Loisirs et culture

Myriem Akheddiou, comédienne passionnée et bosseuse invétérée

Rencontre avec la comédienne Myriem Akheddiou

Elle maîtrise toutes les facettes de son art. Pourtant, le grand public ne remarque son talent qu’à la suite des séries Pandore et Quiproquo. À 47 ans, la comédienne, multirécompensée pour sa prestation dans On vous croit, peut enfin profiter d’une reconnaissance méritée.

Lundi, 10h. Nous nous retrouvons à Saint-Gilles, dans les bureaux d’O’Brother, la société de distribution du film On vous croit, dans lequel Myriem Akheddiou tient le rôle principal. Celui d’Alice, une mère qui se bat en justice pour protéger ses enfants d’un père abusif. Un rôle qu’elle incarne avec une justesse magistrale.
« J’ai été directement happée par la première scène. On est projeté au milieu d’un nœud extrêmement serré. Il y a un niveau d’intensité très élevé dès le départ, c’est plutôt rare. Moi, j’aime beaucoup. C’est extrêmement poignant. Je suis maman (ndlr : d’une fille, Selma). Je n’ai pas vécu ce genre de détresse, ni les affres de la justice, mais cela m’a percutée en plein cœur », raconte la comédienne au regard intense.
Son secret pour éviter de tomber dans l’excès ? Le travail. « Je me prépare énormément, cela me permet de personnaliser le rôle, de trouver ma résonance intime et personnelle avec le personnage. Pendant ce temps, je mijote dans un bain émotionnel. Donc, lorsqu’on tourne, les choses vraies se produisent parce que vous êtes enfin confrontée aux autres. J’en ressors fatiguée, mais libérée : pouvoir sortir ces émotions, c’est libérateur ».

Une grosse claque formatrice

Cette volonté de travailler pour s’améliorer, elle l’a acquise grâce à un échec : son examen d’entrée au Conservatoire de Bruxelles en art dramatique. « J’ai été acceptée en déclamation, mais pas dans la matière qui me plaisait le plus. C’était ma première grosse claque. Douloureuse, mais saine, cela vous empêche de prendre le melon et vous apprend la vertu du travail ».
Pour progresser, elle s’entoure du comédien Angelo Bison. « Ce n’était pas une sinécure, mais c’était formateur. J’ai eu un déclic grâce à lui ». Déclic qui lui ouvre les portes du Conservatoire l’année suivante, dans le domaine qui la passionne. De ses trois années d’enseignement, elle retient la camaraderie.
« J’ai eu la chance d’avoir une classe bienveillante et une prof, Hélène Theunissen, qui nous a transmis le goût du collectif. Elle nous disait : ‘Pour le cours prochain, préparez-moi une surprise’. Cela nous obligeait à trouver des costumes, des objets, des éléments de scénographie… On ne répétait donc pas chacun dans son coin. J’en ai gardé des amis que je vois encore aujourd’hui ».

Blessures d’enfance

Alors qu’aujourd’hui, Myriem se démarque avec plaisir de la mêlée, petite, elle voulait absolument être « comme tout le monde ». Dans son école à La Louvière, elle se sentait différente parce que la seule issue d’un mariage mixte.
« J’ai trouvé ça nul d’être différente. Je me sentais comme une tache. Je tannais ma mère pour faire ma communion. J’avais même trouvé une médaille de la Sainte Vierge (rires). J’avais senti que, si je disais que mon père était Marocain, j’allais m’attirer un jugement négatif. Alors j’essayais de le cacher, je disais que je m’appelais Myriam. »
Comme exutoire, elle écrit avec quatre autres comédiens qui partagent ce point commun la pièce de théâtre Moutoufs. « La mixité culturelle n’est pas facile à vivre. Et finalement assez banale. Mais, comme nous sommes des artistes, avec nos blessures, on fait des histoires ».
C’est d’ailleurs une autre blessure d’enfance qui a inspiré la comédienne pour écrire son premier long métrage. « J’avais un père fantomatique. Il était désincarné. Sa ‘présence absente’ m’a laissé un sentiment de non-regard, de non-intérêt. Je ne sais pas ce que cela donnera, mais je travaille sur cette relation père-fille ». Objectif sous-jacent : s’offrir un rôle à sa hauteur ! « Les expériences de cette année bien dense ont aiguisé mon exigence : je ne veux plus de projet moins intense. Dépendre des autres pour un rôle intéressant est une condition inacceptable ».

Le sombre et le lumineux

Entre son rôle de Christel, carriériste ambitieuse dans Pandore, et celui d’Alice, mère sacrificielle dans On vous croit, Myriem Akheddiou admet se reconnaître dans les deux. « J’essaie de garder l’équilibre entre ces deux tendances que je pourrais avoir. L’arrivée de l’enfant, je l’ai vécue comme une expérience de chamboulement dans ma vie personnelle, intime, corporelle et professionnelle. Avec la frustration de ne pas pouvoir s’adonner comme on voudrait à son travail, à sa passion, parce qu’on est d’abord maman. J’ai vécu avec la peur d’être mise sur la touche, avec ce sentiment très profond que, sans ça, je serais amputée. Mais j’ai aussi vécu le sentiment d’être submergée par un tunnel professionnel qui me faisait dire que si je ne faisais pas attention, j’allais perdre l’essentiel que sont ma famille, ma fille, mon couple. Je suis donc les deux : le sombre et le lumineux ».

Retrouvez ici toutes les rencontres du Ligueur

ET AUSSI…

Myriem Akheddiou vit le cinéma en famille, puisque son mari est le comédien Fabrizio Rongione. S’ils partagent les mêmes goûts cinématographiques – « C’est quelque chose qui nous relie très fort » –, ils n’ont pas tourné ensemble, même si Myriem aime l’idée de découvrir son mari sous cette facette professionnelle.