Santé et bien-être

Parce qu’elles touchent entre 15 et 20 % des grossesses, parce qu’aujourd’hui, le tabou qui les entoure se brise et qu’à leur propos, la parole des femmes se libère, les fausses couches sont aussi un thème fort au rayon des livres. Notre sélection, marquée par l’authenticité et la sororité.

Dans ce livre résolument féministe, l’autrice, Judith Aquien, qui a elle-même traversé une fausse couche, observe, informe, analyse, dénonce, met en perspective, revendique. Son livre est « le premier à ma connaissance à aborder de front la thématique de la fausse couche et, plus largement, celle du premier trimestre de la grossesse, moment d’une intense dépossession et d’une grande silenciation », souligne la philosophe féministe Camille Froidevaux-Metterie, qui en signe la préface. Judith Aquien confirme : elle veut « lever le tabou sur ces trois premiers mois de grossesse remplis d’attente, d’espoir, de joie, mais aussi d’angoisses, de difficultés physiques particulièrement dures à supporter et de silence. C’est ce silence que je souhaite briser dans ces lignes ». Elle ajoute : ce premier trimestre « est complexe ; il est à la fois très beau et très pénible mais, à aucun moment, il ne devrait être honteux ou tu. Il devrait être célébré, le système médico-social devrait protéger les femmes dès les premières semaines de grossesse, la société devrait s’adapter à elles et non l’inverse ».
En France, Judith Aquien est, avec cinq autres femmes – Fanny de Font-Réaulx, Mathilde Lemiesle, Sandra Lorenzo, Anna N’Diaye et Paloma Stefani –, à l’origine du collectif « Fausse couche, vrai vécu » qui milite pour qu’on en finisse avec l’expression « faire une fausse couche ». Expression à remplacer, selon elles, par « arrêt naturel de grossesse », « parce que rien n’est faux et que tout est vrai ». Autres revendications : une meilleure information à son propos, un meilleur accompagnement et une meilleure prise en charge des femmes qui en subissent une.
- Trois mois sous silence. Le tabou de la condition des femmes en début de grossesse de Judith Aquien (Payot, 2021).

Journaliste, Sandra Lorenzo a vécu une fausse couche après avoir été « enceinte pendant huit semaines ». « Dans ce livre, je raconte ces quelques semaines de grossesse, la peur, l’attente, l’annonce de la fausse couche. Et l’après, le deuil, la renaissance, les rechutes », indique-t-elle. Son témoignage s’enrichit de récits d’autres femmes. Il est aussi solidement documenté grâce aux éclairages de professionnel·les de la santé. Finalement, « je raconte une fausse couche comme les autres. Comme il y en a tous les jours en France et ailleurs dans le monde ».
L’ensemble est joliment ponctué de dessins de Mathilde Lemiesle, une « sœur » de combat, elle-même directement concernée par le thème (lire ci-dessous).
À la fin de l’ouvrage, des femmes livrent leurs « ressources », celles qui les ont aidées à traverser cette épreuve : faire un achat qui symbolise ce moment fort de la vie, en parler à des amies et être écoutée, lire des témoignages de femmes qui sont passées par là, se reposer sur la présence du conjoint…
Féministes, l’autrice et l’illustratrice font partie du collectif français « Fausse couche, vrai vécu ».
- Une fausse couche comme les autres de Sandra Lorenzo, avec des illustrations de Mathilde Lemiesle (First, 2022).

Mathilde Lemiesle est autrice-illustratrice. Son travail tourne autour des thèmes de la maternité et du féminisme. C’est sous la forme d’une formidable BD, en noir et blanc, tout en intensité, qu’elle nous relate « un petit bout de mon histoire », dans laquelle Thomas, son homme, est à tout instant à ses côtés. Voilà un livre au cœur de l’intime. Son témoignage s’accompagne d’explications scientifiques, elles aussi mises en dessins.
L’histoire de Mathilde Lemiesle ? Quatre fausses couches avant d’avoir sa fille. « À chaque fois, c’est un petit deuil à faire / d’un bébé / d’une vie à trois / de moi en maman / C’est un deuil solitaire et difficile à partager ». Et c’est parce qu’elle aurait aimé savoir que « ÇA existe », que c’est légitime, dans de tels moments, de vivre la colère, la tristesse, la culpabilité, la jalousie ou le désarroi qu’elle a conçu ce livre, pour ne pas laisser les femmes et les familles concernées seules. Elle dessine aussi parce qu’« il fallait que cela sorte ».
- Mes presques riens de Mathilde Lemiesle (Lapin, 2021).

Marie-France Morel est historienne et spécialiste de la naissance et de la petite enfance du XVIe au XIXe siècle. L’enjeu de cet ouvrage qu’elle a coordonné ? « Mettre en résonance le travail des historiens sur les archives, les récits et témoignages à propos des naissances tragiques du passé, avec les recherches et le vécu de l’époque contemporaine », « mieux comprendre continuités et discontinuités entre passé et présent, pour enrichir nos pratiques d’aujourd’hui ». Les contributions sont dues à des auteurs et autrices de disciplines diverses : l’histoire, la gynécologie, la psychologie, l’anthropologie… Sans oublier le regard des sages-femmes.
Retour sur les morts maternelles et périnatales au fil des siècles, et sur leurs causes. Zoom sur l’évolution, à travers le temps, du « travail de deuil » et des rituels mis en place pour aider les parents endeuillés. Gros plan sur les pratiques professionnelles passées et actuelles en lien avec la naissance. L’ouvrage, qui passionnera les féru·es d’Histoire et d’histoires, est dense.
- La naissance au risque de la mort. D’hier à aujourd’hui sous la direction de Marie-France Morel (Érès, collection 1001 BB - Drames et aléas de la vie des bébés, 2021).

Ce récit personnel, cette « histoire privée » traite de la maternité, de la grossesse, « et plus précisément de l’échec de celle-ci, interruption involontaire ou volontaire ». Line Papin raconte sa fausse couche d’abord, son avortement ensuite. « La fausse couche m’avait rappelé le miracle d’être en vie. L’avortement, lui, m’a rappelé la nécessité de conduire sa vie », écrit-elle. Voilà un texte à la fois très intime et universel. Sobre et pudique. À grande portée féministe.
- Une vie possible de Line Papin (Stock, 2022).