corps, l’hygiène ou encore l’alimentation dans le cours d’éducation physique. Comprendre ce qui se passe dans mon corps quand je fais un effort physique, c’est important parce que ça permet de mettre du sens, d’avoir une approche plus globale. J’en profite ici pour dire que dans éducation sportive, on pourrait mettre éducation en majuscules. C’est un vrai enjeu pour les enfants au niveau santé physique et mentale, ça a un impact pour toute la vie ».
Le sport à l’école : doit mieux faire
La question évidente qui découle de ce constat, c’est de savoir si les activités physiques telles qu’elles sont pratiquées à l’école sont suffisantes. Sans surprise, la réponse est négative pour François Dermine, pour qui on est loin des recommandations optimales de l’OMS, à savoir une pratique sportive deux à trois fois par semaine.
« En théorie, on est à trois périodes par semaine chez les primaires et la première partie du secondaire, puis généralement deux en milieu de secondaire. La réalité, ce sont deux ou trois fois cinquante minutes – la durée réelle d’une période de cours -. Ce n’est absolument pas suffisant, à la fois pour aborder tout ce qui devrait l’être et pour donner le goût du sport. »
Autrement dit, pour que nos enfants soient en bonne santé physique, l’école n’est pas suffisante. Surtout si on met en corrélation les chiffres sur le temps passé devant les écrans, glanés dans les différentes enquêtes récurrentes comme celles menées par HSBC ou l’Observatoire de santé de la Province du Hainaut. Le temps passé sur les écrans (3h30 par jour en moyenne pour les 9-13 ans, 5h15 pour les 13-17 ans) est évidemment un frein à l’activité physique. Mais, heureusement, rien n’est définitif et les parents ont un rôle à jouer pour inverser la tendance.
« Le sport à l’école n’est absolument pas suffisant, à la fois pour aborder tout ce qui devrait l’être et pour donner le goût du sport » François Dermine, chargé de projets en prévention/santé à ULB Sports
« Évidemment que pour un enfant, voir un parent avachi dans le canapé, ce n’est pas un bon exemple. C’est à nous, adultes, de poser des limites au niveau écrans et de faire en sorte d’augmenter l’activité physique de chacun·e, remarque Cédric Baudson. Comment fait-on ? En prenant les escaliers à la place de l’ascenseur, en s’arrêtant à un arrêt de tram, de bus ou de métro une station plus tôt, en parquant sa voiture un peu plus loin que l’école et en terminant le chemin à pied en allant se balader… Et pour les enfants qui sont en primaire, on peut aussi penser aux activités parascolaires, c’est un bon moyen de découverte des sports en général. »
Le parascolaire pour donner envie
Côté parascolaire, on sort ainsi du cadre de référence du cours d’éducation physique. La pratique, très complémentaire de ce qui se fait à l’école, vise ici à susciter l’intérêt, à faire découvrir des pratiques sportives moins connues aussi. Et, pourquoi pas, à ce que les enfants poussent ensuite la porte de clubs. « La grande différence avec le cours de gym, c’est que c’est une activité choisie, donc la motivation est là, souligne le directeur d’ULB sports, structure qui reçoit environ mille enfants par semaine à Bruxelles dans ce cadre-là. Mais il y a tout de même un objectif pédagogique, des apprentissages, le tout avec des encadrant·es breveté·es et des professeur·es d’éducation physique ».
Si le parascolaire propose des sports comme le basket, le volley ou des disciplines nouvelles comme le parkour ou le kinball, d’autres sports peuvent être découverts lors de journées sportives pour les écoles organisées lors des jours blancs, par exemple, ou pendant des après-midis sportives proposées gratuitement dans le cadre de la délégation de mission de l’Adeps. Pour les primaires, c’est ainsi l’occasion de pratiquer le tchoukball, l’unihoc ou encore des sports de combat comme le karaté, la lutte, l’aïkido…
« Derrière toutes ces activités, il y a une notion qui est essentielle dans la pratique de toute activité physique ou sportive : le plaisir, ne manque pas de signaler Cédric Baudson. C’est ce qui va faire que l’enfant va être demandeur, qu’il va avoir envie de s’investir. C’est valable en parascolaire tout autant que dans la pratique en club ou quand on fait du sport avec papa/maman. C’est valable aussi à l’école et c’est aussi un des rôles de l’enseignant·e que de donner ce plaisir de l’activité. D’ailleurs, c’est un vrai point d’attention dans la formation des futur·es profs. J’espère vraiment que, petit à petit, on va réussir à gommer ce truc de l’éducation physique à l’école vue comme une contrainte. »
Le difficile cap de la (pré-)adolescence
Quand on pousse la porte des clubs de sport, cette notion de plaisir est aussi un des premiers aspects mis en avant. Que ce soit une heure par semaine ou à un volume important, c’est là la clé d’une activité sportive bénéfique. « Sans ce plaisir, il n’y a pas de motivation, pas d’envie de revenir à l’entraînement, de progresser, voire même tout simplement pas d’envie de croiser d’autres enfants et de se faire des copains et copines, souligne, Gaël, entraîneur dans un club d’athlétisme montois. Il peut même y avoir un vrai effet négatif pour l’enfant, qui, tellement dégoûté par son expérience, va rejeter toute activité sportive, quelle qu’elle soit ».
Autre constante partagée par les entraîneurs/entraîneuses, éducateurs et éducatrices croisé·es pour ce dossier, les enfants qui font du sport dans leurs clubs sont plutôt en bonne santé… mais aussi de moins en moins motivés au fil des années. « Chez les 6-11 ans, on n’a jamais de souci, confie Ahmed, à la tête d’une salle de sports de combat. Chez les préados et ados, en revanche, il y a une cassure très nette et, très vite, il ne reste que les plus mordu·es. Celles et ceux qui fréquentent les salles sont évidemment en bonne forme physique, au contraire des autres que je vois quand je vais faire des animations ou des journées découverte au cœur même des quartiers. Je suis un peu désespéré de voir ces jeunes qui se mettent en danger au niveau santé par le manque d’activités physiques. Au mieux, ils courent cinq minutes et ils sont crevés. Au pire, ils sont en surpoids, voire souffrent d’obésité, sans rien faire pour changer leurs habitudes. Pour moi, ce sont vraiment vers ces enfants, ces ados qu’il faut mettre des trucs en place. Il y a un énorme travail d’éducation au sport à faire, mais aussi au niveau de l’alimentation, de l’hygiène de vie. Avec l’implication de toute la famille ».
EN SAVOIR +
Les compétences vues en éducation physique
- Les habilités gestuelles et motrices : maîtriser les mouvements fondamentaux de déplacement, coordonner ses mouvements, se repérer dans l’espace, maintenir son équilibre, adapter ses mouvements à une action, exprimer des émotions à l’aide de son corps, adopter une attitude de sécurité en milieu aquatique.
- La condition physique : endurance, souplesse, vélocité, force, puissance.
- La coopération sociomotrice : respecter des règles convenues, agir collectivement, agir avec fair-play.
ENTENDU
Pas plus cool, mais motivant
« Le sport à l’école, c’est nul cette année, on fait que courir et faire un genre de balle au prisonnier. L’an passé, en 2e, on avait un super prof qui nous expliquait pourquoi on faisait tel ou tel truc. Franchement, ça rend pas le sport plus cool quand on n’aime pas ça, mais, au moins, on sait pourquoi on fait les choses et ça motive. »
Anna, élève de 3e secondaire
Parascolaire inspirant
« Lucas a essayé plein de sports en stage ou en parascolaire. Il a vu que les sports collectifs, c’est pas son truc, et qu’il adore tout ce qui est sports de raquette. C’est comme ça qu’il a commencé le tennis de table et qu’il joue depuis maintenant trois ans. »
Karen, maman de Lucas, 11 ans
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