Santé et bien-être

L’Évras à l’école en 1974

En réalisant la ligne du temps de l’Évras (voir plus bas), nous sommes tombés sur une émission diffusée sur la Télévision Scolaire début janvier 1974. Destinée aux enfants de 5e et 6e primaires, elle abordait, en trois épisodes, la question de « l’éducation sexuelle et affective ». À l’époque, l’initiative fait pas mal de bruit. Au point que la Ligue des familles, dans le courant du mois de février, organise une table ronde pour débattre du sujet. Elle fera l’objet de deux grands articles dans le Ligueur.

« Nos enfants appartiennent à une génération de l’image alors que leurs parents appartiennent à une génération qui a appris ces choses par la parole et par le texte. C’est là, peut-être, une source de conflits ». « Je crois que les parents appartiennent, quel que soit leur âge, à une génération sacrifiée, comme on dit, parce qu’ils ont vécu dans un climat fait de tabous sexuels, alors qu’aujourd’hui on étale la sexualité partout ». En lisant ces phrases prononcées cinquante ans plus tôt, on ne peut s’empêcher de faire des rapprochements avec ce que l’on a entendu et lu autour de l’Évras ces dernières semaines.
Cette émission, on peut la voir sur le fabuleux site des archives audiovisuelles de la Sonuma. Le reportage a évidemment vieilli et paraît désuet, mais à l’époque c’est une révolution. Parler de sexe à l’école, c’est « aborder un sujet qui était laissé un peu dans l’ombre », explique avec euphémisme Bernard Versele, psychologue, mais qui a aussi donné son nom au célèbre prix de littérature jeunesse. Cela ne s’est pas passé sans heurts. La chargée de mission au ministère de l’Éducation Nationale le constate : « Dans l’enseignement officiel, les réactions ont été, ou bien très favorables, ou bien violemment opposées ». Même topo dans l’enseignement catholique.

Questions connues

Le fond des débats est identique à celui qui est de mise aujourd’hui. Pourquoi exposer les enfants à la sexualité ? Est-ce que ce n’est pas un sujet qui doit être avant tout abordé en famille ? Pourquoi les parents n’assistent-ils pas à ces projections ? Les enfants ne risquent-ils pas d’être traumatisés ? Autour de la table, la nécessité de ce type d’initiative semble faire l’unanimité. Une intervenante le martèle : « Il m’apparaît absolument indispensable de faire cette éducation à l’école, même si on la fait à la maison ». Un autre participant ajoute : « Je crois que faire des films pour des enfants de 10-13 ans, c’est déjà trop tard. L’information sexuelle doit être faite le plus tôt possible ». 
Parmi les récriminations des parents, celle de ne pas avoir été assez informés, voire intégrés, en amont. Autour de la table, pas vraiment d’acrimonie, tout est posé, réfléchi, même si certaines divergences s’expriment notamment sur les ingrédients et l’équilibre sexuel/affectif du documentaire. Mais l’intérêt porté au support audiovisuel est là. Le secrétaire général de la Ligue des familles évoque même la possibilité d’avoir des films de ce type à destination des parents. « Ce métier de parent doit s’apprendre et la télévision en tant que moyen d’éducation populaire pourrait y contribuer ».

Une séquence qui fâche

Mais d’où vient le vent de contestation ? Il semblerait qu’à l’époque, six secondes du programme font polémique. On y voit une jeune fille nue. « Il y a eu un braquage sur ces images », indique le conseiller pédagogique au secrétariat national de l’enseignement catholique. Ce à quoi un intervenant répond : « Est-ce que vos enfants ne se promènent jamais dans certaines rues où à chaque cinéma vous avez toutes les affiches possibles et imaginables ? ».
Au fil de l’entretien, une militante liégeoise de la Ligue des familles lance un constat : « On se trouve devant une situation où on parle de sexe à longueur de journée sous diverses formes et pas seulement à la TV. Les parents sont absolument coincés et je comprends leurs réactions assez vives. Ils sont frustrés par les événements. La première attitude est de vouloir reprendre ce qu’ils croyaient être à eux, alors que ce n’est plus à eux depuis très longtemps, mais ils ne l’ont pas encore vu ».
On imagine la teneur et l’allure du débat si, à l’époque, les réseaux sociaux avaient déjà existé.

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