Développement de l'enfant

Nos petits se chipotent dès le plus jeune âge et sont loin d’être des pervers pour autant... Ce geste a une toute autre signification chez la fille que chez le garçon, mais dans les deux cas, il vise à rassurer l’enfant. Décodage avec Stéphane Hérion, sexologue et thérapeute systémique.
Vers 2 ans et demi, un enfant sait déjà s’il est « un garçon » ou « une fille », sans forcément savoir ce que cela signifie exactement. Mais, même s’il n’a pas compris en quoi, ni comment, il sait à quel genre il appartient. Certains connaissent déjà la nuance sexuelle et vous poseront la question franco : « Toi, t’as un zizi ou t’en as pas ? »
Au même titre que l’acquisition de la marche, certains s’y intéressent plus tôt que d’autres, en fonction de ce qu’ils privilégient dans leurs apprentissages du moment. C’est vers 6-7 ans qu’ils ont normalement compris la différence entre les sexes et l’utilité de cette différence ! Entre-temps, ils passeront par toute une évolution, notamment par la découverte sensorielle - et donc physique - des parties génitales. Cette étape est tout à fait normale et fait partie des apprentissages de la vie d’un tout-petit.
Ne vous inquiétez donc pas s’il se chipote le pénis devant vous dans le bain, il n’en est pas exhibitionniste pour autant ! En effet, il n’y a aucune connotation sensuelle ou sexuelle à son acte, il joue simplement avec « le petit bout qu’il a entre les jambes », au même titre qu’il pourrait tourner ses doigts dans les cheveux au moment de s’endormir. Mais cela va évoluer, au fil de ses découvertes. Et encore une fois, filles et garçons auront déjà d’autres motivations.
La fille veut se rassurer
Tôt ou tard, mais surtout par hasard, la petite Anaïs, autour de 2 ans et demi, découvre son clitoris et le plaisir qu’il lui procure, que ce soit au moment de se laver, quand elle va à la toilette ou encore sur une balançoire. Elle réalise alors que cette sensation relève du bien-être et que ce toucher l’apaise, la rassure, la détend, lui fait oublier des émotions désagréables, des douleurs éventuelles…
Encore une fois, cela n’a rien d’érotique ni de sensuel, et cela fait partie de l’apprentissage naturel du corps et de ses fonctions. Certains pourraient ajouter que cette découverte est tout à fait souhaitable, mais cela dépend des valeurs et des sensibilités culturelles ou personnelles de chaque parent. Quoi qu’il en soit, chaque petite fille y passera.
« Si votre enfant se touche trop souvent à votre goût ou à des moments ou dans des lieux incongrus, cela pourrait toutefois être le signe qu’elle est très anxieuse. Si vous constatez que cela persiste et que cela vous inquiète, il serait dès lors intéressant de vous poser la question de savoir pourquoi elle a tant besoin de se rassurer, plutôt que de la juger », explique Stéphane Hérion.
Est-elle sous pression ? Est-elle inquiète ? Il serait maladroit de lui dire : « C’est mal », « Sale » ou « Ce n’est pas bien », puisque ce message, s’il en reste là, pourrait lui laisser penser que les comportements d’ordre sexuels le sont également. Or, cette transmission de connotation négative pourrait influencer sa sexualité adulte. Le rôle du parent sera de l’observer avec un regard bienveillant et de l’aider à trouver des solutions à un problème éventuel.

Le garçon veut « le » garder
Le petit Léo, quant à lui, ne se touche pas parce qu’il a du plaisir. Au contraire, d’ailleurs, il faut savoir qu’un gland non circoncis est ultra-sensible, une goutte d’eau tempérée peut lui donner une sensation de brûlure. Il pleurera s’il est encore un bébé et tiendra ensuite son pénis en main pour remettre son prépuce en place, histoire d’éviter les sensations douloureuses du frottement dans le slip ou le lange.
Il se pose par ailleurs des questions sur la nature de cet organe visible puisqu’extérieur et constatera que certains en ont un, mais que d’autres n’en ont pas… voire plus ? Cela signifie-t-il qu’on peut le perdre ? Il va donc le toucher régulièrement pour s’assurer qu’il est toujours là. Et puis, il va constater qu’à certains moments il devient dur. Parfois quand il le tient et parfois spontanément, parfois quand il fait pipi ou tout simplement quand il le regarde. Le fait de le voir se durcir deviendra un plaisir. Encore une fois, sans connotation érotique, mais plus par curiosité, par découverte, par apprentissage de son corps.
L’étape suivante sera d’observer si les autres fonctionnent de la même façon. « Ah, toi aussi tu deviens dur quand je te tripote le zizi ? » et votre bambin ira balader ses mains entre les jambes de son copain. Pareil pour les filles. Il ne serait pas étonnant qu’il glisse un doigt dans le vagin de sa copine sous sa jupe, pour voir « ce qu’il y a chez elle ». « Et tiens, est-ce que ma petite voiture rentre aussi ? ». Pas de quoi crier au scandale, à l’attouchement sexuel ou à l’homosexualité, nos bambins passent par une phase de découverte, rien de plus. Puisque, comme pour tout apprentissage, l’enfant découvre par la manipulation et non par de longs exposés théoriques.
Il sera sans doute utile, à ce moment là, de leur fournir quelques explications, mais en tous cas pas question de prétendre qu’un « mini-harceleur » sévit dans l’école de votre enfant. Parce que, encore une fois, il serait dommage de leur envoyer le message que ce qu’ils font est sale...
Les enfants passent par une phase de découverte, rien de plus et , comme tout apprentissage, ils découvrent par la manipulation
Des règles... douces
Vous voilà rassurés sur le fait que votre poussin ou votre princesse n’est pas un pervers ou une perverse en puissance. « Ce qui ne signifie pas pour autant que tous y passeront forcément, précise Stéphane Hérion. Tout dépendra de ce que votre enfant investira, et à quel moment ». Ce qui est sûr en revanche, c’est que ces comportements, bien qu’ils soient naturels et légitimes, ne doivent pas entraver votre propre sensibilité et celle de votre entourage.
En clair, si cela vous dérange que petit cœur se masturbe devant la télé dans le salon ou si vous n’avez pas envie qu’il se chipote devant Tata Mireille, il est juste et même pédagogique d’instaurer certaines règles en douceur. « Mon cœur, tu as le droit de te toucher si tu en as envie, mais j’aimerais que tu ne le fasses pas devant d’autres personnes, parce que c’est quelque chose qui est intime et qui ne regarde que toi. J’aimerais donc que tu ne le fasses que dans ta chambre, par exemple, ou dans les toilettes ». Il est d’ailleurs essentiel de faire entendre ce que vous ressentez en tant que parent et de l’expliquer, toujours en douceur, à votre petiot, pour lui apprendre à respecter la sensibilité des autres.
« Si vous le laissez se masturber devant vous alors que cela dérange quelqu’un de son entourage, il le verra ou le sentira. En le laissant faire malgré tout, vous lui montrez comment ne pas se respecter ou ne pas respecter les autres : les enfants font ce qu’on fait, pas ce qu’on dit, précise le sexologue. Il est important d’expliquer la sexualité à nos enfants parce qu’ils ont accès à énormément d’informations dans tous les sens. C’est comme si on les précipitait sur une autoroute à quatre bandes sans leur donner le code de la route, sans leur expliquer comment freiner, respecter la vitesse des autres voitures et surtout comment sortir de celle-ci. Il est nécessaire de les aiguiller, sans forcément les brider.
Ni bien, ni mal
« Quand j’ai vu mon Hugo de 3 ans se masturber devant moi dans son bain, je peux vous dire que ça m’a pour le moins surprise, s’exclame Julie. Mieux vaut avoir le cœur bien accroché ! ». Et il faut le reconnaître, être confronté à l’activité sexuelle de ses enfants est bien souvent désarçonnant pour un parent.
Sachez toutefois que votre réaction à ce moment-là pourrait avoir un impact sur lui. Si vous lui dites : « Arrête de te toucher en public, c’est sale, dégoûtant ou pas bien », vous donnerez une connotation négative à son geste. Or, l’enfant n’est pas encore capable de prendre du recul et pourrait associer le négatif au fait de se toucher les parties intimes ou tout simplement au fait de se faire du bien.
« Pas de quoi vous flageller non plus en tant que parent, votre influence sur sa sexualité ne sera pas plus prégnante que celle que vous aurez sur sa manière de manger ou de s’habiller. Il sera tout autant influencé par ses pairs et ses futures expériences d’adolescent, par exemple », relativise le sexologue. Ce n’est donc ni bien, ni mal, c’est tout simplement normal. D’ailleurs, pourquoi faudrait-il découvrir la sexualité par le langage, s’interroge Stéphane Hérion, alors que tout le reste se fait par le toucher, la manipulation et l’apprentissage concret ?
EN BREF
La règle des trois !
« Il serait intéressant qu’un adulte leur explique qu’ils jouent à un jeu d’adultes, auquel il n’est pas interdit de jouer pour autant, mais pour lequel il faut respecter certaines conditions », conseille encore le sexologue.
- Première condition : « La personne avec qui je joue doit être non seulement d’accord de jouer, mais aussi de poursuivre dans chaque nouvelle étape du jeu, du début à la fin. Es-tu d’accord que je te touche ? Que je mette mon doigt ? Que je mette autre chose ? »
- Deuxième condition : « La personne avec qui je joue à ce jeu a le même âge que moi (un an de plus ou de moins tout au plus) ». Parce qu’à 3 ans, on ne cherche pas à comprendre la même chose qu’à 6 ans, et si les enfants ne sont pas dans la même phase de découverte, cela risque de poser problème, à savoir que le plus âgé des deux pourrait aller trop loin par rapport à ce que cherche le plus jeune.
- Troisième condition : apprendre à votre enfant à dire « non » ainsi qu’à respecter le « non » de son copain sera une arme bien utile tout au long de sa vie.

COMMENT LE DIRE ?
L'importance des mots
Kiki, zizi, mimi ou zezette ? Peu importe le terme, tant qu’il n’a aucune autre signification. Autrement dit, il est déconseillé d’employer des termes tels que « pipi » qui est en réalité liquide ou « bijoux de famille », dont la comparaison est lourde de sens, ou « prune », qui peut se manger. L’idéal serait d’utiliser simplement les termes corrects que sont « pénis » et « vulve », mais pour ceux qui préfèrent des termes plus enfantins, mieux vaut se calquer sur les termes que votre enfant choisira. Si celui-ci a déjà une autre signification, expliquez-lui tout simplement. Veillez également à ne pas dire qu’une fille n’a « pas de zizi ». Cela pourrait lui laisser penser qu’elle est inférieure au garçon qui a quelque chose « en plus », alors qu’elle a juste quelque chose de différent qui est caché.
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