Société

La ministre de l’Éducation a annoncé l’interdiction du smartphone à l’école. Pour la Ligue des familles, c’est – à condition de bien penser la mesure – une bonne chose… à partir du moment où l’on réfléchit aussi, de façon coordonnée, à l’ensemble des usages du numérique à l’école.
Tôt à la rentrée, la ministre de l’Éducation, Valérie Glatigny, a annoncé l’interdiction prochaine de l’usage du smartphone en primaire et secondaire*. L’objectif est de participer à l’amélioration du climat scolaire, pour que la cour de récréation soit le lieu de contacts humains avant tout. De nombreux établissements avaient déjà agi en ce sens, le décret à venir a pour but d’uniformiser les pratiques.
Pour la Ligue des familles, un point d’attention concernera les enfants qui ont des besoins spécifiques nécessitant des outils numériques. Il faudra assurer que les tolérances prévues soient suffisamment étendues pour que, lorsque l’usage d’un smartphone est important vu les réalités de l’enfant, cela reste permis.
Et les usages du numérique par l’école ?
La Ligue des familles défend que les écoles associent délégué·es des élèves et représentant·es des parents pour négocier des règles communes quant à l’utilisation du numérique dans la communication scolaire. En effet, 48% des parents témoignent que l’école recourt exclusivement au numérique pour communiquer avec eux. Dans 14% des cas, les parents doivent jongler entre plusieurs plateformes numériques pour recevoir toutes les communications. Et cette communication numérique ne satisfait pas une famille sur quatre.
53% des élèves reçoivent des messages scolaires après les heures de cours ou en week-end et 21% vivent cette situation toutes les semaines
Car si la communication via des canaux numériques, quand elle est bien pensée, est pratique pour de nombreuses familles, elle en met d’autres en difficulté. Le Baromètre de l’inclusion numérique 2024 de la Fondation Roi Baudouin montre que non seulement il existe encore des cas, pas si rares, de familles en zone blanche, sans connexion internet à domicile ou non équipées en ordinateur personnel, mais qu’en plus, pour une très large partie de la population en âge d’être parents, le fait d’avoir des compétences numériques trop faibles pour pouvoir maitriser l’outil guette. Tous problèmes confondus, 34% des adultes âgés de 25 à 54 ans sont en vulnérabilité numérique.
Face à cette réalité, il est important que les écoles garantissent à tous les parents le libre choix de leur mode de communication principal : par le numérique ou par le papier.

Ces élèves surexposé·es et mal protégé·es
77% des écoles et enseignant·es du secondaire communiquent de façon numérique avec les élèves. Là aussi, les problèmes de mésusages ne sont pas rares. Ainsi, quand l’école recourt à des plateformes numériques, dans 15% des cas, les enseignant·es recourent à plusieurs plateformes différentes, sans aucune coordination ! L’autre problème fréquent est l’utilisation de logiciels fonctionnant par des clouds hébergés hors Union européenne, dont les contenus, qui peuvent être de la communication pratique, mais aussi des partages de photos de nos enfants, et leur usage par ces firmes privées, échappent alors partiellement à la réglementation européenne sur la protection des données (RGPD) – alors que des plateformes libres ont été développées par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Les élèves sont aussi sollicité·es hors temps scolaire par le biais du numérique. Ainsi, 53% d’entre eux et elles reçoivent des messages scolaires après les heures de cours ou en week-end et 21% vivent cette situation toutes les semaines. Parfois, il s’agit même de consignes complémentaires pour un devoir à amener le lendemain.
Ces sollicitations numériques intempestives empêchent les jeunes de se déconnecter de l’école et du numérique, avec un impact sur leur santé mentale. 59% des parents constatent de ce fait une augmentation, parfois significative, du stress de leur enfant. L’enjeu de santé immédiat se double de notre questionnement sur l’impact éducatif que cette habituation à une norme problématique génère. L’école devrait être le lieu où l’on apprend un usage éthique et sain des outils numériques.
Vers un droit à la déconnexion numérique pour tou·tes
Alors que la Ligue des familles en fait la demande depuis 2021, l’accord de gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles prévoit l’instauration d’un droit à la déconnexion pour tou·tes par le biais des règlements d’ordre intérieur des établissements. La Ligue des familles appelle donc la ministre Glatigny à profiter de son élan pour mettre en œuvre ce droit important, pour les élèves aussi.
La fin des smartphones à l’école – avec des exceptions suffisantes – est une bonne chose… à partir du moment où ce sont l’ensemble des usages du numérique à l’école qui sont réfléchis de façon coordonnée dans le cadre de la démocratie scolaire. L’ensemble des acteurs de l’école doit pouvoir disposer d’un cadre garantissant que, si l’espace donné au numérique augmente à l’école, ses effets pervers soient aussi évités.
* Sauf usages à visée pédagogique. L’accord de gouvernement parle également d’une interdiction directe en primaire et de règles à établir par un processus interne aux écoles, par exemple via le conseil des élèves ou de participation, en secondaire.
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