Société

Traditionnellement, à l’occasion de la fête des pères, la Ligue des familles relance son combat pour un congé de paternité de même durée que le congé de maternité. À l’heure où le gouvernement prévoit une réforme des congés familiaux, doit-on s’inquiéter pour les congés des papas et co-parents ? Et, corollairement, pour les inégalités entre les mères et les pères ?
« Chaque enfant reçoit à la naissance un ‘sac à dos’ de droits de congé, dans lequel sont intégrés les congés existants liés à la naissance et aux soins ultérieurs de l’enfant. Le crédit familial prévoit également des modalités nouvelles ou adaptées, telles que (...) la stimulation de la prise de congé par les deux parents. »
Ce sont les mots de l’accord de gouvernement fédéral conclu entre MR, Engagés, N-VA, CD&V et Vooruit. Objectif annoncé : simplifier les congés alors que le système actuel est, il est vrai, complexe entre congé parental, crédit-temps, congés de naissance... Soit autant de dispositifs avec des conditions d’accès et des rémunérations différentes.
Un pot commun de congés à répartir entre parents
Là où, aujourd’hui, chaque parent (salarié) a droit à un congé de maternité/paternité, 4 mois de congé parental par enfant et jusqu’à 48 mois de crédit-temps, il y aurait demain un pot commun pour chaque enfant, fusionnant tous ces congés.
Nous en avons déjà parlé ici : la Ligue des familles s’inquiète de la durée et de la rémunération de ce futur congé unique. Le gouvernement prévoit de consacrer un budget de 25 millions d’€ à cette réforme. Cela peut sembler élevé, mais comme il est prévu d’homogénéiser les congés des parents salariés, indépendants et fonctionnaires, il est impossible, avec ce budget, de les harmoniser vers le haut. Certains congés seront donc revus à la baisse.
La Ligue des familles s’inquiète également de l’impact de cette réforme pour les inégalités de genre. Actuellement déjà, et même si l’écart se réduit au fil des ans, les mères recourent bien plus au congé parental que les pères. Qu’en sera-t-il demain si les parents peuvent se répartir les congés comme ils le souhaitent ?
En pratique, les mères prennent la plus grande partie des congés
D’autres pays ont déjà testé un tel système. En Finlande, le père et la mère pouvaient se partager un bloc commun de 158 jours de congés rémunérés. Dans les faits, les mères prenaient 90% du congé et les pères 10%, ce qui a mené à une révision du dispositif en 2022 afin de limiter les transferts entre parents. En Suède aussi, où une partie du congé est transférable, ce sont les mères qui y recourent à 75%.
C’est, selon toute probabilité, ce qui se passera chez nous aussi. Quand les parents ne trouvent pas de place en crèche, ce sont déjà aujourd’hui les mères qui arrêtent de travailler dans l’écrasante majorité des cas. Ne sera-ce pas encore accru s’il n’y a plus de congés dévolus à chaque parent, mais un seul pot commun lié à l’enfant ? Aujourd’hui, l’impact négatif d’un congé familial pour le budget du ménage est souvent moindre quand ce sont les mères qui y recourent, puisque les mères ont généralement le plus bas salaire du couple. Les familles n’auront-elles pas alors financièrement intérêt à ce que la mère prenne tous les congés qu’elle peut et le père le moins possible ?
Augmenter les congés, pas les diviser
Dans les Baromètre des parents successifs, les parents nous ont par ailleurs fait part massivement de leur volonté d’aligner le congé de naissance des pères et co-parents, actuellement de 4 semaines, sur celui des mères (15 semaines). Ajouter des congés, donc, plutôt que de répartir les congés existants entre les membres du ménage.
L’accord de gouvernement prévoit bien « une stimulation de la prise de congé par les deux parents ». Mais comment atteindre cet objectif en créant un congé lié à l’enfant à répartir entre parents ? Pour la Ligue des familles, encourager les pères à prendre des congés, cela passe par des congés mieux payés pour tous les parents afin de limiter l’impact pour le ménage si le parent ayant le revenu le plus élevé y recourt. Cela passe par un congé de paternité obligatoire pour permettre à tous les pères d’y recourir sans craindre des conséquences professionnelles. Cela passe enfin par des congés identiques pour chacun des parents, sans transfert possible, à la naissance, puis quand l’enfant grandit.
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