Même pas peur !

L’époque est anxiogène. Guerres, écoanxiété, crainte de l’autre, phobie scolaire… Dès le plus jeune âge, l’enfant est confronté à la peur. Raison pour laquelle celle-ci apparaît si souvent en littérature jeunesse

• Dans la lune avec Maman : alors que la fête des mères se profile à l’horizon, voici une histoire d’amour maternel entre une paresseuse et son bébé (tiens, d’ailleurs, comment appelle-t-on le petit d’un paresseux ?). Dans un décor nocturne et végétal classieux, un petit paresseux se love dans les bras de sa mère au clair de lune. Mais une nuit, il tombe (ce qui arrive régulièrement dans la nature). Angoisse. Comme pour tout rejeton qui ne voit plus sa mère. Celle-ci le rassure et se dirige vers lui. Lentement. Très lentement. Au cours de sa progression, elle lui parle, maintient le contact. Le dialogue qui se noue entre eux fera sans aucun doute écho chez l’enfant, l’apaisera et le bercera. Peut-être devinera-t-il que l’amour maternel est aussi histoire de patience ? Une histoire qui a les vertus d’un doudou.
  ► Dans la lune avec Maman, de Doreen et Brian Cronin (Rue du Monde). À partir de 3 ans
• La rencontre et Les amoureux : sous ces deux couvertures toilées, l’une rouge, l’autre bleue, on retrouve notamment une aventure imaginée précédemment par Victor Hussenot : Au pays des lignes. L’artiste a imaginé un univers bien à lui où tout est dit en images et même en traits fins bleus et rouges tracés au Bic. Qui plus est, dans le tome Les amoureux, ce sont les deux personnages du couple qui dessinent leurs aventures et leur vie : isolement, errance, rencontre, jeux, disputes, rêves d’avenir, souvenirs, jalousie, etc. L’usage d’autres couleurs permet de varier les décors et d’amener des intrus dans leurs relations. Pas un mot, donc. Des lignes, des pointillés, quelques aplats. C’est à la fois simple et complexe. Voilà qui plaira à ceux et celles qui rechignent à lire du texte et se délectent de la lecture d’images. Et gageons que l’enfant se fera un scénario qui ne sera pas nécessairement celui de l’adulte.
  ► La rencontre et Les amoureux, de Victor Hussenot (La Joie de lire). À partir de 8 ans
• Et si Nono : un livre, c’est aussi un objet. Certainꞏes artistes en jouent comme l’Israélienne Inbar Heller Algazi qui imagine un personnage qui se coince le doigt dans le pli intérieur du livre. L’histoire se déroule à partir de cette idée toute simple avec humour et poésie. Comme d’autres livres « Et si », celui-ci ouvre l’imaginaire de l’enfant. Comment dormir ainsi ? Comment manger ? Que fera Nono s’il reste coincé toute sa vie ? S’il devient papa ou papi ? Pour atténuer le poids de ces questions existentielles, l’autrice-illustratrice a imaginé des lapins qui interviennent silencieusement et astucieusement. Cette histoire aussi farfelue que ludique est servie par un travail graphique soigné et, notamment, un à-plat fluo jaune clair sur chaque page où Nono est coincé.
  ► Et si Nono, d’Inbar Heller Algazi (Les Fourmis rouges). Dès 3 ans
• Ursula, le poisson à l’envers : publié dans la collection Est-Ouest du Genévrier, ce livre pourrait nous faire perdre le nord et le sud. Ursula, le poisson-chat rose du fleuve Congo, vit dans un beau décor émeraude, la tête à l’envers. Ce qui peut nous paraître bizarre est naturel pour elle. N’est-elle pas souriante à chaque page ? Jusqu’au jour où elle rencontre un autre poisson qui s’étonne de sa position et l’interpelle. Le lecteur, la lectrice sont aussi invitéꞏes à voir le monde autrement et à… tourner le livre. Au gré de ce dispositif qui nous fait tourner la tête, on s’interroge : est-ce nous qui sommes à l’envers ? N’y a-t-il pas une autre façon de voir notre environnement ? Cet album a tout d’une cabriole philosophique amusante.
  ► Ursula, le poisson à l’envers, de Corey R. Tabor (Le Genévrier). Dès 4 ans

Benoît Leseure, Samir Barris et Nicholas Yates partagent au sein de Le Ba Ya Trio un attrait commun pour les musiques dites « du monde » et le plaisir de les partager avec le jeune public. Ils puisent dans le vaste répertoire des chants traditionnels pour nous faire voyager du Japon au Tyrol, de la Serbie au Pérou ou du Danemark à la Louisiane. Ces dix chansons mêlent paroles originales et adaptations en français au son du violon, de la contrebasse, de la guitare et des polyphonies vocales.
Si elles sont issues de cultures parfois très éloignées, elles évoquent toutes des préoccupations et des émotions universelles : respect de la terre, plaisir des récoltes, hospitalité ou simplement la joie procurée par le fait de se rassembler pour faire la fête. L’album s’ouvre sur ces mots, qui donnent le ton et nomment cette possibilité de se rencontrer, au-delà des frontières, à travers la musique : « Que la paix soit sur vous, nos très chers invités, qui venez d’arriver, bienvenus chez nous, Que nos nobles mains, qui vous accueillent enfin, signent un désir profond de paix entre nations ».

• Pas de trois, Le Ba Ya Trio (Stakhanova Production)

Geoffrey Briquet - Tous les mois, une proposition de Médiathèque Nouvelle