Loisirs et culture

La ludothèque, parent pauvre des politiques culturelles

Nous sommes les premiers à le crier sur tous les toits : le jeu est un produit culturel à part entière. C’est acquis, on ne reviendra pas dessus. Mais qu’en est-il de son lieu de promotion privilégié, les ludothèques, et comment sont-elles soutenues au niveau politique ? Ouvrons la boîte pour y découvrir les règles du jeu.

La campagne des élections régionales est déjà un lointain souvenir. Comme à son habitude, elle fut teintée de tout un tas de bilans de fin de mandat. Ainsi, Bénédicte Linard, alors ministre multi-portefeuilles dont celui de la Culture, arborait fièrement le sien, notamment le renfort du budget alloué aux médiathèques et ludothèques. Hélas, plusieurs acteurs de la ludosphère nuancent : quid des ludothèques hors giron des médiathèques ? Ainsi, Jeremy qui dirige un gîte dédié au jeu ne peut pas s’empêcher de regretter le peu d’intérêt que l’on porte aux bienfaits du jeu. « Dommage qu'au niveau politique, on le voit toujours comme un divertissement pour enfants et non comme un objet culturel pour tous... ».

Une sous-catégorie ?

L’ancienne ministre réplique dare-dare que, pour elle, il est bien plus que cela. Il participe au développement, à l’apprentissage de savoir-faire, de valeurs et crée aussi du lien social entre les joueurs et joueuses. « C'est pourquoi j'ai également mis en place un dispositif visant à mieux soutenir les ludothèques », justifie-t-elle.
À juste titre. Il existe effectivement un dispositif qui vise à leur filer un coup de pouce, mais seulement celles présentes aujourd’hui dans les bibliothèques. Or, le jeu - support qui favorise différents apprentissages, mais aussi les échanges et les liens sociaux, on le voit chaque année lors des sélections jeux du Ligueur -, dans toute la diversité des univers qu’il propose, se décline de plein de façons. Dès lors, pourquoi ne le cantonner qu’à une sous-catégorie ?

« L’expérience doit être au cœur du jeu. Il faudrait faire jouer les politiques pour les sensibiliser » Ann Pichot, chargée de communication de Ludéo (centre de ressources ludiques de la Cocof)

Pour Jérémy, il est plus que temps de le reconnaître tout comme le livre, le cinéma, etc. « D’autant qu'en Belgique, nous avons de gros acteurs du jeu comme Repos Production, Azao Games, etc. On voit s'ouvrir de plus en plus de bars à jeux ou des espaces ludo à droite à gauche. Cela prouve que la société est demandeuse. Heureusement Ludéo (centre de ressources ludiques de la Cocof) est là pour valoriser cet outil, mais uniquement pour Bruxelles. Aucun subside n'est octroyé en Wallonie. Le jeu ne doit pas attendre le reste du budget octroyé au livre et doit se voir délivrer un budget pour lui ».

Royaume du jeu

On pousse donc les portes de Ludéo, où l’on rencontre Ann Pichot, sa chargée de communication. Ce débat, elle l’illustre en chiffres. À Bruxelles, on dénombre 34 ludothèques : 12 communales, 22 associatives. Elles bénéficient en moyenne de 2 900€ si le jeu est leur activité principale et 2 300€ de subsides pour les autres. Par mois ? Non. Par an… Le budget attribué au jeu s’élève à 123 000€ par an en tout et pour tout. Une bagatelle vu les besoins. Encore plus quand on le compare à celui des 56 bibliothèques en Région bruxelloise qui bénéficient de plus d’un million d’euro. Pour la Wallonie, il est nul, même si l’asbl Ludobel.be mène un vrai combat, façon David contre Goliath.
La chargée de com’ déplore que l’appui à cette entité culturelle ne soit pas une priorité politique. « Les ludothèques bricolent. Elles se débrouillent comme elles peuvent pour se financer. Et à l’heure où on parle, impossible de dire à quelle sauce on va être mangé dans les semaines à venir ». Dommage, car il se passe plein de choses autour de ces évènements. Le jeu rassemble toutes les sphères. Il est essentiel à bien des égards. Les ressources ludiques que Ludéo met à disposition de toutes et tous, s’adressent tant aux familles qu’aux écoles, aux infirmiers et infirmières dans les hôpitaux pour enfants qu’aux syndicalistes même.
« Avec plus de financement, reprend Ann Pichot, on pourrait faire tellement plus de choses. Il faudrait inciter les gens à voir comment se passe une séance collective de jeux. Parce que ça ne doit jamais être théorique. L’expérience doit être au cœur du jeu. Il faudrait faire jouer les politiques pour les sensibiliser. On avait déjà mis en place une sorte de questionnaire ludique autour des financements des ludothèques et les politiques étaient loin de la réalité. »
Ann Pichot rappelle cependant que, si maigre soit le budget, notre Royaume est le seul au monde qui alloue un budget aux ludothèques. Nous sommes pionniers. Timides, certes. C’est le début du jeu. À nous, parents et enfants, joueurs, joueuses de peser pour que la partie se poursuive.

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