Développement de l'enfant

Le sommeil, autant allié que baromètre du corps

Quand il dort, l’enfant consolide ses apprentissages. Et quand il dort mal, cela peut parfois être le signe d’un autre trouble. Côté pile ou face, le sommeil a toujours quelque chose à nous apporter.

« Les besoins en sommeil sont encore trop méconnus par les parents », estime Marie Bruyneel, somnologue en charge du labo du sommeil de l’hôpital Saint-Pierre (Bruxelles). De quoi entrer directement dans le vif de cette partie consacrée au sommeil des 6-12 ans.
« Je pense qu’on impose un mode de vie trop intense aux enfants, qui subissent parfois très jeunes le rythme de travail de leurs parents », poursuit-elle. C’est vrai, bon nombre de parents misent sur la garderie pour concilier leurs horaires de travail avec les heures d’école. Ajoutez à cela le temps des navettes et la journée passée à l’école peut vite atteindre dix heures.
Entre 6 et 12 ans, un enfant est sensé dormir onze heures par nuit. S’il en passe déjà dix à l’école, il ne lui reste plus que trois heures sur sa journée pour les repas, la toilette et jouer. Et là, on ne parle même pas des activités extrascolaires ou des devoirs. On comprend aisément le rythme trop soutenu dont parle Marie Bruyneel.
« Bon nombre d’enfants jugés difficiles sont simplement en manque de sommeil, observe-t-elle. On porte beaucoup d’attention au syndrome TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité), mais des études démontrent qu’il y a pas mal de diagnostics erronés et que ces enfants sont simplement en privation chronique de sommeil. »

Redorer le blason du repos

Rêver, se reposer, s’ennuyer… des verbes que l’on conjugue encore trop peu en 2021, car la société invite à faire plus et ne voit pas toujours d’un très bon œil ces temps de pause. Et pourtant, la recherche démontre leurs bénéfices, comme l’explique Charline Urbain, professeure et chercheuse au centre de recherche cognition et neuroscience de l’ULB Neuroscience Institute.
« Les périodes de repos (éveillé ou non) favoriseraient la communication entre les différentes zones distantes du cerveau. Ces connexions longues distances sont essentielles à la réalisation de processus cognitifs complexes comme le langage ou les apprentissages par exemple. »
Ménager des périodes de pause et permettre une alternance de phases actives et de repos pendant la journée serait donc une bonne idée. Et pour bien faire, autant les planifier en cohérence avec les phases de vigilance.
Au cours d’une journée de vingt-quatre heures, l’enfant passe par différentes périodes. En début de journée, il est en pleine forme, actif, efficace, prêt à apprendre et à mémoriser. Puis entre 11h et 14h, il connait une première phase de fatigue où ses performances baissent pour remonter progressivement et atteindre un second pic de haute vigilance entre 17 et 20h. C’est une tranche d’heures où les enfants sont bien souvent excités, ils ont chaud, c’est aussi le moment où ils sont performants tant sur le plan physique qu’intellectuel.
Virginie reconnaît bien le coup de mou chez ses filles de 7 et 9 ans. « Même si elles ne font plus de sieste depuis des années, on a gardé l’habitude d’un moment de repos après le diner le week-end ». Elle a aussi repéré des moments plus propices pour les devoirs. « On les fait toujours soit tôt le matin pour être quittes, soit tard dans l’après-midi, mais, aux autres moments, c’est inutile, c’est poussif, il faut les rappeler à l’ordre sans cesse pour qu’elles se concentrent et le temps de travail est beaucoup moins efficace ».
Quid du sommeil de nuit ? Est-il aussi bénéfique aux apprentissages ? Chez l’enfant, la recherche s’intéresse à un sommeil en particulier : le sommeil lent profond. Plus profond chez l’enfant que chez l’adulte, il joue un rôle central dans le stockage et la réorganisation des informations en mémoire.
Une équipe de chercheuses et de chercheurs de Zürich (Suisse) a enregistré le sommeil lent profond d’enfants et de jeunes adultes âgés de 2 à 26 ans. Les résultats démontrent un lien entre le développement du sommeil lent profond, de la matière grise et des habiletés cognitives. C’est lors de ce sommeil lent profond que les enfants consolident leurs apprentissages et que le cerveau mature. « Quand on connaît mieux le sommeil et ses vertus, on a d’autant plus envie de l’apprécier et de le protéger », conclut Charline Urbain.
Que ce soit dans votre propre jeunesse ou avec vos enfants, vous avez déjà certainement eu l’occasion de tester et valider les propriétés du sommeil sur la mémoire et la consolidation des apprentissages. Fabian se souvient : « C’est le soir au moment du coucher que ma mère me faisait réciter mon vocabulaire de néerlandais. Souvent je connaissais déjà une bonne partie de ma liste, mais il y avait toujours des mots qui m’échappaient. Le lendemain matin au petit déjeuner, magie, je les connaissais tous ».

Quand le sommeil joue aussi le rôle d’indicateur

Plus surprenant, le sommeil peut aussi jouer un rôle d’indicateur. Une fatigue anormale, des ronflements, de l’irritabilité, de l’énurésie sont autant de symptômes que les parents peuvent observer chez leur enfant et qui méritent qu’on y prête attention.
« Ce sont souvent les pédiatres et les ORL qui nous envoient de jeunes patients au labo pour rechercher s’ils font des apnées du sommeil. Cela peut être provoqué par des végétations ou des amygdales trop grosses », indique Marie Bruyneel.
« Des associations ont été observées entre un sommeil atypique et des performances cognitives atypiques, explique Charline Urbain. Si on analyse l’électroencéphalogramme d’un enfant épileptique, on voit une augmentation des pics au niveau du sommeil lent profond qui occasionne des phénomènes d’oubli accéléré. »
L’enfant TDAH va aussi avoir des proportions de sommeil lent profond différentes d’un autre enfant. C’est ce qui ressort d’une analyse scientifique de 2021 qui croise les résultats de plusieurs études menées au niveau international sur de jeunes patient·e·s. « En parallèle, les enfants porteurs d’un TDAH bénéficient moins du sommeil pour consolider leurs apprentissages », poursuit Charline Urbain.
L’hygiène du sommeil est cruciale, car le fait d’avoir ses besoins de sommeil satisfaits permet de ne pas rajouter une couche aux difficultés éprouvées par les enfants porteurs de ce type de troubles. Comme à n’importe quel âge, il s’agit de mettre l’enfant dans de bonnes conditions pour faciliter son endormissement. Souper à heures régulières, privilégier le sport ou toute autre activité stimulante en journée. Et pour l’ambiance de la chambre : lumière tamisée, température agréable autour de 18°C, espace dédié sans source de stimulation sont autant d’ingrédients importants. « L’entrée en sommeil, ce n’est pas pousser sur un interrupteur, ça se prépare et ça s’apprend », conclut Charline Urbain.

À SAVOIR

Les troubles du sommeil

Le sommeil est normalement bien installé chez l’enfant de 6 à 12 ans. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a rien à en dire, car il peut être sujet à plusieurs troubles qui touchent toutes les tranches d’âges.

Lors du sommeil lent profond

Lors du sommeil paradoxal

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