Grossesse

Faire une fausse couche (les mots sont violents pour beaucoup de celles qui sont passées par là), c’est perdre son bébé avant qu’il ne soit viable : incapable de se développer, il est expulsé, spontanément ou non, de l’utérus maternel. Le signe le plus courant en est des saignements. Mais, attention, toute perte de sang ne signifie pas forcément fausse couche. Dès lors, si vous avez des saignements, il est prudent de consulter au plus vite votre médecin.
« Médicalement, on est très dépourvu face aux fausses couches, reconnaît Anne-Céline Cheron, gynécologue-obstétricienne au Grand Hôpital de Charleroi. C’est la nature qui s’impose, et elle s’impose beaucoup plus au premier trimestre que lors de la suite de la grossesse. Les causes de fausse couche sont nombreuses. La plus fréquente est un défaut des chromosomes. Les autres origines possibles ? Des infections, des malformations utérines, des traumatismes, des troubles de la coagulation… Face à une menace de fausse couche, le repos est ce qui est proposé le plus habituellement, avec parfois un traitement hormonal à base de progestérone. » À savoir encore : lors d’une fausse couche, l’expulsion se fait naturellement, mais il arrive que le gynécologue doive intervenir en administrant un médicament ou en faisant un curetage.

Un accident pas rare
« Malheureusement, insiste Anne-Céline Cheron, les fausses couches sont, statistiquement parlant, une réalité qui se produit très fréquemment. La plupart des femmes en font au moins une, peut-être même sans s’en apercevoir. » Ces « accidents de construction » représentent de 15 à 20 % des grossesses. En cas de fausses couches à répétition (soit trois d’affilée), un bilan global est effectué, afin d’en préciser la cause et de mettre au point le traitement le plus approprié.
« En pratique, si une grossesse s’interrompt très précocement, c’est qu’il y a un problème majeur qui se serait de toute façon déclaré par la suite, poursuit la gynécologue. Il vaut alors parfois mieux qu’elle s’arrête rapidement pour qu’on ne doive pas prendre, plus tard, de décisions douloureuses. »

C’est un deuil…
Ces explications n’empêchent pas que, pour les femmes qui font une fausse couche, vivre un tel « accident de parcours » est un réel déchirement. Tristesse extrême. Espoir brisé. Attente déçue. Maternité remise en question. Inquiétudes quant à l’avenir… « Un sentiment de culpabilité les envahit : "Pourquoi moi ? Ai-je fait quelque chose que je ne devais pas faire ? N’ai-je pas fait quelque chose que je devais faire ?" Et on leur répond : non, c’est comme cela, c’est accidentel, dit la gynécologue. Et certaines femmes sont rassérénées quand elles entendent de telles paroles. » D’autres, par contre, ont, en quelques semaines, tellement investi – et rêvé – leur bébé qu’en le perdant, elles sont complètement dépourvues. Peut-être que si elles ont déjà un ou deux enfants, elles sont plus rassurées quant à l’avenir, elles acceptent mieux ce qu’elles sont en train de vivre.
Une fausse couche, « ce n’est pas banal, prévient pour sa part Luc Roegiers, pédopsychiatre périnatal aux Cliniques universitaires UCLouvain-Saint-Luc, à Bruxelles. Effacer tout et recommencer ? Si c’était si simple… Comment être confiant ? La prochaine fois sera-t-elle la bonne ? On n’en sait rien. Et de toute manière, ça ne réparera pas. Quelle place faire à une grossesse interrompue d’elle-même quelques semaines à peine après son amorce ? Ce n’était pas un "enfant", ni un "rien du tout". On ne sait pas ce qu’on a perdu. Pourtant, c’est un deuil. Le temps restituera sa juste dimension à l’événement. Il permettra petit à petit de se remettre en projet. S’il y a eu reconnaissance, respect. »
Peut-être ces lignes que vous lisez vous remuent-elles pour rien. Mais peut-être êtes-vous de ces femmes, de ces couples à qui « cela est arrivé ». Si c’est le cas, si cela vous fait mal, n’hésitez pas à demander du soutien, une écoute auprès d’une sage-femme (en consultation prénatale) ou d’un·e psychologue (il y en a un·e dans la plupart des équipes de maternité).

TÉMOIGNAGES
Un chemin laborieux
« Je me suis retrouvée sans le vouloir enceinte d’un quatrième enfant. Ce n’était pas prévu. Je me suis livrée à un important travail dans ma tête pour accepter cette grossesse, l’apprivoiser et, finalement, la désirer quand même. Et puis, j’ai fait une fausse couche. Faire le deuil de ce bébé a été terrible. J’avais l’impression de refaire en sens inverse un cheminement laborieux qui m’avait finalement rendu cette grossesse plus précieuse. »
Marie
Des mots difficiles à entendre
« Comment oser dire à ma collègue que ses propos – "C’est une perte très précoce, ce n’est qu’une fausse couche" –, je ne peux pas les entendre ? Pour moi, c’était déjà un bébé, mon bébé. »
Joanna
EN SAVOIR +
Les fausses couches touchent entre 15 et 20 % des grossesses. Une femme sur cinq en traverse une au cours de sa vie. Une réalité fréquente donc, mais pas anodine. Trop souvent encore passée sous silence. À l’image de tout le premier trimestre de la grossesse, en fait, avec ses joies et aussi ses maux. Aujourd’hui, le tabou qui entoure les fausses couches se brise. La parole des femmes se libère. Et elle est mieux relayée.