Vie pratique

Face au manque de lieux de rencontre, des mamans se mobilisent

Des parents se rencontrent et s'informent sur la portage des bébés

Elles s’appellent Stéphanie et Valérie. L’une rêve d’un lieu de rencontres dans son village, l’autre l’a créé en plein centre-ville de Liège.

Parce que dans son petit village de Coutisse, près d’Andenne, il n’y a rien, Stéphanie s’est mise à rêver d’un lieu. Un espace où les parents pourraient se rencontrer, parler de leurs difficultés comme de leurs bons plans, boire un café ou se former.
L’idée est encore en gestation. « Avec mon boulot et un bébé de 14 mois, je n’ai pas trop d’énergie à y consacrer, mais je sais qu’un jour, il naîtra ». Le nom de ce futur lieu, lui, est déjà tout trouvé : le Village. « Parce qu’il faut tout un village pour élever un enfant », précise la jeune maman.
Stéphanie a connu un accouchement très compliqué, elle aurait aimé pouvoir compter sur un espace de rencontre. C’est finalement très seule qu’elle s’est ouverte des portes. Un chemin de croix qu’elle voudrait épargner aux autres parents de son village.

Lire aussi : Lieux de rencontre enfants et parents : une échappée belle du huis clos familial

La pair-aidance, pilier fondateur du Babibar

Du côté de Liège, Valérie a aussi souffert d’isolement. « Je me suis retrouvée au supermarché à acheter des bananes pour pouvoir parler à un autre adulte ». Maman sur le tard et sans proches réellement disponibles, Valérie met au monde un enfant avec des besoins intenses. Elle arrête de travailler et se retrouve seule.
« En devenant maman, la ville a pris un autre visage, je ne la trouvais plus aussi cool. Il n’y avait juste nulle part où aller ». Valérie commence alors à s’intéresser aux besoins des familles en milieu urbain, rencontre d’autres parents et des professionnel·les du secteur. « J’ai été interpellée par la sous-estimation et l’invisibilité des besoins des parents dans une société de plus en plus détricotée où on ne peut plus compter toujours sur un rempart familial ».

Valérie - Créatrice du Babibar à Liège
« On ne devrait pas avoir à créer des lieux de rencontre. En devenant mère, je me suis sentie tellement exclue de la société »
Valérie

Créatrice du Babibar à Liège

« Il faut que je trouve des pistes, j’ai manqué de frapper mon gamin ce matin », lui confie une maman. Ni une, ni deux, Valérie ouvre des portes et concrétise son projet de lieu de rencontre en plein centre-ville : le Babibar. Sa spécificité ? La pair-aidance. « Quand un parent arrive au Babibar, il est accueilli par un autre parent. Ici, les expertises professionnelles passent au second plan, c’est le vécu de parent qui fait office de socle fondateur. Dans notre lieu, on cultive le capital confiance du parent. »
Si la mission de départ est celle d’offrir un espace où le parent peut venir se poser avec son enfant, de nouveaux projets se greffent au gré des besoins identifiés. Des mamans solos rament pour s’équiper ? Le Babisouk se met sur pied pour proposer un service de prêt et location de matériel. Des parents se sentent en marge de l’offre culturel ? Des ciné-poussettes s’organisent pour proposer des projections aux familles. Un besoin de formation ? Les ateliers à tarifs différenciés se mettent sur pied avec des professionnel·les de la petite enfance. Pour celles et ceux qui le peuvent, le prix plein est de 12€, pour les autres, le tarif varie en fonction des possibilités de chacun·e.

Lire aussi : « Ça m’a fait un bien fou de sortir de chez moi, de parler avec d’autres adultes »La

Plus d’égalité et d’inclusivité

Récemment, un espace numérique a également fleuri pour faciliter la recherche d’emploi et les démarches administratives qui mettaient en galère d’autres familles. « Nous sommes la matière du projet, à la fois fondateurs et usagers, tout se construit à partir de l’expression des besoins des parents », explique Valérie.
Aujourd’hui, Valérie ne distingue plus le lieu de rencontre du reste de l’offre qui est venue se greffer au fil des années. Quel que soit le projet, l’objectif est le même : se mettre au service d’un maximum de parents. Créer une communauté mobilisée vers une société plus égalitaire et inclusive. « Idéalement, on ne devrait pas avoir à créer des lieux de rencontre, s’indigne Valérie. En devenant mère, je me suis sentie tellement exclue de la société ».
Bien sûr, ce n’est pas le cas de tous les parents, certains sont en couple, d’autres peuvent compter sur le soutien de proches. Néanmoins, à Liège, on estime que le rapport entre le nombre d'enfants de moins de 3 ans et le nombre de places disponibles en crèches ou chez une accueillant·e est de 33%, cela veut dire que beaucoup de petit·es sont au quotidien à charge d’un parent ou d’un grand-parent. « Est-ce que vous imaginez ce que ça représente comme nombre d’enfants, et surtout, derrière, de mères qui se retrouvent dans un isolement qu’elles n’avaient pas anticipé ? », conclut Valérie.