Développement de l'enfant

Chaque année, les mamans et les papas sont mi-impatients, mi-amusés à l’idée de recevoir leur cadeau de la fête des mères ou des pères. Et, chaque année, les professionnelles des crèches cherchent comment faire plaisir aux parents des petits qu’elles accueillent, en entraînant ces derniers dans une réalisation créative à la mesure de leurs capacités, de leur patience, de leur intérêt. Un vrai défi !
Caroline, puéricultrice dans une section des 12 mois à 2 ans, raconte : « Cela peut sembler bizarre mais, pour nous, c’est galère de préparer la fête des mères avec de jeunes enfants. Si on s’y prend trop tôt, le cadeau perd son sens pour les bambins qui vivent intensément le présent et souhaitent donc montrer instantanément leur réalisation à leur maman. On doit, de plus, trouver un bricolage original, intelligent, si possible utile, pas trop coûteux, rapide à réaliser car les petits restent rarement plus d’un quart d’heure concentrés sur une même activité. Et, ô tristesse, on a parfois des parents qui rouspètent car ‘c’est toujours les mêmes cadeaux’ ou parce que ‘le bricolage aurait pu être plus soigné’. Heureusement, il y a aussi beaucoup de parents reconnaissants et contents ! »
La fête des mamans et celle des papas ont leur poids symbolique et commercial qu’il n’est pas bon d’ignorer. La commercialisation des fêtes risque de dénaturer le cadeau bricolé maladroitement. Les boutiques regorgent de gadgets, colifichets, objets de déco éphémères et peu chers mais tellement impersonnels. Comment alors donner sens à ces fêtes sans être dans de l’« obligatoire-politiquement- correct » ?
Les cadeaux, c’est parfois la pression
Certains parents collectionnent précieusement les premiers cadeaux qu’ils ont reçus de leurs enfants et qui les ont tant émus. Les vitrines de salon sont parfois garnies de colliers en macaronis bariolés, de sets de table décorés de petits petons de couleur, d’un grand cœur peint au doigt… Mais les puéricultrices constatent aussi que, parfois, la surprise est franchement désagréable pour les parents : « Certains cadeaux ne plaisent pas tout simplement parce qu’ils ne restent pas, explique Julie. Une maman s’est, un jour, plainte d’avoir seulement reçu une rose avec un petit mot. Bien sûr, la rose s’est fanée et, quatre semaines plus tard, elle a mal supporté que le cadeau du papa soit un objet qui reste ». Une anecdote qui témoigne peut-être du besoin énorme de cette maman à être reconnue…
Les enjeux liés à ces cadeaux seraient-ils si énormes ? Les parents ne s’en rendent pas toujours compte, mais les puéricultrices ressentent, pour leur part, une forte pression : « Nous devons produire du beau avec des petits artistes qui découvrent à peine comment fonctionnent un pinceau, des ciseaux, de la colle ou tout autre matériel proposé. Mission difficile ! »
Parfois aussi, pour plaire aux parents, elles se mettent à « contraindre » les enfants : ceux qui ont peur de la peinture et qu’on force gentiment à mettre la main dedans afin de faire une belle trace pour le cadeau de maman ; ceux dont on appuie le pied dans de la pâte à modeler alors qu’ils ont juste envie de fuir parce que la sensation leur est désagréable. « On est alors un peu mal à l’aise de faire pleurer les bébés pour faire un plaisir à leurs parents », dit une puéricultrice d’une section de tout-petits.
Et l’enfant sans papa ou maman ?
Dans la tête des professionnelles, d’autres questions surgissent au sujet de ces fameux cadeaux, des questions qui, sous une autre forme bien sûr, habitent aussi les parents. Ainsi, comment ne pas mettre en difficulté l’enfant sans papa ou maman ? Comment ne pas le distinguer des autres et lui permettre de bricoler quand même un cadeau ? Quel destinataire alternatif lui proposer ?
Même quand l’enfant est tout-petit, ces questions se posent : les puéricultrices se demandent s’il faut donner le cadeau du parent absent à l’autre parent ou faire semblant de rien en ne prévoyant rien alors que les paquets emballés circulent partout. Et comment faire quand il y a deux mamans ou deux papas ?
Pour les puéricultrices, la tentation peut être grande, dans ces situations, d’imposer leurs réponses de professionnelles. Des réponses qui déboussolent parfois les parents, comme cette maman qui raconte combien elle s’est sentie mal quand sa petite Lila a exhibé toute fière son cadeau pour son papa qu’elle n’avait plus vu depuis six mois parce que celui-ci s’était investi dans d’autres amours.
Et si les fêtes des mères et des pères étaient des occasions pour les parents et les professionnelles d’imaginer ensemble des solutions ? De cheminer dans une réflexion commune, sur le « Que dire, que faire quand on n’a juste pas envie ou qu’on a trop mal d’évoquer l’autre parent ? » par exemple, quand l’un des parents est disqualifié par l’autre, quand tout le monde sait que c’est la guerre entre le parent qui assume le quotidien et celui dont c’est la fête tous les jours parce qu’il a retiré son épingle du jeu familial ?
Plus globalement, on pourrait se demander comment honorer les mamans et les papas sans contraindre les bambins à se livrer à cette jolie coutume de fabrication de cadeaux à un âge auquel le sens de celle-ci ne peut encore être compris. Tout simplement peut-être en reconnaissant au quotidien aux papas et aux mamans le don de soi, la patience, l’énergie, la créativité, le travail… que demandent l’éducation et l’accompagnement jour après jour d’un tout petit enfant.
Reine Vander Linden