Vie pratique

Octobre 1964 : raison et sentiments

Octobre 1964 : raison et sentiments

L’ARCHIVE DU MOIS

En 1964, Roberte Franck officie dans les pages du Ligueur. Elle y répond aux questions des lecteurs et lectrices. En ce mois d’octobre, les missives reçues ont un parfum de courrier du cœur. Des jeunes s’y épanchent entre sentiments amoureux et pression familiale. Comme cette ado de 16 ans qui est éprise d’un jeune garçon et qui a envoyé une lettre pour l’annoncer à ces parents. Roberte Franck voit dans cette ado, « une jeune fille aux prises avec le grave problème de l’amour ». Grave ? Oui. Dans ces courriers, c’est bourré d’angoisse torturée.
Dans une autre lettre, une grande fille de 14 ans « et demi » présente son béguin pour un jeune homme de 18 ans qui rentre à l’École militaire. Ils ne se verront plus que tous les quinze jours. « Faut-il que je gâche ma jeunesse en l’attendant pendant plus de trois ans ou faut-il que nous nous séparions ? ». Roberte Franck livre son avis. « Le cœur n’est pas mûr à votre âge : il s’éveille à peine ». Conclusion : « Ne faites pas de projets d’avenir avant vos 18 ans ».
Ce pivot des 18 ans est important pour la chroniqueuse, c’est d’ailleurs à cet âge que Roberte Franck place la limite pour commencer à participer à des surprises parties cadrées par les parents, pour autant que ce soient « des réunions de vrais amis qui aiment à se retrouver pour danser, écouter des disques et discuter entre eux, sans lumière tamisée ni alcools pour créer une atmosphère de flirt ». Notons quand même que Roberte Franck concède que ces « S.P. » sont « une occasion de mieux se connaître avant de faire un choix matrimonial ». Bref, ce n’est pas si innocent que ça !
Mais attardons-nous sur le cas d’Odette. Dans le numéro du 16 octobre, ce n’est pas à Roberte qu’elle s’adresse, mais bien aux jeunes lecteurs et lectrices du Ligueur. Elle a 20 ans, sort avec Philippe qui est étudiant en droit et terminera ses études dans deux ans. Il l’aime, mais veut une situation avant de parler mariage. Ce qui ne plait pas aux parents d’Odette. Et voilà celle-ci coincée entre la crainte de perdre Philippe et le chagrin de papa et maman. Elle lance donc une bouteille à la mer.
Celle-ci revient bourrée de messages dans l’édition du 20 novembre. Jacqueline lui conseille de rester avec Philippe. « Vous ne pouvez rompre ». Un lecteur de 16 ans compatit : « Ne renoncez pas à votre bonheur pour celui de vos parents ». Pratiquement, ce qui se dégage des avis, c’est que Philippe doit rencontrer les parents d’Odette et que tou·tes s’apprécient les un·es les autres. C’est donc globalement bienveillant. Une pique quand même, celle lancée par un abonné (célibataire) de 25 ans : « Si je m’appelais Philippe, je n’hésiterais pas à rendre à la mère-poule le poussin Odette qui a besoin d’être encore couvé ». En lisant ces dernières lignes, le poussin en question a dû regretter d’avoir pris la plume.