Vie pratique

École et numérique en version panoramique

Le confinement a donné un coup d’accélérateur au numérique à l’école. Bien, mais que s’est-il passé ensuite et où en est-on en cette rentrée 2023 ? Mise au point sur le cadre et les pratiques numériques en primaire et secondaire.

Autant le dire d’emblée, la photo est floue. Il est difficile de faire la mise au point tant les pratiques numériques diffèrent d’une école et même d’un·e enseignant·e à l’autre. « Il y a des écoles qui bougent et perçoivent la plus-value des outils numériques, d’autres qui ont souffert pendant le covid et sont contentes de retrouver un enseignement comme avant et, enfin, une grosse majorité qui se situe entre les deux », résume Joséphine Rousseau, conseillère technopédagogique à Wallonie-Bruxelles Enseignement, le plus important pouvoir organisateur en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB).
Si la photo des pratiques numériques est floue, celle du cadre, elle, est plus précise. Depuis 2018, la FWB dispose d’une stratégie numérique issue du Pacte pour un enseignement d’excellence. « Elle se déploie sur cinq axes : définir les contenus et ressources numériques, accompagner et former les enseignants, équiper les écoles, mettre à disposition des plateformes et poser les bases de la gouvernance numérique », entame Samira El Keffi, cheffe de chantier transition numérique à la FWB.

Le numérique fait son entrée en troisième primaire

L’apprentissage du numérique démarre en cette rentrée 2023 pour les élèves de 3e et 4e primaire. Au programme, en premier lieu, l’initiation à la navigation et aux moteurs de recherche. Objectif ? Effectuer une recherche à partir de mots clés et enregistrer un document. Second volet : la création de contenus. Les élèves s’essayeront au traitement de photo, à la production de textes, de vidéos ou de sons.
En 4e, la formation pousse un cran plus loin avec les notions de logiciel, d’application, de disque dur, de « cloud ». Niveau contenu, les créations s’étoffent aussi. Il sera question de mise en page, de droits de propriété, de droits à l’image et de fiabilité des sources d’information. C’est en 5e et 6e primaire que les élèves apprendront à communiquer et collaborer avec les outils numériques.
« Le référentiel relatif à l’éducation numérique fixe des attendus d’apprentissage, mais laisse la liberté aux écoles des activités pédagogiques pour y parvenir », complète Samira El Keffi. Les contacts pris sur le terrain témoignent à nouveau de pratiques très diverses, avec, d’un côté, un·e membre du personnel désigné·e comme référent·e informatique et un local dédié au numérique et, de l’autre, chaque titulaire qui enseigne la matière en classe. Côté équipement aussi, les écoles sont libres d’opter pour un matériel fixe ou nomade, individuel ou collectif.

Le modèle 1 pour 1 en ligne de mire en secondaire

Si le numérique fait son entrée en primaire, c’est dans le secondaire qu’il s’impose véritablement. Neuf élèves sur dix en ont besoin pour des usages variés : rechercher de l’information, participer à une activité en classe, apprendre une langue, regarder des vidéos, charger un devoir, consulter ses mails, réaliser un travail…
« L’objectif est d’implémenter le modèle ‘1 pour 1’ qui vise à équiper chaque élève d’un matériel nomade identique », explique Josette-Marie Houben, cheffe du projet virage numérique au SeGEC (Secrétariat général de l’enseignement catholique). On a constaté de grosses difficultés chez nos élèves et enseignant·es, que ce soit pour rechercher de l’information, maîtriser une suite bureautique, créer du contenu numérique ou sécuriser ses données. Ce sont pourtant des compétences incontournables dont on ne peut plus se passer. »
Où en est-on dans le virage au SeGEC ? Toutes les écoles, à quelques exceptions près, disposent d’une plateforme numérique de travail pour loger des documents et communiquer, selon Josette-Marie Houben. Smartschool, Google Edu, Microsoft, It's Learning, Moodle… Chaque école est libre d’opter pour l’outil numérique de son choix. Tout comme elle est libre de choisir son équipement et la manière dont elle met en pratique les apprentissages attendus.

« La pierre d'achoppement pour les écoles qui n'ont pas fait appel à nous dans la transition numérique, c'est le manque de formation et d'accompagnement des enseignant·es »
Josette-Marie Houben

cheffe du projet virage numérique au SeGEC

Dans l’enseignement catholique, sur un total de 320 écoles, 64 écoles secondaires sont accompagnées par le SeGEC dans le virage numérique 1 pour 1. Ce programme d’accompagnement comprend : l’information à l’adresse de l’équipe pédagogique, un soutien technique ainsi que la configuration, distribution et prise en mains du matériel informatique par les élèves et la formation des enseignant·es.
Certaines écoles font aussi le choix d’avancer seules. « La pierre d'achoppement pour les écoles qui n'ont pas fait appel à nous dans la transition numérique, c'est le manque de formation et d'accompagnement des enseignant·es », constate Josette-Marie Houben.
Nos intervenantes partagent quelques retours terrain. Côté positif, les enseignant·es apprécient le potentiel des ressources numériques. Un exemple ? Exit l’atlas figé, place à une vision panoramique en trois dimensions. Les tests avec correction automatique sont appréciés pour leur retour immédiat. Enseignant·es comme élèves reconnaissent la facilité d’accès à l’information et l’opportunité de co-construire des savoirs qui coïncide davantage aux aspirations des élèves. L’acquisition des compétences informatiques utiles dans le milieu professionnel a aussi été pointée dans la colonne des plus.
À l’inverse, le numérique charrie aussi son lot d’inconvénients. Problèmes techniques, temps accru de préparation, expertise nécessaire, risque de distraction, difficulté à gérer le groupe classe, temps d’exposition aux écrans... « Le numérique n’est pas la panacée. Pour révéler son potentiel, il demande à être assaisonné à la sauce de chaque enseignant·e. Une présentation numérique figée n’apporte aucune valeur ajoutée. Là où ça devient intéressant, c’est quand on combine le potentiel d’une ressource numérique pour enrichir le cours », conclut Josette-Marie Houben.

EN SAVOIR +

Le numérique : coût et cadre légal

Dans l’enseignement secondaire, 91% des parents ont dû équiper leur enfant en matériel informatique, une dépense estimée à 560€ par élève (coût médian).
D’un point de vue légal : les établissements sont en droit de demander l’achat volontaire et facultatif de matériel informatique, mais ne peuvent le rendre obligatoire. Selon l’étude de la Ligue, on serait loin d’être toujours dans les clous. Ainsi l’achat de matériel informatique serait présenté comme « obligatoire » dans 33% des cas, ce qui est interdit, et « nécessaire » dans 43% des cas.
Autre condition : l’école est autorisée à réclamer l’achat de matériel informatique à condition qu’elle passe par un fournisseur ou mette en place une centrale d’achat. L’établissement peut ensuite activer des bons d’achat ou de location financés par la FWB avec une prise en charge de 75€ (2021-2022), puis de 150€ (2022-2023). L’étude révèle qu’environ 3% des élèves ont pu bénéficier de cette aide tandis que 13% des écoles respectent les différents aspects cadre (achat non obligatoire + recours à une centrale d’achat).

L’ENVERS DU DÉCOR

Trois acteurs partagent leur avis sur la place du numérique à l’école

  • « L’équipement ne suffit pas »
    X travaille comme opérateur technicien dans une école secondaire de l’enseignement officiel en province de Liège. Son établissement a répondu à plusieurs appels à projet pour s’équiper. 90% des classes sont équipées d’un tableau ou d’une télévision interactive.
    « L’équipement ne fait pas tout. Certain·es enseignant·es ne savent pas envoyer un mail, comment envisager qu’ils ou elles utilisent un tableau interactif ? Il faut prévoir des temps de formation. Qui dit matériel informatique dit aussi frais de maintenance, d’électricité et de réparation. Rien n’a été budgétisé. Et je ne parle même pas du personnel, la fonction d’informaticien n’existe pas. La connexion wifi, la protection des données, le câblage, on ne s’improvise pas gestionnaire numérique d’un établissement comme ça. »
  • « Compenser les troubles d’apprentissage »
    Du côté de l’Apeda (Association belge pour les enfants en difficulté d’apprentissage – apeda.be), on explique que les élèves qui souffrent de troubles d’apprentissage (dyslexie, dyscalculie, dysgraphie...) sont en situation de double tâche, ils mobilisent une partie de leur attention pour lire, écrire, calculer ou parler. Des tâches qui ne sont pas automatisées pour eux. Ils ne peuvent dès lors se consacrer pleinement à la tâche « de haut niveau » qui leur est demandée. Pour ces élèves, l’outil numérique permet de compenser ou soulager la réalisation de tâches de bas niveau. L’Apeda offre du soutien et conseil pour la mise en place des aménagements raisonnables nécessaires.
  • « Une fracture numérique, économique et culturelle »
    Pour Claude Prignon et Naïma Ben Ali de la Coalition des parents de milieux populaires, la fracture numérique n’est pas seulement économique, elle est aussi d’ordre culturel. Au-delà de l’accès matériel aux outils numériques, les élèves issus de milieux populaires ont besoin d’être accompagnés dans l’acquisition des compétences pour s’en servir. Cet accompagnement, les parents, vivant eux-mêmes la fracture numérique, ne peuvent pas l’assurer, c’est donc à l’école de prendre le relais.
    La coalition appelle à tenir compte de ces deux fractures, car si la première diminue, la seconde ne fait qu’augmenter et creuse ainsi les inégalités scolaires et sociales.

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