Vie pratique

Le smartphone, un outil qui demande de l’apprentissage

Un conseil unanime : intéressez-vous à ce que votre jeune fait sur les réseaux sociaux et dialoguez avec lui

Communiquer avec votre jeune sur ce qu’il fait sur les réseaux, c’est le maître conseil. Il y en a d’autres pour vous permettre de jouer votre rôle de parent, y compris pour ce qui se passe en ligne.

Parmi les conseils livrés par nos expert·e·s, il y en a un qui est ressorti systématiquement : intéressez-vous à ce que votre jeune fait sur les réseaux sociaux et dialoguez avec lui. Michaël Roulant, formateur Webetic, l’explique d’une manière très parlante. « Quand les enfants rentrent de l’école, on leur demande comment s’est passée leur journée. Alors que quand ils passent une heure sur les réseaux sociaux, où il peut se passer plein de choses, on ne les questionne pas ».

Ouverture et curiosité pour commencer

Qu’est-ce qui empêche les parents de s’intéresser à ce que font leurs jeunes sur les réseaux sociaux ? « Les parents se sentent incompétents et pensent ne pas maîtriser cet univers », avance Michaël Roulant. Mais c’est une demi-vérité, estime le formateur, car si le parent se sent perdu sur l’aspect technologique, il dispose en revanche de son expérience de vie et de sa casquette parentale pour le faire. « Les parents ont l’impression doivent être des experts, alors que leur rôle est de faire de l’éducation aux médias. Comme son nom l’indique, l’éducation aux médias vise à donner les clés et les outils aux jeunes pour qu’ils puissent les utiliser en toute sécurité ». Le reste, à savoir les contenus, concerne tout le monde.
À présent qu’on a mis le doigt sur ce qui coince, embrayons sur ce dialogue à instaurer ou restaurer avec votre jeune autour des pratiques sur les réseaux sociaux. Discutez avec lui, montrez-vous curieux/curieuse, acceptez votre ignorance et soyez humble. Voilà en résumé, une approche qui permet au jeune de se sentir en confiance pour se livrer.
Nous l’avons expérimenté dans ce dossier. Les cinq jeunes interrogé·e·s ont été croisé·e·s dans la rue, nous ne les connaissions pas. Passée la première réaction de méfiance face à une inconnue qui les aborde, tou·te·s ont raconté avec plaisir leur expérience des réseaux sociaux.
Dans les animations qu’elle donne pour Action Médias Jeunes, Florence Thomas l’expérimente également et raconte. « Que ce soit pour passer à la version pro d’Instagram ou pour faire une capsule vidéo en tourné-monté sous forme de story, les jeunes adorent transmettre les compétences qu’ils ont développées ».

Positive attitude

Autre levier pour faciliter la communication avec votre ado : soyez positif ! Si le jeune sent de la réserve, voire du dénigrement, il ne communiquera pas. Prenons TikTok, par exemple. Si vous vous dites que ce n’est rien d’autre qu’un réseau débile avec des chorégraphies de petites ados qui se trémoussent, il y a de fortes chances que votre ado ne vous livre pas ce qu’il y fait.
En réalité, il y a aussi des choses intéressantes qui s’y passent, comme cette gynéco américaine qui répond aux questions que les jeunes se posent. La professionnelle de la santé a trouvé un bon moyen de les sensibiliser en passant par le réseau qu’ils fréquentent. Même positive attitude chez ce grand-père lorsque sa petite-fille lui annonce qu’elle a reçu un smartphone : « C’est un outil formidable, surtout, ne l’utilise que pour faire le bien ».
Si le jeune sent que son parent est trop réfractaire, il n’osera pas s’ouvrir en cas de problème comme Mathilde*, 17 ans. Harcelée dans son école primaire, ses « bourreaux » la retrouvent des années plus tard sur les réseaux sociaux. Le problème, c’est que Mathilde n’est pas censée être sur ces réseaux, ses parents le lui ont interdit. La jeune fille n’ose pas leur en parler et referme sa coquille. Ce cas renvoie à la question du dialogue avec le jeune autour de ce qu’il fait quand il est sur son smartphone.
Autre conseil, celui de l’alternance. Les réseaux sociaux font partie du paysage, certes, mais ils ne peuvent pas en être la pièce maîtresse. Ils devraient être une activité parmi d’autres, confirme Florence Thomas. Le jeune qui sort, voit des copains/copines, fait du sport, est actif dans les mouvements de jeunesse et qui est aussi sur les réseaux pour socialiser se retrouve dans un certain équilibre entre les activités réelles, physiques et des échanges virtuels.
Dans tous les cas, il appartient aux parents de jouer leur rôle et de fixer un cadre clair, et valable pour tou·te·s. Ce cadre est à construire en fonction de votre situation, de vos principes et valeurs, mais aussi de l’âge de votre enfant et de ses activités. Attention, toutefois, que les règles doivent aussi pouvoir évoluer en fonction de son enfant, de sa maturité ou de circonstances particulières.
Sans cadre, le risque est de laisser le doute planer et les reproches fuser sans que le jeune ne sache à quoi s’en tenir. Mieux vaut un « Pas de smartphone quand tu montes te coucher » que des sempiternels reproches au moment du bonsoir.

L’exemple, c’est nous

Quand on fixe des règles avec un jeune, il y a deux choses à avoir en tête : le dialogue et l’exemplarité. N’imaginez pas que votre ado va dire amen à tout, il va naturellement chercher les limites et les tester, c’est le jeu. Les règles seront d’autant mieux respectées qu’elles feront l’objet de discussions.
Prenons un contre-exemple pour s’en convaincre. Chez les Dubois*, il y a trois ados de 13, 15 et 17 ans. Les parents ont décrété unilatéralement qu’il n’y aurait pas de smartphone dans les chambres. Chacun est donc invité à laisser son smartphone dans un petit panier du couloir avant de gagner sa chambre. La fratrie consent à la règle sans piper mot, les parents n’en reviennent pas. Après trois semaines, ils trouvent quand même leurs enfants fort fatigués et se questionnent. Un soir, la maman a le réflexe de regarder de plus près dans le panier. Et devinez quoi ? Les trois smartphones étaient des faux, comme ceux utilisés en exposition dans les magasins.
Passons au deuxième pilier : l’exemplarité. La question du modèle est importante et appelle à une cohérence. Si la règle c’est « Pas d’écran à table », elle doit être valable pour tou·te·s. Les échappatoires « C’est pour le boulot » n’ont pas leur place. Si vous voulez que votre jeune suive les règles édictées, commencez par les mettre en application.

*Prénom modifié

POUR ALLER + LOIN

Le cyberharcèlement, fléau des réseaux sociaux

Étienne Wéry, avocat en droit des technologies : « Il y a quelques années, il y avait pas mal de cas d’enfants qui se mettaient en danger en publiant des photos d’eux dénudés, en train de consommer de l’alcool ou de tricher à l’école. Heureusement, les campagnes de sensibilisation ont porté leurs fruits.
Aujourd’hui, c’est le cyberharcèlement qui est le plus problématique. C’est notamment lié au fait que les enfants sont sur les réseaux sociaux de plus en plus jeunes. Légalement, il faut avoir 13 ans pour s’inscrire, mais certains enfants ont déjà des comptes Instagram ou TikTok à 9 ou 10 ans. Ils y font un peu de tout, y compris se disputer. Le côté anonyme des utilisateurs/utilisatrices peut vite tourner en quelque chose de méchant, avec une incapacité du jeune qui en est victime à en parler.
90% des personnes impliquées dans le harcèlement sont des camarades de classe et pourtant très peu d’écoles disposent de point contact pour permettre aux jeunes d’en parler. Il y a un vrai travail à faire au sein des écoles pour mettre en place une cellule harcèlement ou un système de parrainage d’un grand qui sert de référent pour plusieurs élèves plus jeunes ».

  • Son conseil aux parents : ne laissez pas vos jeunes seul·e·s face à leur GSM, accompagnez-les pour configurer les paramètres de confidentialité, les limitations, le téléchargement d’applications. Les progrès technologiques le permettent.

LE SMARTPHONE, RÉPONSE AU BESOIN DE SÉCURITÉ DES PARENTS

Michaël Roulant, formateur Webetic : « J’ai été élevé dans les années 80 où mes parents me disaient : ‘Si tu as un pépin, tu sonnes à la première porte’. Maintenant, on n’est plus du tout dans cette optique-là. Depuis l’affaire Dutroux, il y a une forme d’éducation dans un contexte de peur et de défiance. Le smartphone est venu répondre à un besoin de sécurité des parents. On a connecté nos enfants pour gérer des peurs d’adultes qui les dépassent ».

  • Son rappel aux parents : c’est à vous d’éduquer votre jeune aux médias puisque c’est vous qui avez mis un smartphone entre ses mains.

EN SAVOIR +