Crèche et école

La montagne, ça les gagne

Une classe de neige, une belle occasion de partager des moments forts entre copains et de (res)souder les liens avec les profs. Au-delà de l’événement ludique, cette sortie apporte plein de choses. Mais à séjour mémorable, organisation rigoureuse. Pour cela, deux professeurs et un guide de montagne nous livrent leur avalanche de conseils.

Rien ne vaut l’océan, estime votre serviteur. Mais ceux qui ont eu la chance de chausser combinaison et bonnet à pompon vous le confirmeront : la montagne est une rencontre unique.
Contrairement à ce que pensent certains parents, une petite virée pédagogique y est tout à fait légitime, nous apprend Agnès, enseignante. Elle qui, depuis plus d’une quinzaine d’années, guide ses classes en Suisse, en France et même en Slovaquie quand les budgets sont serrés.
« Chaque année, je m’efforce de le répéter aux parents : apprentissages et acquis y font sens. Le dépaysement apporte aux petits une source inépuisable de motivation. Au-delà des contenus pédagogiques, les activités de pleine nature favorisent l’autonomie. Il faut les impliquer au maximum, ne serait-ce que pour les motiver et les responsabiliser. »

« Ce ne sont pas des vacances »

Pour Agnès, la notion de projet collectif prend tout son sens. « Ce ne sont pas des vacances. D’année en année, j’invite les enfants à réaliser eux-mêmes certaines étapes. Comme préparer leur valise (voir encadré), changer leurs euros en francs suisses, prévoir une gestion de leur temps sur place et même préparer les réunions d’infos aux parents. Hors de question que tout soit à la charge des enseignants ou des parents. Ce n’est pas le Club Med », affirme-t-elle.

Impliquer les parents dans le projet… jusqu’au moment du départ !

Jonathan est professeur et parent de deux filles de 8 et 11 ans. Il travaille dans une école où les revenus des familles sont très contrastés. Ses classes sont transversales. Il peut alors programmer une sortie neige tous les deux ans. Il laisse donc aux enfants et aux parents pas mal de temps pour réunir les fonds.
Il s’appuie sur deux leviers, la mutualisation des revenus - chaque famille participe à hauteur de ce qu’elle peut - et des activités qui vont financer une partie du voyage. « Ça peut-être des gâteaux, des boissons que l’on va distribuer, des concerts d’élèves, des ventes de seconde main. Mon conseil aux parents : faites en sorte que vos petits se sponsorisent seuls, ça les implique à fond et ils ont la fierté de s’être payés une partie du voyage ».

Autre astuce, anticiper sur le calendrier de toutes les zones hors de Belgique pour que le séjour se déroule hors vacances scolaires. « On a tendance à se baser uniquement sur nos propres congés et ça peut vite faire grimper l’addition ». Pour Jonathan, facile. Le budget est toujours le même puisqu’il choisit toujours la même destination. Il sait donc exactement combien il doit récolter. Pour Agnès, c’est plus compliqué. D’une année sur l’autre, les familles n’ont pas les mêmes motivations. L’établissement dans lequel elle travaille n’est pas toujours partant pour ce genre d’excursion. Sa solution ? S’adapter.

« Je fais vraiment en sorte de créer au minimum un groupe de quarante élèves. Mais c’est fluctuant, alors si personne n’est motivé pour trouver les financements, on part moins longtemps, vers des destinations moins onéreuses, type pays de l’Est. Elles ne sont pas moins intéressantes pour autant. Je me bats pour ces classes de neige, pour plusieurs raisons. D’abord pour motiver les jeunes à se battre pour concrétiser un projet. Ensuite, je suis convaincue que l’on acquiert plein de compétences en se déconditionnant. »

En classe la tête dans les cimes

Quelques semaines avant le départ, on sent que les petits s’approprient pleinement le projet, raconte Agnès. « En classe, je les laisse s’exprimer. Je fais en sorte qu’ils se familiarisent aussi bien avec des noms, des paysages, la faune, la flore... Ce qui est formidable avec ce genre de sortie, c’est qu’elle couvre beaucoup de matières : l’histoire, la géographie, la biologie, le sport, etc. ».

Jonathan, lui, met en place des réunions d’information à l’intention des parents. À l’aide des élèves, il expose la planification des activités sportives, culturelles et… scolaires. « Mais oui. On a tendance à oublier que dans classe de neige, il y a classe. Lors d’une de ces sorties, j’ai même fait une interro surprise », s’amuse-t-il d’un air faussement mauvais...

« On a tendance à oublier que dans classe de neige, il y a classe. Lors d’une de ces sorties, j’ai même fait une interro surprise »
Jonathan

Enseignant

Au moment de la préparation, quelques jours avant le départ, Agnès en profite pour sensibiliser les enfants à la vie en communauté, loin des familles. Pour cela, elle a mis en place un système de grille journalière en ligne qui permet à chacun de faire état, quasiment en direct, de ses sentiments vis-à-vis du projet. Du type « Kevin a adoré le musée de la fondue, il veut en faire une à ses parents dès son retour ».
Assez fière de sa pratique, elle explique : « Il s’agit d’anticiper les réactions des uns et des autres, au moment de la séparation. Parce qu’on se dit qu’autour de 9-11 ans, quitter « papa-maman », c’est du gâteau, mais même les plus coriaces fondent parfois en larmes au moment du départ. Et cet outil me permet de savoir ce que chacun pense de telle étape du voyage et de faire parler tout le monde. Je m’appuie énormément là-dessus sur place. Et sur les familles aussi ». À ce propos, parlons éloignement parent-enfant.

Un départ glacial ?

Jonathan affirme que les parents font partie du voyage. Même s’ils n’embarquent pas, ils sont toujours un peu avec les élèves et certains, même de loin, sont très présents. Trop ? « Il ne règne qu’un seul mot d’ordre : le cas par cas. Il prend tout son sens quelques jours avant le départ. Tout d’un coup, on rencontre beaucoup de membres de la famille qui nous arment de fiches de renseignements sanitaires, répertoriant les allergies, les régimes alimentaires spécifiques, autant de précieuses infos ».
De façon à ne pas se transformer en standard téléphonique, une fois sur place, Agnès passe par un service appelé l’audiophone : les parents peuvent appeler un répondeur, sur lequel les encadrants ont enregistré un message donnant des bonnes nouvelles du groupe. C’est un système généralement très apprécié des familles. Et pourquoi pas un petit GSM planqué dans le fond de la valise ? « Beaucoup de parents proposent de prêter leur téléphone, mais c’est hors de question. La classe de neige, c’est aussi l’immersion ».
Autre grand classique : la question de l’argent de poche. Pour l’enseignante, il est parfaitement inutile de partir avec de grosses sommes. 15 à 20 euros sont suffisants, de quoi acheter des cartes postales et un petit souvenir.

On ne slalome pasavec la sécurité

L’heure du départ a sonné, on change d’air. Bientôt, les portes du train ou de l’autocar vont se refermer. L’instant que Jonathan appelle « la multiplication des bras ». Un pour les pièces d’identité, un autre pour les doudous (oui, même chez les grands !), encore un autre pour les médicaments ou l’argent de poche de dernière minute. Et, enfin, un dernier pour réconforter les inconsolables.

Une fois sur place, le plus dur est passé. Le rythme s’impose de lui-même au fur et à mesure. Mais attention… Guillaume, guide de haute montagne à La Bessée, dans les Hautes-Alpes en France, rappelle à tous la première règle de base qui incombe à tout skieur en herbe : « Il faut faire preuve d’humilité par rapport à cet élément naturel ».
Pour ce professionnel, les risques se divisent en deux parties distinctes : les facteurs objectifs comme le physique, la technique et les limites de chacun. Et les facteurs subjectifs comme la météo, le matériel nécessaire, l’état de la neige ou de la roche… « Le risque le plus important avec les enfants est qu’ils ont tendance à se dépenser sans compter et peuvent se retrouver en état d‘épuisement sans signe annonciateur ».
Alors, comment préparer ses petits ? Pensez à leur glisser quelques conseils comme se protéger du soleil et ne pas négliger l’insolation, la déshydratation, le refroidissement ou les gelures. Répétez-leur bien d’éviter les variations d’altitude trop brutales qui peuvent provoquer des otites et surtout ne pas dévaler les pistes dès l’arrivée. Un peu de repos et de récupération s’imposent. En gros, préparez-les à ne pas présumer de leurs forces de petits sprinters.

Guillaume, le professionnel de la montagne, recommande à chacun de porter un casque, même s’il n’est pas obligatoire dans certains pays, comme la France, sauf en cas de cours à l’ESF (école du ski français). Gare à la norme imposée dans des pays comme l’Allemagne ou là Suisse, à savoir la certification CEN 1077, ASTM ou Snell RS-98. « Autant anticiper toute éventualité, recommande-t-il. Veillez à ce qu’ils aient un équipement adapté ».

À ce propos, le matériel ? S’il existe une certaine disparité entre les élèves, Agnès ne veut pas en entendre parler. « Tout le monde au même niveau. Il est hors de question que certains embarquent leur propre équipement de ski et d’autres non. C’est location pour tout le monde. Si un élève compte baptiser son snowboard ou sa paire de skis, qu’il le fasse avec ses parents », dit-elle… en espérant que ses conseils fassent boule de neige.

EN PRATIQUE

Une valise spéciale montagne

Le contenu d’une valise n’est pas simple. Encore moins quand il s’agit de montagne. Pourquoi ne pas impliquer la classe et sonder ses élèves sur ce qu’ils pensent devoir emporter. Chacun dresse sa liste et la confronte avec celle de deux ou trois potes avant d’établir un inventaire général.

Pour le basique, les intervenants préconisent de se faire prêter tout ce qui peut être complémentaire à l’équipement sur place : gants, lunettes, combinaison, bonnets… Le marquage des vêtements est une bonne option. Concernant la quantité de linge, en plus de la combinaison de ski et de ce qui va avec, pour une semaine : trois pulls, autant de pantalons, un polo ou T-shirt par jour, autant de slips, chaussettes, et un pyjama bien chaud. Pas plus, ça ne sert à rien de vider son armoire et de surcharger son enfant.

Voyages scolaires ? Gare aux sommets financiers

De plus en plus d’écoles permettent aux parents un étalement des paiements. Mais certains voyages - et davantage en classe de neige - atteignent des sommets. La Ligue des familles préconise donc dans la mesure du possible :

► plafonner les frais des sorties ;
► imposer une dimension pédagogique ;
► lier ces voyages au projet pédagogique ;
► permettre la gratuité pour les élèves en difficulté.

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