Société

Le désamour politique peut-il être héréditaire ?

Le cercle familial est un élément majeur dans la « construction » politique de chacunꞏe. Que ce soit par contagion ou opposition. L’engagement peut s’y développer tout comme la désaffection. On fait le point avec Sacha Rangoni du Cevipol, le Centre d’étude de la vie politique de l’ULB.

Les expert·es de la vie politique mesurent le désamour politique avec notamment deux pourcentages, celui des votes nuls ou blancs et celui de l’abstention. Dans les deux cas, ces chiffres sont à la hausse. Aux dernières élections fédérales, le taux d’abstention a grimpé à 11,62%, un record. Toujours en 2019, celui des nuls et blancs est passé à 6,1%. Un récent sondage Ipsos (celui de RTL/Le Soir) en vue du scrutin de juin prochain anticipe un pourcentage de 9%. Autre signe du désamour politique, le vote contestataire, celui qui alimente les extrêmes. Plutôt à droite en Flandre. Plutôt à gauche en Wallonie.
À hauteur de familles, une question se pose. Comment ce désamour se vit-il ? Peut-il devenir « héréditaire » ? Pour Sacha Rangoni du Cevipol, « le contexte familial est déterminant, central dans la ‘politisation’ d’un individu. Cela ne veut pas toujours dire voter de la même manière, cela peut être la façon d’appréhender le politique, de s’intéresser à certains sujets plutôt que d’autres ».
Cela ne s’explique pas seulement par le « je-fais-comme-maman-papa-ou-pas », mais aussi simplement par le milieu où évolue, par exemple, le jeune électeur ou la jeune électrice. Les comportements, le décryptage du monde politique, seront différents pour ceux et celles qui votent la première fois en fonction de leur environnement socio-économique, mais aussi de l’engagement ou de la désaffection politique de leurs familles.
« Dans les pays où le vote n’est pas obligatoire, on voit clairement qu’à partir du moment où des jeunes ont des parents plus militants, ils sont plus enclins à aller voter. À l’inverse, quand on est dans un milieu familial complètement déconnecté du politique, il y a de fortes chances pour que le jeune développe moins le réflexe de voter ». Et le premier vote serait important pour la suite. « Quelqu’un qui ne vote pas lorsqu’il a atteint l’âge requis a moins de chance de voter par après ».

L’impact des réseaux sociaux

Et les réseaux sociaux ? Ont-ils modifié la perception du politique chez les jeunes ? Sur ce point, Sacha Rangoni tempère. « Il est clair que pour les plus jeunes générations d’électeurs et d’électrices (ceux et celles qui ont 16-18 ans), les réseaux sociaux ont joué un rôle central dans leur politisation sur leur façon de se forger leur opinion, leur comportement politique de façon générale. Mais il n’y a pas que ça à prendre en compte. La société, notamment, a évolué. Avant, les ‘piliers’ (socialistes, catholiques, libéraux) façonnaient une certaine vision politique jusqu’aux mouvements de jeunesse. Cet impact est moindre aujourd’hui ».
Quant à pointer du doigt la responsabilité des réseaux sociaux dans le phénomène du désamour politique, l’assistant-doctorant tempère : « La désaffection date d’avant l’arrivée des réseaux sociaux. C’est tout au plus un accélérateur. Ils sont importants, certes, mais les premières vraies discussions politiques, elles se font dans le cercle familial ».
Pour rabibocher les citoyens et citoyennes avec la politique, Sacha Rangoni met en avant les initiatives de participation citoyenne, épinglant les intégrations assez poussées comme les commissions délibératives où débattent des élu·es et des citoyens, citoyennes tiré·es au sort (Bruxelles, Wallonie, Sénat) ou le Conseil des citoyens mis en place en Communauté germanophone. « La Belgique est une espèce de laboratoire de la démocratie, reste à trouver le moyen d’inclure davantage de citoyens et citoyennes dans la démarche. Le tirage au sort permet par exemple de dépasser le simple cercle des convaincus ».

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