Grossesse

Certaines mamans choisissent de privilégier l’accouchement naturel dans une structure plus chaleureuse et non médicalisée, celle des maisons de naissance.
Les maisons de naissance, ce sont des petits établissements que l’on pourrait classer entre la maison et l’hôpital. Entièrement gérées par des sages-femmes, elles se donnent pour mission d’accueillir dans un lieu apaisant les futures mamans pour qu’elles puissent accoucher le plus physiologiquement possible. Contrairement aux gîtes de naissance, elles ne font pas partie d’une clinique. On y retrouve des chambres comme à la maison, un salon, des lits, des baignoires, des ballons, des cordes, une piscine, etc.
À ce jour en Fédération Wallonie-Bruxelles, quatre maisons de naissance sont en service : l’Arche de Noé à Namur, la Bulle à Feluy, Clinisoin à La Louvière et Éclore à Uccle. En 2019, le Centre d’épidémiologie périnatale (CEpiP) relevait 67 accouchements en maison de naissance en Wallonie et zéro à Bruxelles.
Le besoin d’un suivi personnalisé
Marie est la maman de trois enfants et a accouché de sa dernière, Louméa, à la maison de naissance La Bulle. « J’en garde un merveilleux souvenir. C’était réellement comme dans une bulle. Quand nous sommes arrivés, le salon était éclairé de petites lumières et parfumé d’huiles essentielles relaxantes. Une fois là, j’ai immédiatement été dans la piscine et j’ai accouché très rapidement ».
De manière générale, les parents décident de faire appel aux maisons de naissance, car ils souhaitent passer ce cap avec une personne de confiance. Mélyssa Chambrard, sage-femme depuis neuf ans, accompagne des accouchements à domicile depuis huit ans et travaille à La Bulle depuis sa création, en janvier 2020. « Les couples recherchent un accompagnement global, un suivi par les mêmes personnes dès les premiers jours de la grossesse jusqu’au 1 an de l’enfant. Peu à peu, une relation de confiance s’installe entre les parents et les sages-femmes. Celles-ci peuvent dès lors s’adapter beaucoup plus facilement à leurs besoins étant donné qu’elles les connaissent ».
Par ailleurs, les couples qui viennent en maison de naissance souhaitent être acteurs de la naissance de leur bébé. « Ils refusent de subir le protocole hospitalier, explique Mélyssa Chambrard. En effet, en clinique, les sages-femmes n’ont pas la possibilité de faire du soin personnalisé ».
Ces raisons font écho aux motivations de Marie. « J’ai accouché de mon fils aîné à l’hôpital. Mais j’avais dépassé mon terme, j’ai donc été déclenchée. Le déclenchement, cela dure des heures. Étant donné que la production naturelle des hormones nécessaires pour l’accouchement ne se fait plus, il y a beaucoup d’actes médicaux pour aider le corps à enfanter. Cela m’a énormément stressée et j’ai réalisé qu’il n’y avait rien de naturel à cela. Je me suis rendu compte que l’accouchement, c’est quelque chose qu’on peut faire à la maison ou en maison de naissance ».
De son côté, Manon est la maman d’Alix qui est née en janvier 2021. Elle a choisi d’accoucher à la Bulle pour son premier enfant. « C’est quelque chose qui me trottait dans la tête depuis un moment. Je suis atteinte de la maladie de Crohn (ndlr : une maladie inflammatoire chronique de l'intestin) et elle m’oblige à prendre un traitement médicamenteux assez invasif. Je ne voulais donc pas d’un accouchement médicalisé. D’autre part, mon mari et moi souhaitions savoir à qui nous avions affaire au moment de l’accouchement. Nous allions déjà vers l’inconnu pour un premier accouchement, nous préférions donc être avec des personnes de confiance ce jour-là ».
De préférence, une maman multipare
De manière générale, les maisons de naissance préfèrent accueillir des mamans multipares, soit des mamans qui ont déjà enfanté. « Pour le premier enfant, la préparation, la mise en route prennent du temps. Les femmes n’ont jamais vécu d’accouchement, donc c’est un accompagnement qui demande plus d’énergie, qui peut être plus intense. Si elles en sont à leur deuxième ou troisième bébé, elles appréhendent l’accouchement différemment, car elles sont déjà passées par là. Aussi, il y a plus de transferts en hôpitaux pour les primipares que les multipares. Nous ne refusons pas pour autant les premières naissances, depuis que La Bulle a ouvert en janvier 2020, j’observe que nous en accompagnons beaucoup », relève Mélyssa Chambard.
Ce changement de mentalité l’interpelle, car il est relativement nouveau dans sa carrière. Selon elle, celui-ci s’explique notamment par une plus grande ouverture des papas. « Si, il y a quelques années, l’homme ne voulait pas que sa femme accouche dans un environnement extrahospitalier pour le première fois, aujourd’hui, je les ai déjà entendus me dire ‘Je n’ai pas d’utérus, je n’ai pas à choisir pour ma femme’ ».
Une grossesse accompagnée sous conditions
Comme le montrent les chiffres de naissance du CEpIP, les futures mamans qui accouchent en maison de naissance sont très largement minoritaires par rapport à celles qui vont à l’hôpital, moins de 1% des accouchements. Cela s’explique d’abord parce qu’en Belgique, l’accouchement extrahospitalier n’est pas aussi bien accepté que dans d’autres pays comme les Pays-Bas, la France, l’Angleterre ou l’Allemagne.
À côté de cela, les conditions pour accéder à ce genre de service demeurent très strictes. « Nous n’acceptons pas toutes les femmes enceintes qui souhaitent accoucher chez nous. Cela dépend de la situation de chacune, mais, de façon générale, nous avons une ligne de conduite. Nous refusons l’accouchement si le bébé est en siège ou en transverse ; s’il a lieu avant trente-sept semaines ou après quarante-deux semaines ; si la future maman développe une pathologie pendant la grossesse ; si elle est enceinte de jumeaux ; si elle a déjà eu une césarienne ; si elle a souffert d’une hémorragie lors de son premier accouchement, etc. », énumère Mélyssa Chambard.
Autrement dit, pour être suivies par des sages-femmes en maison de naissance, les grossesses ne peuvent présenter le moindre risque de complications. Et en cas d’imprévus, alors ? Si l’accouchement ne tourne pas bien, la future maman est immédiatement transférée de la maison de naissance à l’hôpital.
Vanessa Wittvrouw est présidente de l’Union professionnelle des sages-femmes de Belgique. « Tout est planifié en matière d’organisation. Les parents ont leur gynécologue de référence qui travaille en collaboration avec les sages-femmes de la maison de naissance. Ensemble, ils choisissent un hôpital qui pourrait les accueillir en cas de problème. Si un accouchement ne se passe pas comme prévu, les futurs parents sont envoyés, selon l’urgence, en voiture ou en ambulance dans l’hôpital qu’ils ont choisi ».
Mélyssa Chambard ajoute : « Dans tous les cas, nous disposons du matériel nécessaire pour intervenir lors du transfert. Nous avons de quoi ventiler le bébé, de quoi aspirer, mettre une perfusion, et nous avons des médicaments pour gérer d’éventuelles hémorragies le temps du trajet. Cela dit, les seuls transferts qu’on a eus jusqu’à présent faisaient suite à un travail qui devenait trop long et difficile et qui nécessitait une péridurale ou à une rupture prématurée de la poche des eaux qui demandait de déclencher l’accouchement ».
À SAVOIR
L’obstacle financier
Parallèlement aux motifs de santé, les critères financiers rendent également difficile l’accès aux maisons de naissance. Ne disposant pas de statut légal, celles-ci ne sont pas subventionnées. Sans soutien public, elles se retrouvent donc contraintes de demander aux parents de participer au paiement du loyer, des charges, des assurances, des frais de garde, du matériel utilisé, etc. « On en arrive à des montants qui ne sont pas négligeables, un accouchement en maison de naissance, cela coûte environ 630€ », se désole Mélyssa Chambard.
Qu’en est-il des assurances remboursement ? Elles ont aussi leurs limites. Vanessa Wittvrouw les met en lumière : « Les parents qui ont une assurance hospitalisation arrivent à se faire rembourser un forfait en fonction de leur contrat d’assurance, mais tous ne l’ont pas, il y a donc discrimination. Quant à la mutuelle, elle intervient pour les frais liés aux prestations de la sage-femme, ainsi qu’à l’accouchement en tant que tel, mais elle ne couvre pas le fonctionnement de la maison de naissance ».
On en arrive à des situations où les parents les plus en difficulté financièrement utilisent une part de leur prime de naissance pour payer l’accouchement. Cela a été le cas de Marie : « En hôpital, tout était remboursé, alors qu’en maison de naissance, j’ai dû demander un étalement de paiement et utiliser ma prime de naissance pour solder mon compte ». Une réalité et une situation qui interrogent étant donné que « le prix d’un accouchement en hôpital est bien plus élevé que celui d’une maison de naissance et coûte beaucoup plus cher à l’assurance », conclut Vanessa Wittvrouw.
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