Vie pratique

Enseignement à domicile : retour d’expériences de familles qui voyagent

À l’heure où certain·es font leur rentrée, d’autres prennent la poudre d’escampette. Destination : ailleurs. Comment se conjugue l’enseignement à domicile quand on vit en mode nomade ? Le Ligueur a interrogé quatre familles.

À pied, à vélo, en avion, en bateau, en train, en van, en 4x4, les moyens de transports ne manquent pas pour satisfaire l’envie de voyager des familles. Marie-Cécile et Karim ont opté pour une formule hybride : avion et voiture. Le 1er janvier 2019, la famille pose devant l’objectif avant d’entamer son long périple de huit mois en Amérique du Sud. Bottines aux pieds, sacs à dos chevillés devant et derrière, ils sont prêts à prendre le large.
Au moment du départ, Alexis et Émilie, les enfants du couple, ont 6 et 9 ans. Ils sont au milieu de leur 1re et 4e primaire. Ce voyage, la famille l’organise depuis plus d’un an. Les enseignantes sont au courant et même associées au projet. « Dès janvier 2018, on leur a demandé de conserver un exemplaire des exercices distribués entre janvier et juin ».

Avant et après le voyage

Quand Clarisse et Christophe décident d’entamer un tour du monde avec leurs deux garçons, ils remplissent la déclaration « spécial voyage » d’enseignement à domicile pour leur aîné censé entrer en 3e maternelle. « C’était une simple formalité, l’administration ne peut pas refuser. Par contre, on a dû préciser comment on comptait instruire notre enfant et pouvoir le prouver en cas de contrôle », explique Clarisse.
Comme Clarisse et Christophe, 63 familles ont rempli cette déclaration en vue de voyager en 2019. En 2014, elles n’étaient que 39. Une tendance à la hausse, mais qui reste marginale au regard des 3 000 simples déclarations d’enseignement à domicile introduites chaque année.
Une des familles interrogées avoue ne pas l’avoir fait. « Il y a tellement de démarches à faire quand on entreprend un voyage de plusieurs mois. On n’y a tout simplement pas pensé ». La date butoir du 5 septembre (voir encadré) laisse peu de flexibilité pour se déclarer sur le tard. Nadia Roose, responsable du service d’enseignement à domicile à la FWB, souligne que la législation n’est pas pensée pour les familles qui voyagent, mais vise plutôt à empêcher que l’enseignement à domicile ne serve de couverture à du décrochage scolaire. Ce qui explique que la date soit fixée en tout début d’année.
Selon que l’enfant est scolarisé dans le fondamental ou le secondaire, le retour dans l’enseignement est très différent. « Dans l’enseignement fondamental, il n’y a pas de condition d’admission. Les directions sont libres d’inscrire l’enfant qui rentre de voyage dans l’année qui correspond à son âge si elle l’estime apte », explique Nadia Roose.

Une maman donne cours à son fils sur un table de camping

« En revanche, dans l’enseignement secondaire, l’inscription dans une année suppose de satisfaire à des conditions d’admission. Par exemple, l’enfant devra réussir le CE1D pour accéder à la 3e ». Des contraintes administratives qui rebutent certains parents d’après Nadia Roose. « Je constate que pas mal de parents voudraient voyager sans devoir se soucier de l’année en cours, estimant que le niveau de l’enfant le lui permet ou que le voyage est suffisamment formateur ».

Pendant le voyage, l’enseignement nomade

Venons-en à ce qui intéresse les parents qui envisagent de sauter le pas : comment s’organise l’enseignement en mode itinérant ? « On a beau partir avec les meilleures intentions, ce n’est pas toujours facile de les mettre en œuvre », entame Marie-Cécile.
Pourtant, la maman partait confiante. Mais la famille voyage en 4x4 et bouge environ tous les deux jours. Chaque jour, le même rituel se répète. Il faut trouver un lieu, installer le campement, aller chercher de l’eau, cuisiner de quoi se sustenter. Ajoutez à cela l’altitude et le froid parfois, le cœur et l’esprit ne sont pas disponibles à l’apprentissage.
« Nous n’avons pas vraiment réussi à faire l’école en voyage, reconnaît Marie-Cécile. On a rencontré beaucoup de familles qui se mettaient une pression de dingue, nous avons décidé de lâcher prise pour conserver le bénéfice du voyage. »
Marie-Cécile et Karim ne regrettent pas leur choix. « On a lâché l’école en mode traditionnel, mais pas l’école de la vie. Au contraire ! Pendant huit mois, les enfants ont fréquenté d’autres enfants, appréhendé de nouvelles cultures, développé un sens du contact et leur empathie, se sont familiarisés avec l’espagnol. Ils sont revenus bien plus extravertis et débrouillards ».
Clarisse et Christophe sont adeptes du unschooling, une approche qui privilégie les apprentissages autonomes des enfants. Des exemples ? Leur tour du monde en regorge : fleurs, coquillages, pierres, tout peut servir à compter, décrire, dessiner, écrire. Les garçons apprennent ainsi à additionner et soustraire.

Des apprentissages beaucoup plus pratiques que théoriques qui rendent les enfants plus débrouillards

« Un jour, on était dans un hôtel avec plusieurs bâtiments, Oscar a commencé à multiplier le nombre de balcons par le nombre de bâtiments », se souvient Clarisse, qui avait aussi emporté un peu de matériel. Des lettres de scrabble, d’autres en imprimé et minuscule, quelques petits livres, un cahier, un crayon et des billes.
Depuis le covid, la famille d’Élodie alterne voyages et instruction en famille. La maman est à la barre pour suivre les programmes et panache sa méthode avec les manuels des éditions Plantin pour ses quatre enfants de 6, 10, 13 et 15 ans. « Avant de partir en voyage, je donne un bon coup de collier pour avancer un maximum. En voyage, on privilégie les manuels en ligne ».
Sophie et son mari ont entrepris un tour du monde de huit mois avec leurs trois filles de 6, 10 et 13 ans. Dans leurs bagages, ils ont emporté pour la plus jeune, un livre sur la lecture syllabique et les alphas, abécédaire imagé. Côté calcul, une amie leur a prêté des réglettes schématico qui présentent sous forme de ronds les chiffres de 1 à 10. Pour jongler avec les concepts d’unités, dizaines et centaines, ils utilisent des sortes d’allumettes.

Trouver la bonne méthode et le bon moment

Pour Colombine, en 5e primaire, les parents ont opté pour la collection des manuels « Je réussis » qui propose des exercices inspirés du programme en mathématiques et français. Ils puisent aussi des ressources sur le site « L’école du dirlo ». « Pour les mesures, j’ai plastifié un tableau de numération et un abaque avec les unités de mesures de longueur, masse et capacité ».
Aliénor, l’aînée, est en 2e secondaire. Au terme du voyage, l’adolescente a passé son CE1D. « Quand nous sommes partis, le programme n’était pas encore vraiment fixé, les manuels étaient lourds à emporter, on a bricolé en utilisant les manuels des éditions Van In et en collaborant avec les profs et des parents qui nous envoyaient les feuilles de cours ».
Chaque famille développe donc sa propre approche de l’enseignement à domicile. Par essai-erreur. En fonction de son enfant. En regard du type de voyage aussi. À l’unanimité, les parents consultés conseillent de faire confiance à l’enfant et à sa curiosité naturelle. À saisir les opportunités qu’offre le voyage aussi en termes d’apprentissage. Toutes ont emporté dans leur bagage un cahier dans lequel l’enfant peut consigner des souvenirs et ce qu’il vit au jour le jour, mais qui peut aussi être le lieu pour créer des petits exercices ou jeux adaptés à l’enfant.
Sophie ajoute : se montrer flexible lors de la mise en route, tester les méthodes, identifier les bons créneaux. Clarisse confirme. « On a clairement dû revoir nos plans et accepter qu’il y ait peu d’apprentissages formels. L’important, c’est vraiment de se montrer disponible pour les accompagner. Cela implique de se calquer sur leur rythme et d’accepter de travailler quand c’est le bon moment pour eux ».

EN PRATIQUE

Infos pratiques sur l’enseignement à domicile 

Tout enfant en âge d’obligation scolaire et domicilié en Wallonie ou à Bruxelles a la possibilité de poursuivre sa scolarité en dehors de l’école. La charge des apprentissages revient donc aux parents.
Les parents doivent remplir une déclaration d’enseignement à domicile pour le 5 septembre et joindre une explication sur le projet du voyage et la manière dont ils envisagent d’instruire leur enfant. Déclaration à télécharger sur enseignement.be et envoyer à edep@cfwb.be

LES CONTRÔLES DU NIVEAU D'ÉTUDE

À tout moment, les services de l’inspection peuvent contrôler le niveau des études. La législation impose un contrôle aux 8 et 10 ans de l’enfant, mais en accord avec le service de l’enseignement à domicile, ses modalités peuvent être adaptées en cas de voyage.

LES ÉPREUVES CERTIFICATIVES

Seuls les certificats CEB (6e primaire), CE1D (2e secondaire) CE2D (4e secondaire) et CESS (6e secondaire) attestent la réussite d’une année. Les inscriptions se font en avril et les épreuves se passent auprès d’un jury en juin. En secondaire, les candidat·es doivent s’inscrire à une séance d’information obligatoire correspondant au certificat visé.

À lire aussi dans le Ligueur

Laissez-moi jouer vs laissez-moi pioncer !

Vie pratique

Laissez-moi jouer vs laissez-moi pioncer !

Congés scolaires: le calendrier croisé FWB / Flandre 2024 - 2025

Crèche et école

Congés scolaires: le calendrier croisé FWB / Flandre 2024 - 2025

Radical : un film pour une école libre

Loisirs et culture

Radical : un film pour une école libre

Les infos collectées sont anonymes. Autoriser les cookies nous permet de vous offrir la meilleure expérience sur notre site. Merci.
Cookies