Loisirs et culture

« Leurs parents expliqués aux enfants »

Des livres qui répondent aux questions des enfants, il en existe des tas. Sur les dinosaures, l’Égypte ancienne, le corps humain, le karaté, les fonds marins… Mais des livres qui leur expliquent le monde mystérieux de leurs parents, il y en a beaucoup moins. C’est pourquoi Céline Kallmann et Benjamin Muller, journalistes, créateurs de podcasts et parents, ont décidé d’en écrire un !

Nous avons rencontré Céline Kallmann et Benjamin Muller au début du printemps, dans un café du centre de Bruxelles. Le genre de café où on rêverait de faire une pause dans sa journée pour lire un livre dans un canapé. Un livre comme celui qui est posé sur la table, entre nous, et qu’ils viennent de publier : Leurs parents expliqués aux enfants. Vingt-deux doubles pages largement inspirées par les questions de leurs enfants de 5, 9 et 11 ans, et consacrées à autant de thématiques qui sont au cœur de nos vies d’adultes : l’argent, le travail, les principes, les ami·es, les goûts, les peurs…

Comment est née l’idée de ce livre ?
Céline Kallmann :
« Tout est parti de la rencontre entre Benjamin et Maureen Dor, qui dirige la collection ‘Quand ça va, quand ça va pas’ aux éditions Glénat. Ensemble, ils ont eu l’idée d’expliquer aux enfants comment les parents fonctionnent. Ensuite, c’est venu assez naturellement : on est tous les deux journalistes, on a des enfants… Personnellement, mes parents m’expliquaient peu de choses sur leurs humeurs, pourquoi ils faisaient la tête, pourquoi ils étaient tristes. Alors quand je suis devenue maman, je me suis demandé : est-ce que je cache à mes enfants ce que je ressens ? Est-ce que je leur explique ? On s’est rendu compte, avec l’expérience, que quand on leur disait les choses, on se comprenait beaucoup mieux. Nos enfants sont même plus indulgents avec nous si parfois on est énervé, fatigué, triste… »
Benjamin Muller : « Ou heureux ! »

Dans votre livre, vous abordez des sujets très variés. Comment les avez-vous choisis ?
B. M. :
« Nos enfants nous ont beaucoup aidés. Après avoir listé nous-mêmes cinq ou six sujets (le travail, le rapport à l’argent, le rapport à l’intimité...), on s’est mis à prendre des notes dès qu’ils nous posaient des questions sur nous, notre vie, ou le monde des adultes. Et on s’est rendu compte qu’ils en posaient plein, des questions ! Par exemple, un jour, un de nos fils m’a dit : ‘Quand vous voyez des copains, on est obligés de bien s’entendre avec leurs enfants. Pourquoi est-ce que vous nous imposez ça ?’. Dès qu’une question comme celle-là suscitait une réflexion, on la notait. Ensuite, on voyait si ça avait de l’intérêt ou pas de l’inclure. On a par exemple beaucoup discuté du chapitre sur ‘leur psychologue’. Quand j’étais petit, je pensais qu’un psychologue, c’était quelqu’un que tu allais voir quand tu étais fou. Aujourd’hui, on sait que ça n’a rien à voir. Il y a plein d’enfants et de parents qui vont voir des psys. Il nous a donc semblé utile d’en parler, pour que l’enfant puisse se dire : ‘Si mon père va voir un psy, ça ne veut pas dire qu’il est dérangé, ça veut dire qu’il fait ça pour aller mieux’. »

Quelle a été la thématique la plus difficile à aborder pour vous ?
C. K. :
 « Peut-être ‘leur intimité’. C’est un sujet délicat parce qu’il faut trouver un juste milieu, les bons mots. Au Festival du livre de Paris, des parents sont venus nous voir en disant qu’ils n’avaient encore jamais abordé le sujet avec leurs enfants, pas plus que celui de l’argent. »
B. M. : « Parce que c’est délicat, c’est intéressant. Je suis à peu près sûr que la double page sur l’intimité va être parmi les plus lues par les enfants. Parce que ça reste un sujet un peu tabou, et que les enfants ont envie d’avoir des réponses. Qu’est-ce que tu réponds quand ton enfant te demande : ‘Est-ce que vous faites l’amour ?’. ‘Ça ne te regarde pas’, ça, c’est la base. Mais il faut quand même apporter certaines réponses. Ou alors quand un enfant demande : ‘Tu gagnes combien ?’. Je ne pense pas qu’il faut dire à ses enfants combien on gagne. En revanche, ça peut être l’occasion de leur dire : voilà à quoi sert l’argent, voilà ce qu’on en fait, voilà pourquoi on économise… »

« Je ne pense pas qu’il faut dire à ses enfants combien on gagne. En revanche, ça peut être l’occasion de leur dire : voilà à quoi sert l’argent, voilà ce qu’on en fait, voilà pourquoi on économise »
Benjamin Muller

Co-auteur du livre avec Céline Kallmann

Vous consacrez aussi une double page à « leur smartphone ». Autre sujet compliqué pour les parents, qui peuvent avoir du mal à faire passer un message cohérent au sujet des écrans…
C. K. : 
« Un jour, en partant de la maison pour emmener les enfants à l’école, je ne trouvais plus mon téléphone. Comme j’étais en retard, je suis partie sans. Et toute la journée, en travaillant, je l’ai cherché. (Elle mime la situation en tapotant la table du café, à la recherche d’un téléphone qui ne s’y trouve pas). Je me suis rendu compte que j’étais totalement addict, en manque… Je pense qu’on n’a pas encore conscience du fléau qu’est le smartphone. Il y a peu d’études et on n’est pas assez éduqué, donc c’est open bar. Quand je vois des gamins dans leurs poussettes le nez sur un écran, j’ai envie de dire : ‘Non, arrêtez !’. Moi, je suis une adulte, pour mon cerveau, c’est déjà trop tard. Mais pour les enfants… C’est comme pour tout : il faut que les parents montrent l’exemple. La boîte à téléphones, dont on parle dans le livre, est peut-être une petite solution. »

Et quel a été le thème le plus amusant à traiter ?
B. M. :
« Tout de suite, je pense à ‘leur voiture’. J’ai posé la question aux copains de mon fils, et ils ont commencé à me parler des insultes de leurs parents. Il ne s’agit pas de dénoncer une violence excessive. C’était rigolo, assez léger. Les parents, ils sont rangés, polis. Mais quand tu fermes la voiture, ils insultent la terre entière. En voiture, on devient tous un peu dingues. »

Est-ce qu’au-delà de votre vie de famille, vous avez été amenés à échanger avec des expert·es dans la préparation de ce livre ?
B. M. :
« Oui. L’idée n’était surtout pas de ne parler qu’aux familles comme nous, de notre catégorie socio-professionnelle, vivant à Paris. Nous ne voulions pas faire un livre de bobos, mais un livre qui parle au plus grand nombre. Céline et moi faisons tous les deux un métier fantastique, qui nous amène à rencontrer des gens qui nous permettent d’avancer dans notre réflexion. Dans la Maison des Maternelles, sur France 2, où je suis chroniqueur, il y a tous les jours des expert·es. J’ai notamment parlé du livre avec Arnault Pfersdorff, le pédiatre de l’émission. C’est tout un écosystème, dont on se nourrit énormément. Et puis, j’ai un père qui est médecin et une mère qui est puéricultrice… On baigne dans cet univers-là, qui, en plus, nous passionne. D’ailleurs, on ne sait pas toujours si on bosse ou pas. On en parle à la maison avec les enfants, on teste des choses… « 
C. K. : « Ça peut les saouler parfois ! Mais voilà, leurs parents sont comme ça… »

De quelle manière un livre comme le vôtre peut-il nourrir la discussion dans les familles ?
C. K. : 
« Les livres peuvent être des supports de discussion. On peut lire le nôtre avec son enfant, choisir un thème et entamer la discussion, voir où l’enfant nous emmène. Même par le dessin, on peut expliquer les choses. Ceux de Laure Monloubou sont super. Un enfant qui ne sait pas encore lire va poser des questions sur les dessins parce qu’elle arrive à bien retranscrire une scène. Un parent qui se pose des questions peut aussi lire notre livre sans son enfant et se dire : ‘Oui, c’est vrai, je pourrais mettre ces mots-là’, ou encore : ‘Je n’avais jamais pensé à lui expliquer ça’… »

  • Leurs parents expliqués aux enfants, de Céline Kallmann et Benjamin Muller, illustré par Laure Monloubou (Glénat jeunesse). À partir de 6 ans

PODCAST

Encore une histoire

Vous connaissez Tomy le mouton ? C’est un des personnages vedettes du podcast pour enfants Encore une histoire, produit par Benjamin Muller et interprété par Céline Kallmann. La voix de Tomy, c’est elle ! Elle nous l’a prouvé lors de notre entretien, en se cachant derrière le dernier numéro du Ligueur : « C’est moi, c’est Tommy. Oui, je suis en Belgique. Olala, c’est vraiment sympa ici ». Les accents à couper au couteau du podcast sont inspirés de son registre familial, raconte-t-elle : « La mère de Tomy, c’est ma mère à moi, qui est suisse allemande. Et le père de Tomy est un peu franc-comtois, comme moi ».
Comme leur livre, ce podcast est né de l’aventure parentale des deux journalistes : « Cela fait douze ans qu’on raconte des histoires à nos enfants tous les soirs, et on s’est dit que ce serait super qu’ils puissent parfois en écouter de leur côté. Ensuite, il y a eu le confinement, et on a beaucoup produit parce qu’on avait envie d’être utiles. Cela demande du travail, mais c’est une passion. Ce qui est génial, c’est qu’on a des retours tout le temps. On donne, on reçoit, c’est trop bien. On reçoit notamment beaucoup de messages d’auditeurs et auditrices belges ! ».

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