Crèche et école

« Il est important de laisser les enfants faire et être dehors »

AVANT-PROPOS

Avec sa nouvelle campagne, l’ONE appelle vivement les parents et les professionnel·les à sortir de leurs murs. Vinciane Charlier, responsable des projets transversaux à la direction ATL (Accueil Temps Libre) de l’ONE, explique ce qui a motivé ce choix.

La campagne « C’est dehors que ça se passe ! » naît d’une intuition. « Nous avions l’impression que la peur augmentait, que la société devenait de plus en plus sécuritaire avec, en corolaire, la notion de responsabilité brandie comme bouclier pour se prémunir de tout danger ». Peur. Sécurité. Responsabilité. Trois mots peu engageants. Comment les transformer en quelque chose de constructif ? C’est tout l’enjeu de la campagne.
Au-delà de l’intuition, un constat s’impose : les enfants jouent de moins en moins dehors. Cette tendance à la sédentarisation est présente dans la littérature. L’ONE souhaite en comprendre la source. En 2020, l’Office approche l’ULiège et le RIEPP (Recherche et Innovation Enfants-Parents-Professionnel·les) pour lancer une recherche sur le sujet. Sa finalité ? Objectiver la perception de l’extérieur des professionnel·les de l’enfance et des parents pour dégager des recommandations.
Paradoxalement, quand on interroge les parents sur leurs souvenirs d’enfance, l’extérieur est omniprésent. Dans l’imaginaire collectif, il est aussi chargé positivement. « Il suffit de replonger dans un chansonnier scout pour s’en convaincre. ‘Nous aimons vivre au fond des bois’, ‘Vent frais, vent du matin’, ‘Colchiques dans les prés’. Toutes ces chansons racontent le plaisir d’être dehors. Dans la vraie vie, les enfants y sont de moins en moins et leur liberté de déplacement se restreint. Le collectif Tous à pied a réalisé un poster très interpellant. Il y a 100 ans, un enfant de 8 ans disposait d’une autonomie de 10 kilomètres, aujourd’hui elle se limite à 300 mètres ! On sait pourtant que ces expériences sont très structurantes pour l’enfant. Expérimenter le dehors, c’est apprivoiser progressivement les risques de son environnement, gagner en autonomie, augmenter son estime de soi, tisser des liens riches avec la nature et les autres. »

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Comment expliquer ce repli généralisé au point qu’on parle aujourd’hui d’« enfants d’intérieur » ? Quels freins empêchent parents et professionnel·les de sortir ? Sur quels leviers agir pour les contourner ? Explications avec Élodie Razy, professeure à l’ULiège et coordinatrice du volet anthropologique de la recherche.

D’entrée de jeu, la chercheuse précise, l’étude se nourrit des perceptions des professionnel·les, des parents et des enfants. Elle ne mesure pas la réalité objective. Autre précision, la campagne n’est pas là pour agiter le bâton de gendarme et culpabiliser les parents, ils ont déjà assez de pression.

Parlant de pression, c’est celle du temps qui est citée en premier. Comment l’expliquer ?
Élodie Razy :
« Les parents sont engagés dans une course contre la montre permanente. Les standards pour être un ‘bon parent’ sont beaucoup plus élevés aujourd’hui. Le parent doit écouter, jouer, lire, s’intéresser, conduire, superviser, veiller… Ce qui rend la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle plus ardue. Les frontières entre les deux sont aussi plus ténues. Et là, on ne parle pas encore des aspirations personnelles. Quand on met tout ça dans le shaker, ça fait beaucoup !
Même dans un espace d’accueil comme une crèche, le temps manque. Déjà chez les tout-petits, il y a une attente parentale que le temps soit ‘consommé utilement’. Il y a une perception commune aux adultes qui veut que sortir, c’est nécessairement faire quelque chose ou se rendre quelque part. Cette vision met la barre haut. La campagne invite à changer de perspective. Toute sortie est bonne à prendre, aussi courte et simple soit-elle. »

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