Vie pratique

Été 1959 : le blue-jean, cet uniforme de gangster

Le blue jean en 1959

L'archive du Ligueur

En cette fin des années 1950, le Ligueur reçoit, comme c’est toujours le cas, des messages de nombreux parents. Parmi ceux-ci, celui d’un papa a attiré l’attention de la rédaction. Plus qu’un message, c’est une question existentielle qui est posée. « Mon fils a 15 ans et demande un blue-jean. Déjà il fréquente un groupe de jeunes à l’allure indépendante. Je refuse de lui donner cet uniforme de gangster. Ai-je tort ou raison ? ».

Dans une réponse tout en nuances, le Ligueur de l’époque prend la défense du pauvre blue-jean qui, en vérité, est devenu la victime d’un code vestimentaire. « Refuser le port du blue-jean ? Cela ne servirait qu’à dresser votre enfant contre cette famille […]. Donnons-lui, au contraire, cette petite satisfaction (100 à 150 francs) pour démystifier ce pantalon ».
Mais pourquoi le jeans a-t-il mauvaise presse chez ce papa ? Même s’il existe depuis le XIXe siècle, dans les années 1950, cet élément de garde-robe s’est offert un parfum sulfureux. C’est que les blousons noirs l’ont érigé en signe de ralliement, il complète une tenue qui se retrouve assimilée à la jeunesse turbulente, voire délinquante. Cette image négative sera encore de mise durant une bonne partie des années 1960, avant de disparaître jusqu’à son assimilation complète dans les années 1970.

Le jeans ne fait pas le voyou

Marlon Brando et James Dean ne sont pas étrangers à cette diabolisation du jeans. Que ce soit le premier dans L’équipée sauvage (1953) ou le second dans La fureur de vivre (1955), les deux acteurs symbolisent dans ces deux longs métrages une jeunesse rebelle qui n’a que faire des règles et des traditions. Tous deux portent, évidemment, un jeans.
Le Ligueur, en 1959, prend de la hauteur. « Votre enfant est occupé à se forger une personnalité propre et c’est par la désobéissance, le mensonge, l’impertinence qu’il se défend contre ses parents qui voudraient encore l’y maintenir parce qu’ils ne voient pas que l’heure est venue d’accepter cette évolution et d’aider leur enfant dans cette mue difficile ». Et donc ? « Nous intéresser à lui et à ce qui l’intéresse, tout cela sera bien plus efficace que de lui défendre de porter un blue-jean ».
En gros, si l’habit ne fait pas moine, le jeans ne fait pas le voyou. À noter que le blue-jean, lui, s’est d’ailleurs toujours positionné au-dessus de ces débats et se moque des chapelles. Après avoir été l’emblème de la « violence des blousons noirs » dans les fifties, il deviendra quelques années plus tard celui du pacifisme « flower power » des hippies en mode pattes d’eph’. Voilà un pantalon qui a l’art de retourner sa veste…