Vie pratique

Futur numérique : réalité augmentée, Metavers et hyperconnectivité

Futur numérique : réalité augmentée, Metavers et hyperconnectivité

► Est-ce que nos enfants vont se perdre dans la réalité augmentée, type Metavers et compagnie ?

La réalité augmentée ? Une technique permettant d’insérer en temps réel un élément 2D ou 3D dans une image réelle. Pile au moment où nous conversions à son sujet et des réflexions qu’elle suscitait auprès des familles, le groupe Meta (Facebook/Instagram/Snapchat/WhatsApp, etc.) et son célèbre chef de file Mark Zuckerberg annonçait la fin du projet Metavers, dans lequel le gourou de la Silicon Valley promettait de balader l’humanité toute entière.

Les technicien·nes du web nous l’affirment, cette armada technologique n’a pas pour autant dit son dernier mot. Dans un futur assez proche, les smartphones diffuseront des images en très haute définition, ce qui démocratiserait naturellement la réalité augmentée dans nos vies quotidiennes. Nos experts techniques expliquent qu’il s’agira à coup sûr d’un appât dans la besace des grands groupes pour pouvoir interagir avec les client·es en ajoutant une dimension supplémentaire à la très marketing « expérience de navigation ».
Nos enfants seraient donc totalement immergés dans un monde virtuel ? Pour Brieuc Guffens, il plane comme un doute. Les casques de réalité virtuelle sont encore de l’ordre du gadget et ne sont pas promis à un brillant avenir. En dépit des prophéties successives depuis bientôt dix ans et de maintes vaines tentatives de créer une demande. La promesse - là encore très commerciale - que l’Humain va de plus en plus interagir ? Elle patine.
« Finalement, je vois toujours des utilisateurs, des utilisatrices, des familles qui restent passives devant un écran. Souvent devant un film, d’ailleurs. On a beau crier à la révolution, qu’on soit devant la télé ou une plateforme, c’est d’abord ça qu’on veut comme loisir : du récit. L’innovation ne trouve pas toujours preneur. »
Le responsable des publications de Média Animation cite l’exemple de la série d’anticipation Black Mirror et de son échec cuisant avec cet épisode dont le spectateur est le héros. De plus, comme pour l’IA, il n’est pas certain que l’escadrille informatique suive. Si la réalité augmentée est facile d’utilisation, elle nécessite la création de contenus de qualité qui sont encore extrêmement lourds à produire.
Un point fait l’unanimité cependant, les parents doivent se préparer quoi qu’il en soit à affronter une problématique croissante : maintenir chez les enfants une distinction entre le monde virtuel et le monde réel. Comment ? En privilégiant le vivant. En valorisant l’intérêt de toucher, de sentir, de ressentir tout ce qui entoure les mômes. En expliquant aux ados que ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux, bien que pouvant avoir des conséquences dans la vraie vie, ne fait pas partie du réel. Et que rien ne vaut la chaleur de la voix, la présence des autres. En un mot qu’aucun pixel ne remplacera jamais la complexe saveur de l’existence.

► Demain, toutes les familles du monde entier seront reliées…. Même celles issues du monde rural ?

Si on a vu venir les préoccupations liées à l’IA ou à la réalité augmentée, on ne pensait pas que les disparités numériques préoccupaient autant les parents. Quoi de plus normal quand Yvan Huque nous apprend que 35% de la population n’a pas accès aux outils numériques et n'en maîtrise pas les usages.

Cette fracture numérique va-t-elle se résorber ? Les projections les plus raisonnables montrent que d'ici cinq ans, la quasi-totalité de la population mondiale sera sans doute connectée à internet. Yvan Huque mise lui aussi sur la fin des disparités. Comment se justifient-elles d’ailleurs ? Par la toute-puissance du réseau filaire, explique l’expert. On a longtemps cru que se connecter, ça consistait d’abord à se relier par des fils. D’autres types de connexions arrivent sur le marché, le tout rendu possible grâce aux constellations de satellites. Bonne nouvelle pour l’égalité numérique, donc. On peut tout de même s’interroger sur une dégradation potentielle de l’espace. Un enjeu environnemental de plus, « la pollution spatiale » ?
Quoi qu’il en soit, la façon dont les familles vont se connecter dans un futur proche va énormément changer. « Proximus fait des tests pilotes dans des zones blanches pour connecter les foyers avec de nouvelles techniques alternatives. Ce qui signifie des vitesses de téléchargement plus rapides, un meilleur travail de compression, des usages moins gourmands, un web plus vert. La meilleure répartition, c’est aussi une bonne chose pour l’empreinte carbone. Même s’il y a un gros usage de restriction des ressources à faire, tant chez les familles qu’en entreprise. On peut saluer toutes les impulsions qui encadrent mieux les pratiques. On sait que ce qui consomme le plus sur le web, c’est le streaming. Il correspond à peu près à 80% de l’usage sur internet. C’est la vidéo qui est la plus gourmande, Netflix, le porno, les jeux, You Tube… reste à agir là-dessus. Mais on sent que ça percole dans l’entreprise, ça suivra donc dans les foyers ».
Ce sera à coup sûr une préoccupation dans les années à venir. Comme elles font attention à la perte d’énergie aujourd’hui, les familles seront attentives au stockage de données, aux usages énergivores. Gageons même que ce sera un argument concurrentiel chez les FAI (les fournisseurs d’accès internet) comme l’est la vitesse aujourd’hui.

► Va-t-on toujours se connecter à partir d’une tablette, d’un smartphone, d’un ordinateur ? D’où se fera la navigation dans le futur ?

Une seule réponse à toutes ces questions : l’Internet de l’objet (IoT). Les développeurs interrogés sont formels : l'avenir du web et son accès ne dépendront plus seulement d'un smartphone ou d'un ordinateur. L’accès à internet va se faire via une grande variété d'appareils. Mais ce n’est pas tout, en plus d’une connexion totale à pas mal d’objets du quotidien, Yvan Huque mise sur la transformation d’un foyer comme une « inter machine ».

Les agents conversationnels (du type Alexa aujourd’hui) sont de plus en plus évolués. Votre maison de demain va donc être totalement interconnectée et vous y aurez accès à l’extérieur. En plus de vous faire couler un bain depuis votre véhicule ou de lancer l’aspirateur à distance, vous interrogerez de la même manière les besoins alimentaires de la famille d’un « Quels légumes ont mangé les enfants cette semaine déjà ? ». On se dirige donc vers une interface de plus en plus vocale et moins graphique. Le risque à toute cette merveille somme toute extrêmement facultative ? L’individualisation des usagers sous un même toit, craint Yvan Huque.
« Ce n’est pas au lecteur, à la lectrice du Ligueur que je vais apprendre qu’on assiste à un usage croissant du numérique. Qui conduit donc à une interaction virtuelle de plus en plus importante. L’économie du numérique, c’est une économie du temps. Le but des Gafam (acronyme formé par les initiales des cinq entreprises Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, ndlr), c’est de prendre de votre temps. Plus que jamais, face à cette omniprésence de la technologie numérique dans son quotidien, la famille va donc être confrontée à ce défi : conserver l’instinct grégaire et repousser l’individualisation. Encore un enjeu éducatif, donc. Qui repose sur une dynamique que chaque parent doit avoir à l’esprit : utiliser le bon canal pour le bon usage et ne pas se laisser déborder par le superficiel. »

ZOOM

Vers une gamification de la société ?

À chaque discussion avec les experts consultés, le constat s’est imposé : on tendrait vers une gamification numérique des esprits. Beaucoup pour occuper, donc beaucoup pour vendre. Nos interlocuteurs et interlocutrices craignent une transposition généralisée d'éléments de jeux numériques dans les usages du quotidien. Les enfants vont être de plus en plus sollicités et happés par ces objets connectés du quotidien. Rien de plus normal, ils sont de plus en plus ludiques et regorgent de tas d’astuces pour qu’on s’y attarde.
Les risques ? Une recherche constante de gratification, de plaisir, de stimulation chez les petit·es. Tout ce qui flatte les parties les plus archaïques du cerveau. Les bambins sont pris dans un tourbillon d’attention exogène et ne développent pas assez les zones endogènes. En un mot, trop d’écrans éloigne d’une gymnastique plus complexe qui favorise les usages lents, dits cognitifs.
Plus que jamais, le rôle du parent va consister à contrebalancer. Jouer, par exemple, à des jeux qui vont fortifier les zones de planification stratégique du cerveau. Le défi face à cette gamification galopante ? « Développer les facultés mentales pour encourager autre chose que des infos simples, pleines de couleurs, de trucs symboliques qui ne stimulent rien », nous explique Catherine Vanham, logopède, formatrice et fondatrice de l’asbl Mathémô.

EN SAVOIR +

La Face cachée du clic

Toutes ces problématiques que l’on aborde (économie de l’attention, enjeux environnementaux numériques, etc.) sont le cœur de La face cachée du clic, des ateliers et des ciné-débats avec la Ligue des familles et le collectif Les Ami·e·s du clic Éthique.

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