Société

CARTE BLANCHE DE LA LIGUE DES FAMILLES
Les parents ne seront pas en grève de leurs tâches familiales ce lundi, car la vie de parent ne s’arrête jamais. Mais ils seront nombreux à s’élever contre des mesures prévues par le gouvernement MR-Engagés-NVA-CD&V-Vooruit qui les pénaliseront quand ils seront mis dans cette situation impossible : travailler sans place en crèche, sans services de garde d’enfant malade, sans congés familiaux suffisants, la nuit, le dimanche, sous peine de sanction financière à la pension ou en cas de perte d’emploi.
Comme si trouver ou garder un emploi, a fortiori à temps plein, n’était que question de motivation et que sous la menace d’une baisse de revenus, les parents allaient pouvoir faire fi de leurs contraintes familiales.
L’essorage des parents
Le cycle infernal pour les parents commence par la perte de 1700 places en crèche depuis 2019 en Fédération Wallonie-Bruxelles. Un quart des parents de jeunes enfants, très majoritairement des femmes, doivent désormais arrêter de travailler ou diminuer leur temps de travail faute de place en crèche. Il se poursuit avec la fermeture progressive des services de garde d’enfant malade, qui coulent faute de soutien des pouvoirs publics. Confrontés aux petites maladies d’enfants, si fréquentes pour les bébés en crèche, les parents sont démunis, en l’absence de congé enfant malade rémunéré accessible à tous. Il continue avec le relèvement de l’âge de la pension et des grands-parents de moins en moins disponibles pour relayer les parents. Et il prend un nouveau virage avec la réforme annoncée par l’Arizona du droit du travail et des congés familiaux. Le travail de nuit, le dimanche, à des horaires incompatibles avec la vie de famille va se développer ; de plus en plus de parents y seront confrontés... ou devront renoncer à l’emploi faute de solution de garde d’enfant.
Les congés de maternité, paternité, parental et le crédit-temps seront fusionnés en un congé unique, dont on ne connait pas encore la durée et la rémunération. Mais ce qu’on sait, c’est que les moyens prévus pour cette réforme ne permettront pas de répondre à l’objectif annoncé par le gouvernement d’harmoniser les congés des parents indépendants, salariés et fonctionnaires sans réduire la durée de certains congés ou leur rémunération.
L’assèchement des ressources financières des familles et surtout des femmes
Dans ce contexte, de nombreux parents ne seront plus en capacité de poursuivre leur activité professionnelle, voire devront l’arrêter complètement, ou renoncer à une reprise d’emploi. Parmi eux, une majorité de femmes. Car en 2025, ce sont encore et toujours les femmes qui prolongent leur congé de maternité par un congé parental quand il n’y a pas de place en crèche disponible, ce sont encore majoritairement elles qui prennent un temps partiel pour s’occuper des enfants le mercredi, elles qui s’absentent du travail en dernière minute quand un enfant est malade. Ce seront elles aussi qui, le plus souvent, renonceront à un travail à horaires atypiques ou à un poste à responsabilités pour s’occuper de la famille. Elles qui prendront davantage ce nouveau congé familial unique lié à l’enfant, que les parents pourront se répartir entre eux. A fortiori s’il est mal rémunéré, puisque ce sont elles qui ont généralement le plus bas revenu du ménage.
Parfois de bonne grâce, mais toujours avec des conséquences sur leur propre vie professionnelle, leur revenu, leur pension et leur autonomie. Car oui, ce seront elles aussi qui, si le gouvernement fédéral met en œuvre les projets annoncés, pâtiront de la suppression à terme de la pension de veuve, de la diminution de la pension et du revenu des ménages dans lesquels l’un des membres a trop peu travaillé (suppression de la pension au taux ménage et diminution du quotient conjugal), de la baisse de pension pour les personnes qui n’ont pas de durée de carrière suffisante, de la perte de l’allocation de chômage après maximum deux ans si elles ne trouvent pas d’emploi compatible avec la vie de famille. Ce seront elles aussi, dès lors, qui se retrouveront sans rien demain si elles se séparent, à courir après une pension alimentaire pour elles-mêmes ou pour leurs enfants, que le père ne paie pas dans près de la moitié des cas.
Allez ! À la machine
« Les personnes en bonne santé et capables de travailler ne pourront plus bénéficier de systèmes trop avantageux et prolongés dans le temps qui les découragent d’entrer sur le marché du travail », dit l’accord de gouvernement fédéral. Mais tout n’est pas que motivation. Outre que pour accéder à un emploi, il faut déjà en trouver un vacant et qui corresponde à ses qualifications, de nombreux parents se trouvent dans des situations indépendantes de leur volonté qui les empêchent de travailler en dehors des horaires standard ou tout simplement à temps plein : les familles monoparentales, les parents dont les conjoints exercent eux-mêmes des fonctions à horaires atypiques, ceux qui n’ont pas de relais familiaux pour garder leurs enfants, les parents d’enfants en situation de handicap ou malades de longue durée...
Le gouvernement parle d’« utiliser le bâton et la carotte » pour « poursuivre une politique d’activation ambitieuse ». Mais où est la carotte ? Dans ces mesures projetées, il n’est question que de pénalisation. Les différents gouvernements placent les parents dans des situations impossibles en réduisant à peau de chagrin tous les services de soutien aux familles, mais l’Arizona entend sanctionner financièrement les parents, et singulièrement les mères, qui ne travaillent pas assez.
Voir si les couleurs d’origine peuvent revenir
Cela place les parents dans des positions intenables. Un cycle infernal : il faut travailler pour nourrir sa famille mais il deviendra de plus en plus difficile de travailler quand on a une famille. En ce jour de grève, certains parents arrêteront le travail rémunéré, mais tous vaqueront à leurs tâches familiales comme d’habitude. Plus encore les mères, comme d’habitude. Que feront-ils et elles demain si ces lois sont votées ?
Mesdames et Messieurs les ministres et parlementaires de la majorité Arizona et des entités fédérées, la Ligue des familles vous appelle à prendre les choses par l’autre bout. Ouvrons des places en crèche (effectives, au-delà de l’annonce d’un plan), rémunérons mieux les congés familiaux et encourageons les pères à y recourir, soutenons les services de garde d’enfant malade et créons un congé enfant malade, limitons au maximum les horaires de travail incompatibles avec la vie de famille. Car c’est bien en créant ce cadre propice qu’on arrivera à favoriser le travail des parents, y compris des mères, dans la durée. Et qu’on redonnera des couleurs aux parents essorés.
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