Développement de l'enfant

Il se sent nul : de 6 à 11 ans

Il se sent nul : de 6 à 11 ans

De la petite enfance aux frémissements de la préadolescence, un seul mot d’ordre : s’incorporer. L’autre, c’est le Graal. On veut se fondre. On veut avoir pareil. Mais le long fleuve tranquille est fait de petits ruisseaux qui font de multiples détours avant de se plonger dans le ronron de la masse. Et alors là, l’estime de soi trinque sévère. Voyons comment remonter le moral des troupes.

6-8 ans

Il n’arrive pas à se faire des amis

On commence avec ce qu’il y a peut-être de pire pour la confiance en soi chez les petits : le fait de ne pas se trouver de potes. Vous savez que votre enfant est assis seul dans la cour de récré. Il est très peu invité à jouer le week-end, aux anniversaires ou autres soirées pyjamas. Ça vous fend le cœur et vous percevez que l’estime qu’il a de lui s’étiole de jour en jour.
La situation n’est pas nécessairement dramatique, mais mérite malgré tout votre plus grande attention. Souffre-t-il vraiment de difficultés relationnelles ? Et si oui, d’où viennent ces fragilités relationnelles ? Il peut y avoir autant de causes que d’enfants. Le plaisir des activités en classe qui prime sur le reste, une passion à observer les copains à distance, une peur de s’ouvrir au monde… une foule de raisons qui font que votre petit n’est pas nécessairement l’horrible antisocial ou le bouc émissaire que vous imaginez.

► Que faire ?

Mireille Pauluis, psychologue

Certains signes doivent attirer l'attention des parents : maux de ventre systématiques le matin, pleurs pour (ne pas) aller à l’école, difficultés à se lever en semaine… Cette situation mérite évidemment d'en parler avec un adulte responsable à l’école afin d'éviter qu’elle ne dégénère et que l’on bascule dans la phobie scolaire.
J’ai une façon bien à moi d’en parler avec les enfants. Je leur demande de me faire un dessin de la cour de récréation en se plaçant d’abord, puis en plaçant les copains et ensuite les copines. En faisant ainsi le tour de chaque enfant, ils se rendent compte très vite qu’il y en a d’autres qui vivent la même situation. Ils ne sont pas non plus dans le groupe avec lequel ils aimeraient jouer, mais ils sont là et peut-être prêts à jouer avec eux. Cet exercice dédramatise beaucoup les choses.

Il fait encore pipi au lit

Le classique des classiques. Que ceux qui ne se sont jamais angoissés à ce sujet étant enfants lèvent la main. En vérité, nous sommes totalement inégaux face à nos incontrôlables vessies. Plus d’un enfant sur dix continue à avoir des soucis urinaires après 6 ans. Mauvaise nouvelle, ça peut continuer plus tard, certains cas jusqu’à 15 ans, nous souffle-t-on.
Au-delà de l’aspect pénible des réveils la nuit et des machines à laver qui tournent plus qu’à leur tour, votre petit se sent pisseux. Si ça se savait, ce serait la honte assurée. Pourtant, il n’est en rien responsable. À cet âge, tout repose sur la capacité d’éveil de l’enfant, de sa vessie qui se contracte trop et de la production d’urine liée à une hormone antidiurétique qui dérègle tout.
Le ras-le-bol conduit certains parents à avoir recours à l’armada médicale. Vous entendez beaucoup parler de la fameuse alarme qui augmente le stimulus du réveil ou encore de traitements médicamenteux type oxibutinine, desmopressine ou tout autre artefact pour dompter la vessie. Ça peut marcher, certes, mais ça se joue ailleurs et jamais sans médecin.

Que faire ?

Même excédés, le plus important est de bien dire à votre enfant qu’il n’est pas responsable. Comprenez qu’il est honteux et qu’il craint les moqueries des uns et des autres. Vous pouvez même dédramatiser par un petit : « Mais oui, c’est de la faute de ta vessie sauvage ». Ce qui justifie à ses yeux pourquoi vous l’amenez voir un médecin. Il se sentira certainement plus à l’aise et pourra donc expliquer avec ses termes d’enfant ce qui ne va pas.
Deux maîtres mots dans l’affaire : patience et mise en confiance. On rappelle au passage que l’énurésie joue sur l’estime de soi et sur le développement personnel. Prudence, donc.

Elle n’arrive pas à quitter ses parents

Les enfants de votre entourage font un petit bisou à leurs parents et se séparent sans histoire. Trop facile. La vôtre frémit au moment de larguer les amarres, se cramponne et se met à hurler à l’idée de vous quitter. Tant pour les classes vertes que les stages ou même, à certains moments, pour l’école. Et vous sentez bien que le regard interrogatif des copains commence à la miner. Vous avez tout tenté. Rien n’y fait. S’enchaîne la spirale infernale où la simple idée de se séparer devient cauchemardesque et la confiance en soi descend en-dessous de la réserve.

Que faire ?

Vous avez tenté la méthode vigoureuse. Mais forcer la main n’a aucune vertu et peut même la bloquer. Pourquoi un tel pot de colle ? Vous pouvez lui demander d’expliquer ses peurs éventuelles. N’y aurait-il pas aussi une petite crainte de votre part à la voir partir ? À la savoir loin de vous ? D’où viennent ces peurs ? Sont-elles fondées ?
Il existe tout un tas de trucs préconisés par les parents et les experts interrogés. Essayez peut-être d’arriver plus tôt le matin. Instaurez un petit rituel le soir au moment du coucher et au réveil. Racontez-lui comment va s’organiser sa journée. Présentez-la lui de façon positive en quelques points jusqu’aux retrouvailles. Évitez de vous appesantir au moment des « Au revoir ». Un petit bisou, un signe de la main et hop, on tourne les talons. Oui, ça fait mal.
Vérifiez aussi auprès de l’école qu’il n’y a aucun problème de harcèlement, par exemple avec les copains ou autres. Et puis, quoi qu’il en soit, pas de panique. Rares sont les ados de 16 ans et plus qui pleurent le matin au moment de dire au revoir à leur maman… qui parfois en pleure !

Il lit moins bien que ses copains

Dur pour un petit de voir les potes déchiffrer les mots les uns après les autres et de rester à la traîne. Vous avez beau redoubler d’encouragements, il n’est pas dupe : il voit bien qu’il a du mal quand les autres s’envolent. Certains parents peuvent même perdre patience. Mais comme pour le pipi au lit, l’enfant n’est pas vraiment responsable. Et s’iI a encore besoin d’aide pour déchiffrer ou que vous devez pointer les syllabes, lui rappeler les sons qu’il n’a pas encore rencontrés souvent, pas d’affolement, peut-être est-il juste un peu plus lent. Après tout, chacun avance à son rythme.

Que faire ?

Élisabeth Jadot, logopède

Avant toute chose, pourquoi ne pas s’interroger sur son rapport à la lecture. Il arrive qu’un papa ou qu’une maman fana de lecture induise une forme de pression sur son petit qui se dit : « Ça a l’air important pour eux, je dois y arriver ». À l’inverse, un parent qui n’a jamais ouvert un livre ne renvoie pas une image des mots très agréable.
Il est important de rappeler à votre enfant que la lecture est un moyen d’apprendre des choses utiles, pour l’école, mais pour tellement d’autres choses aussi. Vous pouvez même parler de tablettes ou d’ordinateurs qui sont des carottes très efficaces aujourd’hui. Attention à toujours bien penser à utiliser un livre. Rien de plus beau que tourner les pages. On remarque qu’un enfant qui ne comprend pas pourquoi il apprend à lire ou explique que « Bon, il faut bien le faire parce qu’on est obligé » lira moins bien adulte.
Vous pouvez user de différents types d’arguments : « Attend, c’est génial, tu vas pouvoir raconter des histoires à tes petits frères » ou bien « Tu vas pouvoir découvrir toutes les histoires que papa et maman adorent ». Quelques petits trucs existent. Faites-le écrire au maximum, dévorez ensemble les livres pour enfants en pointant des images. Faites-le réfléchir sur la langue : « Cuisiner, tu crois que ça vient de cuisine ? ». Et bien sûr, plus que tout, encouragez-le. Ce sera le premier commandement de ce dossier.

9-11 ans

Il est malade à l’idée d’aller à l’école

Nous voici donc en plein cas de phobie scolaire, redoutée par tant de parents. À juste titre. Avant toute chose, que les parents soient conscients que c’est à prendre au sérieux. Un enfant simule rarement ce type de rejet. Il s’agit d’une maladie au même titre que le burn out, par exemple.
Certains symptômes sont physiques : perte d’appétit, nausées, vomissements, syncopes, malaises, douleurs abdominales, etc. Vous constatez également une forme de déclin des activités de groupe, une forme d’isolement. Cette phobie se fait même ressentir en dehors de l’école avec une peur du monde, de la foule, des autres, des transports en commun. À la maison, les comportements agressifs et dépressifs s’enchaînent. Le moral est au plus bas. Il est donc temps d’agir.

Que faire ?

Julie Bruyère, pédopsychiatre, hôpital Reine-Fabiola

Aux premiers signaux alarmants, il faut prendre les choses en main. N’hésitez pas à vous en remettre à un spécialiste. L’école, au travers du corps enseignant et du centre PMS, va vous aider une fois que vous vous en serez saisi. Le problème, en réalité, c’est rarement l’école en elle-même. Il s’agit juste de la partie visible de l’iceberg. Il faut aller chercher plus en profondeur. Il est important d’aider votre enfant à mettre des mots sur sa souffrance.
Votre rôle ? L’accompagner et l’aider à trouver des pistes. Plus un jeune est pris en charge rapidement, plus il a de chances de s’en sortir vite. Ensuite, n’hésitez pas à demander une aide professionnelle nécessaire à votre enfant pour dépasser sa peur. Ne blâmez pas l’établissement. Ce qui se joue à l’école n’est que le reflet de ce qui va se dérouler plus tard dans le monde adulte. Des relations riches, de l’adversité, c’est à la fois la beauté et l’effroi des vivants. Expliquez-le à votre enfant. Comme nous allons le voir tout au long de ce dossier, on dépasse ses fragilités en se heurtant à l’obstacle.

Elle se fait malmener par ses copains

Là encore, il est bon de se mettre à hauteur d’enfant. Difficile d’avouer que l’on a des problèmes avec ses copains. Pourtant, c’est loin d’être un cas isolé. Fait partagé par l’ensemble des intervenants : le harcèlement se fait de plus en plus tôt. Le carnassier, la proie. C’est vieux comme le monde.
À cet âge-là, ce n’est pas la différence qui attire les bourreaux, ni l’odeur du sang, mais bien les signes de vulnérabilité. Un gamin qui pleure facilement, qui a encore besoin de la présence des adultes, etc. À surveiller de près, car une fois le processus enclenché, il ne s’arrête pas de sitôt.

Que faire ?

Trouver la bonne distance, voilà la délicate mission de l’adulte. C’est-à-dire ouvrir l’œil, mais de façon à ne pas alerter la petite. Premier réflexe, foncer du côté de l’école et enquêter dans l’intérêt de l’enfant. Dans un tel cas, il est impératif de multiplier les interlocuteurs dans l’établissement.
Encore une fois, n’hésitez pas à laisser venir la discussion sans chercher tout de suite à soutirer les vers du nez de votre petite. Face à cette problématique, inutile d’agir avec empressement. Montrez que vous êtes là. Expliquez-lui avant qu’elle se couche, par exemple, que l’on n’est jamais dans une impasse. Que vous veillez pour qu’il y ait toujours un moyen de s’en sortir. Vous contrôlez la situation et allez faire en sorte que tout se passe bien. En un mot, elle a quelqu’un sur qui s’appuyer. Pour elle, ces mots sont précieux.
Le Ligueur attache une grande importance à la question du harcèlement, et particulièrement au cyber-harcèlement, mais nous reviendrons prochainement à celui qui se déroule chez les plus petits. Le phénomène semble en effet alerter quelques-uns des experts.

Elle refuse de parler en public

« Allez, Priscilla, c’est ton tour de présenter ton exposé ». Oui. Sauf que Priscilla, son exposé, elle a beau l’avoir travaillé comme une malade, la simple idée de prendre la parole en public lui fait perdre tous ses moyens. Et c’est comme ça pour beaucoup de choses. Répondre en classe alors qu’on connaît la réponse. Demander à aller aux toilettes.
Cette incapacité à parler en public relève de l’angoisse. C’est une forme de phobie sociale qui concerne le groupe. Elle subodore la crainte de l’image que l’on renvoie aux autres et d’un énorme manque de confiance en soi ou en ses capacités.

Que faire ?

La première chose à faire, c’est d’arrêter cette manie de lui caresser la crinière et de répéter à qui veut l’entendre : « Elle est tellement timide ». Votre enfant a besoin de se sentir soutenue. Votre rôle, c’est de l’encourager et de motiver ses efforts : « Allez, essaye, je suis sûr que tu y arriveras ». Faites-lui comprendre que sa timidité, elle va la dépasser.
En cela, les activités sont importantes. Pas faire du théâtre parce que c’est présenté comme la solution magique, mais bien cerner ce qui l’amuse et dans quoi elle va s’épanouir. Dessiner, chanter, cuisiner, bricoler… L’idée, c’est de lui permettre de s'exprimer de façon à ce que ce soit bénéfique pour elle, dans un contexte de confiance. L’acquisition de la prise de parole, ça se muscle. Vous allez donc jouer les coachs !

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Elle a honte de l'accent de sa mère

Qu’est-ce qui la gêne, au fond, cette enfant ? D’avoir une maman avec un gros accent bavarois ? Pas vraiment. À cet âge-là, faire corps, s’assimiler, c’est le dogme. Ce qu’il y a de plus important, c’est ce qui fait lien. La personne différente est très vite pointée.
Alors, quand papa-maman qu’on admire tant à cet âge-là montrent leur différence, c’est assez difficile à assumer. L’enfant a un peu honte, fait tout pour éviter les rencontres, les confrontations, n’invite pas chez lui. Alors que c’est plutôt joli, un accent sud-allemand…

Que faire ?

Il est donc important de lui montrer que ça vous fait de la peine qu’elle ait honte et peut-être entamer un petit chapitre sur la différence. Ce monde repose sur différentes cultures, différents avis, différents aspects, ce qui en fait sa richesse. Anticipez. Faites-la rêver. Expliquez-lui qu’un jour, elle sera fière de ses racines, de son histoire et racontez-la, cette histoire, en commençant évidemment pas ses plus beaux côtés.

LES CONSEILS DE NOTRE PSY

 « Quoi qu’il arrive, tu fais des progrès »

Mireille Pauluis : « C’est intéressant de voir d’où vient ce sentiment de manque de confiance, d’impression de nullité que peuvent parfois ressentir nos petits. D’abord, des différences. Pourtant, il faut les valoriser, ces différences. Je répète souvent que, pour moi, tous les enfants ont un haut potentiel, mais dans des domaines différents. Heureusement qu’on n’est pas tous des bons petits soldats. Tous semblables, tous identiques. La pensée unique, c’est dramatique.
Ensuite, la question sous-jacente à tout cela, c’est : ‘Est-ce que l’on va m’aimer ?’. Que les parents valorisent leurs enfants. Qu’ils leurs disent qu’ils les aiment tous pour plein de choses différentes. ‘Je t’aime, toi, parce que tu es gentil et que tu me fais des câlins’. Pas pour stimuler la performance, bien sûr, mais pour leur montrer que peu importe les difficultés, ils ont des qualités. Des qualités qui leurs sont propres. Ils vont construire leur vie autour de ce qu’ils aiment et de ce en quoi ils sont bons. Pourquoi c’est important ? Parce qu’ils sont en pleine construction. Il faut connaître ses faiblesses pour avancer, comme un grand champion.
À chaque problème, les parents peuvent trouver une solution propre à leur enfant. L’enjeu étant de dédramatiser et de faire comprendre que, de toute manière, il progresse. Au final, la tâche est assez aisée: soutenir les petits dans leurs compétences. Attention de ne pas encourager pour encourager. Souligner les forces de chacun.
Quant à la question de savoir si on s’inquiète, tout dépend. Je suis de plus en plus une adepte de l’observation. Ne vous précipitez pas dans votre diagnostic. Ne tirez pas la sonnette d’alarme trop tôt. Asseyez-vous et regardez-les jouer. Je ne dis pas de prendre part. Mais bien de les observer. Rien que ça. Ça donne énormément d’assurance à votre enfant. Être un observateur bienveillant et attentif, c’est ça qui le fait grandir. »

Il se sent nul : de 12 à 15 ans

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