Développement de l'enfant

Jeux et jouets au top

Jeux et jouets au top

Les petits enfants jouent avec trois fois rien, et ça les fait grandir. Quels sont les jeux et jouets qui leur apportent tant et qu’ils affectionnent ? Nous avons posé la question à une kinésithérapeute, une psychologue, un psychomotricien et une logopède. Elles et lui nous racontent leurs essentiels.

Dans leur pratique professionnelle, ces quatre-là rencontrent beaucoup de bébés et de jeunes enfants. Présentations. Bénédicte Guislain, kinésithérapeute pédiatrique Bobath (neuropédiatrie) certifiée NIDCAP (pour « neonatal individualized developmental care program »). Pascale Gustin, psychologue et psychanalyste, formée à l’approche sensorimotrice du développement d’André Bullinger – une approche riche et complexe qui met l’enfant au centre de son développement. Nicolas Ryez, psychomotricien. Et Doris Morbois, logopède.
Elles et lui ont joué le jeu. Sans souci d’exhaustivité. Leurs regards croisés se rejoignent. Motricité, psychisme, cognition, échanges affectifs et langagiers, plaisir partagé : tout est intimement lié. La kinésithérapeute mise sur « les jeux qui soutiennent le développement psychomoteur de l’enfant, selon ses compétences du moment et celles qu’il est en train de préparer », sur « les jeux et les gestes du quotidien qui renforcent les interactions et aident à grandir ». La psychologue montre l’importance de « favoriser l’activité libre de l’enfant » : « C’est lui qui va marquer un intérêt pour l’une ou l’autre chose parmi toutes celles qu’on lui propose et la transformer en jeu ». Leitmotiv cher au psychomotricien : « Construire l’espace de son propre corps est un préalable pour pouvoir investir l’espace extérieur ». La logopède valorise « les jeux qui soutiennent l’attention conjointe », et par là les échanges et l’imitation, car cela ouvre au langage, à la communication.
Leurs coups de cœur ne sont pas forcément des jouets à proprement parler. Ils ne coûtent pas cher. Pas mal de jeux et jouets évoluent aussi avec les enfants : on les retrouve aux étapes successives de leur développement, chaque fois investis d’une nouvelle façon. Exemples types : la balle ou les pots gigognes. Aussi, si des âges sont indiqués dans cet article, ils servent d’abord de repères, pas de limites cadenassées. D’autant qu’il y a une grande variabilité entre enfants.

Les sens en éveil

Au cours des trois premiers mois de l’enfant, jouer avec lui, c’est surtout interagir à travers le portage, les bercements, le toucher, les échanges de regards, le lien qui se tisse… « À un tout petit bébé, on offre ses bras, son visage, sa voix – c’est beau, une voix humaine », plaide la psychologue Pascale Gustin. « Le corps est source de jeu, de plaisir sensorimoteur, dit en écho la kinésithérapeute Bénédicte Guislain. Déjà les soins (sur la table à langer, lors du bain…) sont des jeux pour un tout-petit ».
Une peluche douce au toucher, une sonnette qui s’agite à proximité, le joujou d’un mobile effleuré par hasard… « Au début, le bébé est soumis à une certaine passivité puisqu’il ne peut pas encore aller chercher les objets autour de lui. Mais on lui en présente pour lui permettre d’être actif », assure Pascale Gustin. Il suffit de pas grand-chose pour attirer son attention et éveiller ses sens.
Un standard à partir de 2 mois : un tapis, à ne surtout pas choisir trop mou. « Il doit être assez ferme, pour que l’enfant puisse initier du mouvement et avoir des points d’appui », précise le psychomotricien Nicolas Ryez. « C’est là que l’enfant grandit », aime à répéter Bénédicte Guislain aux parents qu’elle rencontre. Libre dans ses mouvements, il y fait ses expériences sensorimotrices, il y développe ses compétences.

Œil-main-bouche

Progressivement, entre 3 et 7 mois, « pour connaître les objets avant de les manipuler, l’enfant les goûte, les éprouve avec sa ‘bouche de main’, aurait dit Françoise Dolto », sourit Pascale Gustin. C’est le temps de la préhension, qu’il maîtrise petit à petit. « Vers 6 mois, le bébé attrape de façon volontaire et coordonnée un objet qui lui est présenté, explique Bénédicte Guislain. Il le prend avec les deux mains, le passe ensuite d’une main à l’autre. La coordination oculo-manuelle s’installe. On parle du triangle œil-main-bouche : il regarde, prend, met en bouche ».

Pas mal de jeux et jouets évoluent avec les enfants

Pour la logopède Doris Morbois, mettre en bouche « est essentiel pour la perception de la bouche, pour pouvoir, plus tard, arriver au langage ». Succès assuré pour les hochets, aux formes, textures, couleurs de plus en plus variées. Dans cette catégorie : coup de cœur généralisé pour la balle-hochet légère, souple et faite de trous. « L’enfant s’en saisit facilement, y passe les doigts, la met en bouche, l’écrase, y exerce sa force », résume Pascale Gustin.
Nous en parlons ici, mais les bulles de savon, si affectionnées par Doris Morbois, ont leur place à tous les âges. « Ça fonctionne très bien très vite. Elles descendent lentement. On les regarde ensemble – ‘Oh ! regarde là, une bulle’. On les pointe du doigt. L’enfant suit leur trajet, va essayer de les attraper, souffler dessus. On les commente : ‘Une grosse bulle. Une petite bulle’ ». Un jeu tout simple, aux atouts incroyables.

Disparaître et réapparaître

Entre 7 et 12 mois, le bébé bouge de plus en plus, en rampant, à quatre pattes. « Bouger, c’est déjà jouer », pour Bénédicte Guislain. Une balle en tissu ou un gros camion qui roulent (pas trop vite, pas trop loin) l’invitent à se déplacer. « Cela permet de jouer avec l’espace », ajoute Nicolas Ryez. C’est le début des échanges « Je te donne, tu me donnes » et du « Chacun son tour ».
Autre jeu qui grandit avec l’enfant, unanimement célébré par notre quatuor : les pots ou boîtes gigognes – de forme ronde, plus facile pour des menottes que la forme carrée. L’enfant manipule un contenant, puis plusieurs. Dans tous les sens. Il réussira à les emboîter, en fera une tour de plus en plus haute. Là, il joue à mettre dedans, à mettre dehors. Un pot, une boîte disparaît et réapparaît. Ses expériences l’aident à acquérir progressivement la permanence de l’objet. Il commence à comprendre que même si une chose ou une personne (et donc, son parent) n’est plus là, ce n’est pas pour autant qu’elle n’existe plus. Le jeu est fertile. D’autant qu’« il permet à l’adulte de mettre des mots simples sur ce qui se passe », pointe Doris Morbois.
Tout cela démarre déjà quand l’enfant est plus petit : « Il est couché sur la table à langer, on lui met un tétra sur le visage un instant, pas plus, puis on le retire avec des ‘Oh, oh !’ », note Pascale Gustin. Tout cela se poursuit longtemps « avec la couverture couvrant une chaise, avec le tunnel (intéressant dès que le ramper ou le ‘quatre pattes’ sont assurés) et avec la cabane ou le tipi, où il va pouvoir se cacher, s’isoler, faire sa popote », propose Nicolas Ryez.
Sur le plan de la motricité fine, c’est le temps des jeux d’encastrement, des puzzles, des gros cubes, simplissimes. Des classiques qui continueront longtemps à accompagner l’enfant, en se complexifiant.

Action-réaction

L’enfant acquiert la marche vers 14 mois. « Judicieux pour la préparer : un espace en relief, avec un petit banc, un tabouret, un panier à linge retourné… sur lesquels il s’appuie pour se mettre debout. Les marches des escaliers sont un autre excellent jeu », pour Bénédicte Guislain. Et puis, il y a les caisses, à utiliser de mille façons : « On s’y met, on en ressort, on les remplit, on les pousse… ». Une fois la marche acquise, les chariots à pousser, les petits engins à enfourcher, les draisiennes (à quatre roues, avant le « deux roues »), c’est top. L’enfant part à la conquête de l’espace. « Il expérimente l’éloignement et le rapprochement, le respect des règles aussi », dit Pascale Gustin.
Entre 1 an et 1 an et demi, il commence à se familiariser avec les liens de cause à effet : « Je fais une action, cela produit telle réaction ». C’est vrai avec les instruments de musique. C’est vrai avec cette plaquette avec quatre animaux cachés dans leur trappe ; pour les faire sortir, l’enfant doit effectuer différentes manipulations : appuyer, tirer, tourner, pousser. « De nouveau, un jeu pour faire apparaître et disparaître, s’enthousiasme Pascale Gustin. Au début, l’enfant a besoin de l’aide de l’adulte pour actionner les boutons. Quelle victoire quand il y parvient seul ! ».

Raconter et se raconter

1 an et demi, 2 ans, 3 ans. L’enfant recourt de plus en plus aux objets et à ses jouets comme moyen d’expression. À travers le jeu symbolique, il raconte quelque chose de son vécu affectif et relationnel, et il « dialogue » avec son entourage. À côté de ses animaux en figurines, de ses poupons et de ses petites voitures, « il utilise peut-être des cubes pour se représenter lui et les autres », observe Pascale Gustin. La caisse ou la cabane se transforment en maison, en magasin ou en garage.
Certains jeux d’hier sont réinvestis autrement. D’autres deviennent plus élaborés. Des jeux disparaissent. D’autres apparaissent. Comme le jeu de pêche à la ligne magnétique. Ou le micro qui amplifie la voix. Souvenir, souvenir…

EN PRATIQUE

À essayer, à laisser

  • À ne pas oublier : les comptines, les jeux de mains et les chansons. Les histoires et les livres. Les gribouillages. À oublier : les écrans !
  • Dans son palmarès de jeux-jouets, Doris Morbois place… l’album de photos de famille (en format papier, donc), celles des moments partagés avec l’enfant. « Un support super riche. On regarde, on pointe, on nomme, on commente, on raconte : ‘Tu te rappelles, on a vu cela’, ‘Qui était là ?’, ‘Qu’est-ce que tu faisais ?’. Cela parle à l’enfant, on plonge dans SON histoire ».
  • Les objets du quotidien sont une source inépuisable de jeu. Pensez à vos cuillères en bois et à vos récipients en plastique !
  • Le dehors, la nature invitent au jeu. En plus du bac à sable et des toboggans, échelles, murs d’escalade adaptés à l’âge de l’enfant.
  • À éviter, « les jouets qui sollicitent trop de sens à la fois : ça n’a pas de sens pour l’enfant ! », dit Bénédicte Guislain.
  • Une idée intéressante : mettre de côté deux, trois jouets, puis les ressortir. L’enfant les réinvestira autrement, avec ses compétences acquises entre-temps.
  • Autre bon plan : ranger les jouets. « Quand tout est sens dessus dessous tout le temps, l’enfant ne joue plus à rien. À côté de cela, un bac fourre-tout, c’est sympa aussi », conclut Bénédicte Guislain.

MAIS AUSSI...

Stimuler, ni trop, ni trop peu

Comment donner à un petit enfant sa « juste » dose de stimulations ? En faisant attention à son état. Quand il montre des signes de fatigue, il ne faut pas insister. Mais encore ? Notre quatuor s’accorde pour interroger la disponibilité de l’adulte et de l’enfant, et prendre en compte le besoin de pause de ce dernier.

Stimuler, ni trop, ni trop peu